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Les archipels de la différence à l’ethno-séparatisme. C Delarue

samedi 25 février 2017, par Amitié entre les peuples

Les archipels de la différence à l’ethno-séparatisme.

Il y a de multiples archipels communautaires, plus ou moins fermés, sachant qu’une communauté humaine peut répondre à un besoin de liens mais elle peut être aliénante : celui de la langue parlée, celui des origines, celui des cultures, des religions. De l’ethno-différentialisme on passe aisément à l’ethno-séparatisme .

Il y a aussi la différence textile : de l’hypertextile permanent choisi ou imposé par les intégristes religieux à l’hypotextile choisi librement comme réponse face à l’homogénéisation textile, à l’uniformisation du monde. Lorsque ces différences se combinent on peut observer ce qu’on pourrait appeler un ethno-sépatatisme relatif.

Accroche philosophique.

En 1989, Christian RUBY écrit « Les archipels de la différence  » Comme le sous-titre l’indique il explore quatre philosophies de la différence : Archéologie de Michel Foucault, Déconstruction de Jacques Dérrida, Répétition de Gilles Deleuze et Différend de Jean-François Lyotard. Il le fait après une longue critique de Hégel (chapitre I : Hégel, ce tyran.) , puisqu’il s’agit de rompre avec toutes les philosophies de l’identité, rompre avec toutes les phénoménologies (de la conscience et de l’Esprit).

 Les philosophies de l’identité sont des philosophies de l’unité et-ou de l’Etat. Or il s’agit juste de promouvoir les zones protégées des différences, les archipels des différences. Les nudistes ici, les femmes voilées ailleurs ? Non les différences irréductibles.

 La philosophie de la différence - si l’on accepte la dénomination - est un cri qui refuse le recouvrement du même, de l’homogène. Il correspond à la reconnaissance de l’altérité, le respect des altérités.

Quid des risques.

Encore faut-il, en refusant la standardisation culturelle et marchande, ne pas retomber dans une communauté fermée avec un homogène aliénant et obligé. On ne sait en effet à lire cette double philosophie (identité et différence ) si toute différence ou toute altérité est, en soi, totalement signe de libération, d’émancipation. La question n’est pas posée. L’aliénation ou pire l’emprise de la domination ne peut-elle pas investir la différence pour avancer ? C’est quand même là une dynamique humaine négative constamment active partout dans le monde dont les forces progressistes doivent se préoccuper.

Il y a aussi le risque de la régression vers moins de liberté. " L’esclave n’accompli pas toujours la promesse de son renversement  » (page 64) . On sait que les dominés peuvent reprendre les moyens et outils des dominants pour reconstruire un nouveau système de domination. La critique des trotskistes s’est affirmée de 1917 à 1989 contre le stalinisme pour parer à cette dérive particulière de la « dialectique du Maître et de l’esclave » (Marx reprenant Hegel).

Le différent dispose ici d’une éthique de la dissidence mais pas d’une volonté de s’unir. Le différent ici est absolu et ne saurait participer aux entreprises communautaristes fondées sur les luttes identitaires collectives - l’identité ne respecte pas la différence - ni aux entreprises de convergences des luttes, y compris celles qui entendent respecter le plus possible les revendications spécifiques. L’homme ou la femme de la « différence » n’est pas corporatiste, ni même communautariste bien que dans le réel de la vie, il y ait grosse attraction . Il ou elle entend simplement témoigner, exposer, « crier et trouver un écho » pour maintenir vivante sa différence face au recouvrement totalitaire du monde par le même, par l’homogène.

S’il accède à la pensée de la dignité pour tous et toutes ce n’est que sous le prisme du respect des différences et des différents, fussent-ils jugés aliénés par autrui. Toutes les altérités sont respectables : vivent les prostituées, vivent les musulmanes voilées, vivent les nudistes ! Dira-t-il : A bas les prostituteurs ? A bas les intégristes musulmans ? A bas les prudes ? Oui d’une certaine manière car il faut protéger l’altérité dans ce qu’elle a de plus irréductible. Mais il n’y aura aucune activité collective en ce sens. La différence et l’altérité relèvent du Je. Mais il n’y a pas, pour les puristes de la différence, un « je lutte de communauté », comme on a « je lutte de classe ».

Passage au réel.

Dans le réel il n’y a pas que des puristes de la différence. Il y a des affrontements inter-communautaires, des luttes micro-communautaires contre la grande communauté citoyenne ou humaine qui demande à voir les ressemblances. La ressemblance n’est-elle pas le début de l’identité collective ? Le "différent’, très obsédé par un culte fétichiste de sa différence, n’arrive plus à voir les ressemblances. C’est tout le piège du fétichisme des petites ou grandes différences, que de ne plus savoir participer à la vie sociale que sur le mode du différentialisme, de l’imposition constante de sa différence qui ne saurait jamais être mise de côté. Jamais. La différence débouche alors sur le non respect d’autrui. L’archipel des différences sert alors à construire des ghettos, du séparatisme culturel, de l’ethno-séparatisme.

L’ethno-séparatisme relatif est le plus souvent subi qu’affirmé. Dans quasiment chaque grande ville on peut trouver des quartiers ou l’on observe à la sortie des écoles une moindre population blanche, ou l’on parle d’autres langues que le français, ou l’affichage religieux ostensible s’opère dès la sortie de l’école. L’ethno-séparatisme relatif dans certains quartiers rennais a fait l’objet d’une discussion lors d’une réunion du MRAP Rennes. Le sujet est délicat. Il doit être le mieux instruit possible. La mixité ne se décrète pas. Il importe de bien comprendre d’abord les phénomènes sociaux en action avant d’intervenir. Le problème de l’attente et de la prudence est qu’elle fait le jeu d’une certaine ségrégation spatiale non dite. Et que cela génère des « effets pervers ».

Christian DELARUE