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Lutte de classement autour du peuple. C Delarue

dimanche 29 juillet 2012, par Amitié entre les peuples

Lutte de classement autour du peuple.

 ENJEUX :

1 - Nommer les choses, c’est les faire exister. C’est pour cela que la bataille se fait rude.

2 - S’agissant du peuple-classe : Evoquer le peuple et plus exactement le peuple-classe c’est non seulement montrer les « élites », mais aussi une classe dominante. Cela est insupportable aux serviteurs de l’ordre dominant.

3 - Il ne s’agit pas ce faisant de poser un peuple-classe uni et encore moins vertueux, honnête et authentique. Il sont nombreux à répéter cette critique. Contre qui ? Contre ceux qui veulent ignorer le sexisme ou le racisme au sein de la société, dans toutes ses couches sociales. Pour nous le peuple-classe n’est pas « sans défaut ». On voit mal d’ailleurs comment il ne subirait pas les effets délétères du capitalisme ou des idéologies d’extrême-droites diffusées par les « beaufs » de la République.

4 - Il s’agit de dire que le peuple-classe est dominé. Le néolibéralisme a renforcé la domination des classes dominantes de nombreux pays. Y compris en Chine. Il suffit de voir l’indice de Gini pour remarquer que la Chine se rapproche des USA.

 DÉVELOPPEMENTS :

On lit dans « Le peuple existe-t-il ? » (1) sous la plume de plusieurs auteurs qu’il y a le peuple qui est le tout (le peuple légal) et le peuple qui est la partie. Le peuple-partie nommé peuple social ou peuple-classe montre son autre. Pour peu que l’on adopte un peuple large supérieur à 90 % de la population (à minima).

La bourgeoisie (de 1 à 3 % en-haut) tend, comme classe dominante, a montrer une division de classe parmi les couches sociales qui lui sont inférieures. Cette ou ces divisions ne sont pas fausses mais elles sont survalorisées. Il importe donc de relativiser la distinction entre les trois petites-bourgeoisies (2) qui disposent chacune d’une position sociale relativement favorable dans la société au-delà de leurs différences internes et la masse des prolétaires qui subit l’exploitation du travail et qui vit avec un salaire inférieur à 2600 euros net par mois (3).

Montrer la distinction entre bourgeoisie et peuple-classe revient à nommer un rapport social de prédation, une ponction de la classe dominante sur le reste de la société, petites-bourgeoisies comprises . On peut nommer peuple-classe l’ensemble des classes populaires à savoir les classes dites moyennes (ou intermédiaires) et en-dessous les classes « modestes » sans oublier les plus pauvres, les sous-prolétaires. La notion de classe(s) populaire(s) est indisponible pour remplacer le mot peuple-classe car elle est déjà prise pour évoquer (faussement à mon sens) un bas-peuple, grosso modo les ouvriers et les employés. Et des auteurs de renom (4) assurent la force de cette notion.

Idéologiquement, dans la perception dominante des luttes de classement, la ou les « classes populaires » ont au-dessus d’elle(s) les couches intermédiaires aisées ou les classes moyennes supérieures ou les petites-bourgeoisies. Cette tripartition vise à deux effets : d’une part à minoriser les classes populaires sur un volume plus restreint d’ouvriers et d’employés (cela rassure les dominants) ; d’autre part à nommer des couches sociales non populaires qu’on ne dit pas bourgeoises mais dont on répète qu’elles n’ont « pas à se plaindre » eu égard aux avantages dont ils disposent : cadres, professions libérales, patrons. Ce faisant cette distinction masque la domination de classe de la bourgeoisie - 2 % plus que 1 % - sur les petites-bourgeoisies et sur l’ensemble du peuple-classe. Il n’est donc pas anodin de parler de peuple-classe pour tous ceux et celles qui sont dominés soit au titre de l’exploitation salariale soit à un autre titre (volume des heures de travail des indépendants).

