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Lepenisme : Retour à fascisme ou néofascisme plutôt que populisme ? C Delarue

mardi 26 juin 2012, par Amitié entre les peuples

Lepenisme : Retour à fascisme ou néofascisme plutôt que populisme ?

Il ne s’agit pas seulement de bien nommer l’ennemi. Il s’agit de comprendre en quoi l’ennemi et plus qu’un adversaire ordinaire du combat démocratique et républicain.

 Au-delà de la bataille des mots.

La bataille des termes ne doit pas cacher l’installation dans le temps de l’extrême-droite en France dans sa diversité (aspect vertical) ainsi que son implantation élargie dans l’espace (aspect horizontal). Quel pays de l’Union européenne n’a pas aujourd’hui son organisation populiste ou néofasciste ? Il y a même en Grèce une organisation ouvertement néo-nazi.

Cette bataille a pris un regain particulier avec la campagne de Jean-Luc Mélenchon et celle de Marine Le Pen. Le premier s’appuyant sur le peuple démocratique (les citoyens) et le peuple-classe français mais sans nationalisme alors que la seconde ne connait que le peuple ethnique ou le peuple nation en mode xénophobe et nationaliste. L’analyse du populisme s’attache à comprendre les types de mobilisation du peuple. C’est un de ses intérêts au-delà de la question de l’affectation du bon terme.

 Alors, fasciste le Front national ?

I - LES VIEUX DEBATS

Déjà, lorsque j’étais en fac de droit - histoire des idées politiques -, un débat tournait, sous l’effet du score de Stirbois à Dreux, sur la nature du Front national comme formation fasciste ou non. Le terme « populiste » quoique ancien n’était pas employé. Fasciste résonnait comme non scientifique ou du moins non rigoureux pour le poujadisme (1) comme pour le FN.

Ceux qui admettaient la version stricte de la définition du fascisme tout en ne voulant pas lâcher son volet accusateur parlait alors de néo-fascisme pour le FN. Cela permettait de continuer de mettre l’accent sur les point communs : régime autoritaire contre les travailleurs, contre les syndicats, contre le droit de grève, contre les étrangers, contre les libertés en général...

Les autres se subdivisaient en deux courants opposés. Néofasciste semblait idéologique à ceux plutôt à droite. Il fallait s’en tenir à la définition stricte de la « science politique ». Néofasciste s’appliquait à la rigueur pour Ordre nouveau (2) mais pas au FN (3). Quand à fascisme cela se rapportait au sens strict au régime, né de la crise qui a suivi la Première Guerre Mondiale, mis en place par Benito Mussolini en Italie de 1922 à 1945. Celui-ci est fondé sur la dictature d’un parti unique, sur un pouvoir autoritaire, nationaliste et anticommuniste.

Sur le versant gauche, on estimait que le « néo » n’apportait rien tant les différences étaient secondaires (mode d’accession au pouvoir, etc...) et que le fascisme ne saurait se réduire à l’Italie. Le propre d’un concept est de s’étendre au-delà du cas-type. L’exemple du bonapartisme était évoqué avec une démarche similaire d’extension.

Le régime fasciste entend faire de la nation une communauté unique rassemblée derrière un seul homme (culte de la personnalité et importance de la hiérarchie), avec un individu qui doit s’effacer devant l’Etat. Rejetant les droits humains, il s’accompagne d’un Etat policier fort et sécuritaire, d’une organisation verticale des métiers en corporation, d’une méfiance envers les étrangers et d’une politique réactionnaire.

Le langage commun, qui impose sa définition aux spécialistes au fil des ans, a dépassé le cadre du régime mussolinien pour évoquer dans la même opprobre les dictatures proches : Portugal de Salazar, Espagne de Franco, France de Pétain, Grèce des colonnels, etc... Des auteurs, communistes, ont pourtant critiqué cette position : "Les dictatures européennes" . A & F DEMICHEL (plan)

Aujourd’hui c’est la filiation du lepenisme dans l’histoire française d’extrême-droite qui est nommée fascisme. Il s’agit du sens englobant. En général on parle du populisme (d’extrême-droite) en Europe. Mais ce terme est plus flou et plus « gentil » contre le FN. Alors qu’il stigmatise le peuple.

II - RETOUR SUR LA CRITIQUE D’ Annie COLLOVALD

A propos de populisme, il ne faudrait pas perdre de vue la critique d’ Annie Collovald (4). L’auteure est fort critique du pape du populisme en France : PA Taguieff. Mais ce n’est pas là le point central.

Elle souligne que le populisme est tout à la fois une catégorie d’analyse politique et une stigmatisation. Tout comme fascisme ou néofascisme mais en plus flou. En effet, il y a stigmatisation élargie avec le populisme. Annie Collovald a développé cela d’emblée dans son ouvrage « Le populisme du FN, un dangereux contresens ».

Qui est en effet stigmatisé ? Le Front national certes mais pas seulement. Et c’est tout le problème que soulève Annie Collovald. Derrière l’accusation de populisme, et à la différence de fascisme ou de néo-fascisme, c’est le peuple qui est montré du doigt . Soyons plus précis : il ne s’agit pas de tout le peuple, ni même tout le peuple-classe mais plutôt ce que l’on nomme les couches populaires : ouvriers et employés. Même là des distinctions sont à faire. Ceux de la campagne plus que ceux de la ville, etc...

Fascisme ou néo-fascisme replace le regard vers l’organisation politique qui fait appel au peuple. A quel peuple fait-il référence ? Un peuple archaïque menacé ? Peuple ethnique ou peuple-classe, peuple nation ou peuple des citoyens, etc...

On retrouve les distinctions faites en introduction entre le FN ou le Bloc identitaire et le Front de gauche. L’extrême-gauche en France (NPA et LO) font encore plus nettement appel au peuple-classe qu’au peuple nation.

Il ne s’agit qu’une modeste pièce à débat . Débat à poursuivre.

Christian DELARUE

1) Le poujadisme ne se réduit pas à son antifiscalisme. Le virilisme, l’anti-féminisme, la haine du fonctionnaire, le nationalisme y sont aussi présents. Cf Dominique Borne, Petits bourgeois en révolte ? Le mouvement Poujade, Flammarion. F. (1977)

2) Juste quelques mois après la naissance du FN (oct 1972), lors d’une réunion publique sur le thème « Halte à l’immigration sauvage » (déjà ) à la salle de la Mutualité à Paris le 21 juin 1973, de violents affrontements opposèrent des contre-manifestants de la Ligue communiste d’Alain Krivine aux forces de l’ordre. Les deux organisations - LC et Ordre nouveau - furent dissoutes dans les jours qui suivirent.

3) Le Front National, né en octobre 1072 avec Jean-Marie Le Pen comme président jusqu’en janvier 2011, se dit patriote et souverainiste. Pour Marine Le Pen le FN n’est « ni de droite, ni de gauche ». Mais on ne saurait prendre pour définition de la nature d’un mouvement ce que ce mouvement dit de lui.

4) Annie COLLOVALD ou Le cailloux dans la marre de la science politique. Annie COLLOVALD a donné à la publication en 2004, soit deux ans après les élections présidentielles de 2002, un ouvrage qui est allé à contresens de la tendance dominante : « Le populisme du FN, un dangereux contresens ». D’abord le « populisme » est tout autant une catégorie d’analyse qu’une injure politique. Ce n’est pas un phénomène nouveau. Il en va de même par exemple pour le terme communautarisme.