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Les agents périphériques d’une socialisation différenciée. Christian Delarue

jeudi 18 mars 2021, par Amitié entre les peuples

Les agents périphériques d’une socialisation différenciée entre filles et garçons.

Le titre vient de l’ouvrage cité « Introduction aux études sur le genre. » (en bas de cet article)

Il s’agit, pour les très jeunes, le fait de leur « proposer » de porter des habits différents, avec des couleurs différentes. Il y a aussi leur donner ou proposer des jouets différents. A l’adolescence la socialisation différenciée se poursuit. Ce qui est différent n’est pas en soi mauvais c’est la quasi-obligation de l’être en lien avec son sexe qui le devient quand la personne ne veut pas. Et la réaction d’intolérance qui surgit trop souvent.

La « taxinomie chromatique » (Fischer) des habits des jeunes a changé au fil du temps (Van Gennep). Le rose allait jadis aux garçons avant de passer aux filles, il y a quelques décennies. Antérieurement la question de la couleur ne se posait pas : il y avait une relative indifférenciation pour des raisons pratiques.

Il y a eu une mode « unisexe » dans les années 60 et 70 qui n’était pas absolue. On continuait de voir des variations sur les pantalons et les chaussures. Un marquage distinctif, féminin ou masculin, subsistait sur un fond « unisexe » . Puis une relative diversité vestimentaire est de nouveau apparue avec de l’indifférencié relatif maintenu (pour qui veut) côtoyant du nettement différencié hommes-femmes . On parle de diversité lorsque les deux modes sont acceptés pacifiquement tant dans l’espace public que privé.

Tant que le différent ne signifie pas aussi inégalités d’accès ou dominations diverses mais égalité dans la différence il n’y a pas de souci. Le problème surgit avec l’introduction de la hiérarchie portée sur les différences : le féminin (ce qui est perçu comme tel) est jugé inférieur au masculin (ou ce qui est perçu comme tel).

La socialisation des adolescents - non plus des jeunes enfants - se fait par une « entrée dominante dans l’hétérosexualité dominante », laquelle s’accompagne d’une différenciation sexuée très attractive pour les un.es (la différence les construit) et d’un rejet tout aussi fort de cette différentiation pour les autres (qui veulent une autre construction) . Et en cette période difficile apparaissent des stigmates comme « pédé » ou « pute » qui ne viennent pas d’eux mais qu’ils et elles reprennent massivement. C’est à cet âge que les violences s’exacerbent et que le « mal » d’une « masculinité toxique » peut surgir et s’installer . Et il faut du temps avant que s’atténuent ou disparaissent les affres (variables) d’une adolescence tourmentée. A condition que la société favorise une autre masculinité ou le différent se combine avec le respect et la bienveillance.

A noter que les filles jouent en général - pas toujours - un rôle « civilisateur » qui leur vient de l’éducation sexuée antérieure. Les filles en effet ne joueraient pas pareillement que les garçons, que les jouets soient identiques ou différents. La nature du jouet a son importance - une dinette apprend le rôle de tenir une cuisine - mais il y a aussi la façon de jouer avec un même jouet qui importe. Il y a un usage plus collaboratif chez les filles et plus compétitif, plus agressif chez les garçons. Et cette différence de modalité dans l’usage débouche plus tard sur des comportements construits difficiles à moduler. On évoque une « seconde nature » : c’est culturel mais c’est ancré comme une nature.

Christian DELARUE

Pour des développements sur ce sujet lire : « Introduction aux études sur le genre » de Béréni, Chauvin, Jaunait, Revillard. Ed De Boec 2012.