Bien souvent, la facilité de langage évoque le peuple sans plus de précision. Ce n’est pas une raison pour ne pas faire de distinctions au sein des différents discours. C’est la cas de JL Mélenchon qui use d’un « populisme social » à connotation communiste bien différent d’un populisme ethno-français source de xénophobie, à l’instar d’une Marine Le Pen (5). Avec elle comme d’ailleurs avec N Sarkozy on voit que le peuple, ce n’est pas nécessairement les 98 % d’en-bas, que l’on y mette ou non les résidents extracommunautaires d’en-bas. Selon les discours le contenu et le format du « peuple » change. Ce peut être le peuple-nation ou le peuple démocratique ou le peuple ethnique pour ne poser que les principales catégories de peuple.

En général le peuple, c’est toujours, au-delà des différences de sens, un très très large cercle d’individus sur un territoire donné. Cela le distingue des mots couches et classes qui posent des groupes sociaux de moindre importance. Pourquoi alors ajouter classe après peuple ? Pour montrer, on l’a dit, un rapport de domination de classe. Jacques Bidet parle lui de « classe fondamentale ».

Christian DELARUE

1) LE PEUPLE EXISTE-T-IL ? Ouvrage collectif sous la direction de Michel Wieviorka Ed Sciences humaines juin 2012 309 pages

Présentation sur :
http://editions.scienceshumaines.com/le-peuple-existe-t-il_fr-463.htm

A propos de notre problématique on citera deux auteurs de ce livre.

Irène TAMBA, dans « Le peuple » : un nom collectif, une notion ambivalente", distingue le peuple-un et le peuple-partie. Le premier est difficile à représenter car il est totalité alors que dans le second il ne se définit que dans une opposition particulière qui est fonction du contexte historique et qui peut être un roi, une élite ou une noblesse ou des riches ;

Dans son article « Classes populaires et complexité du social » Thierry PECH écrit : sous un paragraphe intitulé « les gens d’en-dessous » et à propos du mot « peuple » : « Le mot baigne évidemment dans une formidable ambiguïté, car il désigne à la fois le tout et la partie. Le tout lorsqu’on parle du peuple au sens de corps électoral, c’est à dire du peuple légal des procédures et des institutions démocratiques, celui dont la majorité exprime, par l’autorité du scrutin, la volonté générale. Mais aussi la partie lorsqu’on désigne ainsi les classes populaires au sens large ».

C’est aussi lui qui écrit : « Toute leur rhétorique repose sur l’opposition entre un peuple social crédité de vertus, d’authenticité, d’honnêteté et de sens des valeurs, d’une part, et, de l’autre, les puissants auxquels ils imputent des vices innombrables participants d’un »système« qu’il faut mettre à bas. » (p288)

Pourtant, par ailleurs, l’auteur reconnait que « la société a bien un »haut« et un »bas« . Mais c’est un point positif qui est immédiatement effacé par la suite de son propos : »Mais, en même temps, ce peuple social est divisible, complexe, dispersé". Comme si cette vérité effaçait la première.

Le peuple-classe est « un complexe dominé » pourrait-on dire pour insister sur le fait qu’il ne s’agit pas simplement d’un haut et d’un bas neutre. D’ailleurs T Pech écrit : « Il y a bien des gens qui cumulent en pratique des inégalités matérielles, culturelles, symboliques ». Mais il ne les localise pas dans une classe dominante. Il est vrai que les petites-bourgeoisies peuvent être considérées comme étant pour partie des bénéficiaires secondaires de ces avantages. Mais c’est un autre problème abordé ailleurs.

2) LES TROIS « PETITES BOURGEOISIES » C Delarue

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1835

3) Traduction néomarxiste du livre de Régis Bigot : « Fin de mois difficiles pour les classes moyennes »

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article2225

4) Lire Olivier Schwartz, Annie Collovald in « Vacarme / haut, bas, fragile : sociologies du populaire »

http://www.vacarme.org/article1118.html

5) Le populisme c’est comme le cholestérol, il y a le bon et le mauvais. C Delarue

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article2216