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Les comportements sexistes et racistes se greffent sur la lutte des places. Christian Delarue

dimanche 5 juin 2022, par Amitié entre les peuples

Barbarie ou civilisation

Les comportements sexistes et racistes se greffent sur la lutte des places.

Ce qui rend les choses compliquées, c’est que les comportements sexistes et racistes se greffent souvent (pas toujours) sur la féroce lutte des places dans l’entreprise et les services. Certaines structures sont actives pour combattre racisme et sexisme et d’autres beaucoup moins .

La lutte contre le racisme et le sexisme est un enjeu dans et hors travail . Il est difficile de lutter contre racisme et sexisme au travail si dans le reste de la société les médias ne cessent de reproduire des mécanismes plus ou moins subtils de dévalorisation ethno-raciste ou sexiste .

Revenons sur la lutte des places : y a-t-il une bonne lutte des places (ou le respect et l’adelphité serait maintenus) et une mauvaise (ou le sadisme est avéré) ? Quand dépasse-t-on les limites ? N’y a-t-il que lutte des places ? Ou se trouve la solidarité ?

La question de la lutte des places et de ses effets nuisibles et détestables au plan humain mais jugés néanmoins positifs pour la production pour les économistes orthodoxes me rappelle la distinction d’un auteur : Erich Fromm . Ce psychanalyste marxisant distinguait l’agressivité bégnine de l’agressivité maligne. Je renvoie ici à son gros livre de 1975 « La passion de détruire - Anatomie de la destructivité humaine ».

Avec la montée de la « thatchérisation du monde » (Christian Delarue) depuis la fin des années 1970 (1983 en France), nous vivons dans un monde hobbesien ou « l’homme est un loup pour l’homme » et surtout la femme et plus encore la femme racialisée, dans et hors travail (emploi) . L’idéologie méritoratique (qui existait auparavant mais limitée dans sa perspective cupide de gains lucratifs et financiers) dont se pare les néolibéraux n’est qu’enflure narcissique qui cache à peine pour parler comme Erich Fromm la forte destructivité dominante issue du concurrentialisme et de la lutte des places, lutte des places qui structure l’ensemble du mode de production capitaliste au détriment des mécanismes institutionnel de solidarité qui fondent véritablement le social . Le monde hobbesien détruit le social et les appuis sociaux et il réduit donc la sociabilité à de maigres apparences pour ne laisser que les individus et la compétition dont la formule est « plus haut, plus vite plus fort » ! Il y a une « sportivisation du monde » qui sort des stades pour entrer dans les entreprises. Et dans cette lutte se greffe du racisme et du sexisme. C’est indéniable ! Voilà ce qui rend compliqué la lutte contre les violences sexistes et sexuelles et contre le racisme sous toutes ses formes.

Même les services publics au service de l’intérêt général et non orienté vers l’accumulation du profit maximal comme les entreprises privées capitalistes n’échappent pas à cette logique dominante. En contrepoint on va certes trouver des gestes de sympathie et de solidarité mais cela reste très circonscrit et finalement mineur. Au sein des services publics on trouve de plus en plus de contractualisation et de moins en moins de recrutement de fonctionnaires à statut stable permettant de s’inscrire dans une carrière sécurisée qui permet de moins participer à l’individualisme agressif.

Le cadre de ce propos relève de l’humain et du social avec ses tendances agissantes dominantes actuelles . Nous sommes bien en présence d’un individualisme à dominante agressive et destructrice lié au souci de montrer aux chefs qu’on travaille bien et même mieux que son voisin . Le fait d’évoquer le chef montre au passage que la dite lutte des places s’inscrit dans les rapports sociaux capitaliste (capital-travail) qui sont véritablement explicatifs du système d’exploitation de la force de travail salariée . En conséquence le clivage entre détenteur du capital et les vendeurs de sa force de travail est premier et la lutte des places est seconde .

Mais la lutte des places existe bien comme division interne au monde des travailleurs et travailleuses exploitées. Et on la voit agissante partout notamment avec la survalorisation des compétences des uns et la sousvalorisation du travail des autres non seulement par les chefs et les directeurs d’usine mais aussi par certains travailleurs.

Elle est favorisée par la mise en place des moyens de comparaison entre travailleurs et travailleuses avec la présence de statistiques de contrôle de la productivité déplus en plus envahissantes. Chacun peut voir sa propre quantité de travail fournie et celle de son voisin.Cela se décline aussi bien par individu que par service et unité plus importante.

D’expérience, je dirais que ce sont les qualités des encadrants de proximité qui atténuent les effets perverts de la lutte des places mais certains ne sont nullement dans la modération : c’est qu’ils sont jugés pour accroitre la performance de leur unité et que la « bonne ambiance » n’est pas un critère , pas du tout ou fort peu. Et la « qualité de vie au travail » (QVT) lorsqu’elle est abordée n’est juste qu’un moment « administratif » (public ou privé) d’échanges formels qui n’engage aucun travail sur ces problématiques specifiques.

Quand à l’Etat il n’est pas le condensé d’un rapport de « races » ou de « sexe » comme l’on dirait d’un rapport de classes (sociales). Il promulgue même des lois antiracistes et avec des institutions et organes chargés de les mettre en oeuvre et d’autres qui sous prétexte de lutter contre le séparatisme montrent un infra-racisme. Mais c’est là un autre sujet.

Christian Delarue