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Les indépendants font parti du peuple-classe. C Delarue

samedi 20 décembre 2008, par Amitié entre les peuples

Les indépendants font parti du peuple-classe.

Le « travailleur-entrepreneur » indépendant à la marge du mode de production capitaliste.

ATTAC défend parfois la petite production marchande artisanale contre la production capitaliste industrialisée des firmes multinationales. Dans la mesure où cette petite production marchande locale subie la logique des forces puissantes du néolibéralisme les indépendants peuvent reprendre à leur compte les propositions d’ATTAC. Mieux, dans certains domaines ce sont eux qui portent des propositions alternatives (commerce équitable, agriculture paysanne non productiviste, etc.). Mais qui sont les indépendants ?

Les indépendants forment l’essentiel de ce que les marxistes nomment petite-bourgeoisie, une catégorie encore plus complexe que celle des indépendants. Certains intègrent parmi la petite-bourgeoisie, outre les indépendants, les managers, les cadres supérieurs de commandement. Pour cela ils élargissent l’analyse en intégrant d’autres paramètres au-delà de la simple structure statique des classes sociales. Parler des seuls indépendants est plus simple.

La place du « travail » indépendant ne semble pas très importante (1) Ce qui ressort sous la terminologie d’indépendance c’est l’extrême diversité des situations (3) mais une unité par différence avec le salariat (2) et un rapprochement avec le « petit capital » (4)

I - LA PLACE DE L’ACTIVITE INDEPENDANTE

 Les travailleurs indépendants font parti - en principe - du peuple-classe.
Le peuple-classe est constitué d’une part de l’immense masse du salariat (à l’exception de l’infime minorité de « faux salariés » qui sont surtout des directeurs de grandes entreprises et des rentiers de haut niveau) et d’autre part des travailleurs indépendants.

Là aussi, il y a matière à distinctions car certaines professions indépendantes – avocats d’affaire, chirurgiens en clinique, etc… - sont de par l’importance des revenus perçus une couche d’appui avérée de la classe dominante. A tel point qu’il soit envisageable de les sortir du peuple-classe soit pour les placer soit dans un entre-deux nommé « petite-bourgeoisie », soit en les intégrant carrément dans la bourgeoisie. Le débat est ouvert ici. Ce qui les distingue des hauts salariés dirigeants de grandes entreprises c’est qu’ils n’ont pas un grand pouvoir de contrainte et de subordination contre les travailleurs salariés.

 La place des indépendants dans les pays du Nord.
De nouveaux métiers indépendants apparaissent mais la tendance lourde à la baisse provient de la chute continue du nombre de paysans dans les pays du centre, les pays de la Triade Amérique du nord, Europe, Japon. Avec l’extension du capitalisme et la prolifération des entreprises capitalistes de par le monde on peut faire l’hypothèse d’une extension sans précédent du salariat et des rapports sociaux capital/travail.

 Leur place plus importante dans les pays de la périphérie
Le travail indépendant est plus important dans les pays du Sud que dans ceux du Nord. Mais là encore il faudrait distinguer les pays très pauvres des pays en pleine croissance. Dans les pays du sud, la part de la paysannerie, de l’artisanat et du petit commerce est plus grande que dans le nord même si le salariat a augmenté en nombre avec l’implantation des firmes transnationales. L’influence des entreprises capitalistes installées dans les villes du tiers-monde ne se remarque pas seulement par des murs d’usine et de bureau mais aussi par des rapports sociaux capital/travail qui lui sont consubstantiels. Les paysans quitte la campagne pour devenir salariés, souvent des travailleurs pauvres dans les bidonvilles à la périphérie des villes.

II - DEFINITION PAR CE QU’IL N’EST PAS :

 Le travail indépendant est surtout non salarié.
Le « travail indépendant » est favorisé par les gouvernements. C’est une politique « d’aide à la création d’entreprise » qui s’appuit sur le rêve courant de travailler sans patron donc sans être pris dans un rapport de subordination. Au premier abord, il s’agit donc bien d’éviter le travail salarié fondé sur l’exploitation de la force de travail c’est à dire l’extorsion de la plus-value. Passer du travail (salarié) à l’activité autogérée n’est pas si facile aussi bien en période de crise qu’en période de croissance. Le salariat représente de 80 à 90 % de la population des pays capitalistes développés.

 Le travail indépendant ne se rapporte pas à l’activité des spéculateurs ?
Dans l’immense majorité des cas la réponse est affirmative. Mais la spéculation financière n’a nul besoin de grosse unités pour exercer ses activités parasitaires. La spéculation s’exerce très bien « en libéral ».

La crise financière a suscité au sein du gouvernement et notamment chez le chef de l’Etat français un mouvement critique à l’encontre des spéculateurs au profit des entrepreneurs. La crise financière a permis à la droite et chez les sociaux-libéraux de distinguer un bon capitalisme d’un mauvais. La séparation est plus idéologique que réelle. Il existe néanmoins une majorité d’entrepreneurs indépendants qui sont des non spéculateurs (ou de façon très occasionnelles, de façon non professionelle et massive).

III - L’EXTREME DIVERSITE DES ACTIVITES INDEPENDANTES.

Par ailleurs, le travail indépendant recouvre plusieurs réalités. Les syndicats de salariés se sont intéressés aux travailleurs sous contrat commercial étroitement dépendant des ordres d’une entreprise donneuse d’ordres. Ici c’est la pseudo indépendance qui est critiquée. Vu de loin, ces indépendants ne sont pas exploités par le capital, ils pratiquent une activité autonome. A l’analyse fine de la situation il en est autrement. De plus en plus d’indépendants travaillent dans le cadre d’une chaine ou d’une enseigne (restauration, boulangerie, coiffure...).

S’agissant du travail réellement indépendant, il convient de distinguer les activités d’agriculture qui se distinguent du travail artisanal et surtout de l’activité de « profession libérale ». La encore, le travail du paysan ou du fermier n’est pas celui du gros propriétaire de la Beauce. En fait un monde les sépare, même si les uns et les autres continuent de se syndiquer dans le même syndicat, qui défend principalement les gros propriétaires terriens. La naissance de la Confédération paysanne a fait bouger les choses mais les pesanteurs subsistent. Il y aussi le développement des petits métiers de survie : musiciens dans le métro ou ailleurs, vendeurs de journaux dans le métro ou dans la rue type Le Monde, vendeurs de journaux type Macadam, vendeurs de posters, jouets, gadgets dans le métro ou dans la rue - réalité probablement plus sensible à Paris, mais significative et bien réelle

S’agissant des professions libérales, on différencie en général les professions libérales dites « réglementées » de celles « non réglementées ». Les professions libérales « réglementées » les plus connues : architectes, avocats, médecins. Elles nécessitent une immatriculation dans un ordre ou organisme professionnel. Les activités des médecins sont étroitement encadrées et financièrement dépendantes de la sécurité sociale, mais certains médecins spécialisés du privé perçoivent de très hauts revenus alors que les médecins du public gagnent plus modestement leur vie. Les indépendants d’autres professions de santé (infirmiers, kiné, etc...) interviennent dans le cadre de prescriptions pour une prestation définie. Les infirmières gagnent peu au regard des tâches pénibles à accomplir aux côtés de médecins motivés par l’appât du fort gain.

La catégorie des professions libérales « non réglementées » regroupe toutes les professions qui exercent une activité ni commerciale, ni artisanale, ni industrielle, ni agricole et qui n’entrent pas dans le domaine des professions libérales réglementées. Il s’agit des consultants, formateurs, experts, traducteurs et documentalistes. S’agissant des revenus perçus, il importe de pointer l’existence de grandes fortunes de certains (médecins du privé spécialisés, certains notaires, indépendants de l’immobilier etc...) mais de revenus plus modestes chez d’autres : petits paysans, petits artisans. Ce sont les indépendants les plus modestes qui endurent une forte pénibilité du travail. Mais il s’agit quand même cependant d’une pénibilité constructive de la personnalité ; ce qui est pas le cas des travailleurs salariés qui connaissent bien souvent une souffrance aliénante au travail (souffrance qui s’ajoute à l’exploitation spécifique du travail salarié)

IV- VERS LE « PETIT CAPITAL ».

Le travail indépendant ne reste pas nécessairement dans le cadre d’une entreprise unipersonnelle. Il peut déboucher sur une petite unité capitaliste, ce que l’on nomme le « petit capital ». Dans ces petites entreprises les conditions de travail des salariés dépendent beaucoup du statut et du style de direction du chef d’entreprise. Les entreprises coopératives non tournées vers le profit semblent fournir de meilleures conditions de travail aux salariés mais la règle n’est pas absolue. La tendance est à la recherche de la rentabilité maximale. J’ai eu des échos de harcèlement dans une biocoop rennaise. Ce n’est pas une exception. En fait ce serait plutôt la présence syndicale qui garantirait de meilleures conditions de travail. Mais cette présence est réservée aux grosses entreprises et à elle seule elle ne garantie pas tout. Encore faut-il des syndiqués et des syndiqués actifs, combatifs.

Conclusion :

En fait le travail est intimement lié au capital qu’il soit petit ou grand. Pour reprendre les termes de M FREYSSENET, le travail est une « invention du capitalisme ». Il importe dès lors de ne pas le confondre avec les autres activités fussent-elles pénibles. Jean-Marie HARRIBEY (2) a procédé à une étude de clarification utile sur ce point.

Enfin, pour aborder la question des mentalités différentes issues de situations différentes, demandez les revendications d’un indépendant ou d’un petit patron, ce ne sera pas l’intensité ou la pénibilité de son activité, ni la longueur du temps qu’il passe dans son étude ou son cabinet ; non ce sera le montant de ses impôts.

Christian Delarue
ATTAC

Notes

1) Freyssenet M., “L’invention du travail”, in Futur antérieur, n°16, 1993/2, pp 17-27. Édition électronique, 1993. Freyssenet M., “Historicité et centralité du travail”, in Jacques Bidet, Jacques Texier (dir.), La crise du travail, PUF. Paris, 1995, pp 227-244.

2) sur le web cherchez : « Trtavail, emploi, activité : essai de clarification de quelques concepts » par Jean-Marie HARRIBEY