Accueil > Altermondialisme > Anti-libéralisme, anti-capitalisme, anti-classisme > Convergence des luttes et solidarité. > Le système travailliste selon André Garrigou-Lagrange

Le système travailliste selon André Garrigou-Lagrange

lundi 3 avril 2017, par Amitié entre les peuples

Le système travailliste selon André Garrigou-Lagrange

André Garrigou-Lagrange jadis professeur d’économie à Bordeaux a écrit avec René Passet « Economie politique - Systèmes et structures (par AGL) - Politique du développement (par RP) » . (Précis Dalloz 1965)

Au chapitre VI intitulé « A la recherche d’un système humaniste » (page 414) on trouve des développements sur un « système travailliste  ».

 En distinction de : sa différence.

L’auteur prévient qu’il n’adopte pas le sens courant : « Nous n’entendons pas « travailliste » dans un sens politique, faisant allusion à la doctrine ou à l’attitude d’un parti déterminé, tel qu’il se rencontre en Angleterre par exemple ».

Il ne définit pas non plus le travaillisme comme un système qui assure un relativement « bon niveau » d’exploitation de la force de travail ou comme une politique visant à faire travailler plus ceux et celles qui travaillent déjà suffisamment ( au lieu de les faire travailler moins dans le privé et le public), soit, en somme, une politique d’allongement du temps de travail ou de son intensification.

Faisons intervenir ici, M Madelin et son « nouveau travaillisme ». Car on pourrait ajouter aussi, aujourd’hui, que le « système travailliste » de M Garrigou-Lagrange (en 1965) se distinguait du « nouveau travaillisme » de facture néolibéral tel que décrit par Alain Madelin en 1997 (il y a 20 ans - 1)
« Le « nouveau travaillisme », c’est, dit M Madelin, la confiance dans la liberté« . Etonnant ! Et pour que ce soit bien clair M Madelin précise »Dans la liberté des personnes, dans la liberté du marché, dans la liberté des entreprises. Une liberté enrichie par la dimension de la responsabilité. C’est le modèle de la promotion sociale par le mérite et la propriété privée ». C’est désormais parfaitement clair pour tous. Cela fait penser à la liberté du loup dans le poulailler ! Et on pourrait invoquer la formule de Lacordaire (2). Mais peu importe ici . Au plan sémantique, pourquoi invoquer un « nouveau travaillisme » ? Pour la bataille des mots et du sens dans le champ politique sans doute.

Ce genre d’orientation idéologique défendue par M Madelin est très libérale et très pro-patronale et autorise, on le sait, des politiques très anti-sociales, austéritaires et de mise au travail intense et/ou à plus de 35 heures par semaine. On est loin d’un « système travailliste » voulant sortir du XIX siècle, en étant plus respectueux des travailleurs, plus attentif à une « sobriété au travail » au profit des travailleurs salariés mais aussi afin que tous et toutes travaillent sobrement, afin que « tous participent à la production de l’existence sociale », formule trop méconnue qui devrait pourtant être un principe guidant la politique de l’emploi pour nos élites. Au moins celles de gauche. Nous y reviendrons plus loin.

 En affirmation de : son apport.

André Garrigou-Lagrange considère lui un système en fonction de la source des apports économiques et il distingue ici les apporteurs de capital et les apporteurs de travail. Dans le capitalisme ce sont les apporteurs de capitaux qui sont importants mais dans un autre système dit « travailliste", ce sont les apporteurs de la force de travail qui déterminent le système. Il pense aux coopératives de production.

 Croisement possible des significations.

A priori, travaillisme entendu comme système qui privilégie les apporteurs de force de travail ne s’oppose pas à travaillisme entendu comme défense du surtravail et en opposition aux programmes divers de RTT (à 32 ou 30 heures par semaine). La doctrine catholique de l’époque trouvait beaucoup de vertu dans le maintien d’une charge de travail conséquente. Mais tous ne tiennent pas aujourd’hui ce langage travailliste-exploiteur. De ce fait on peut très bien défendre un système travailliste tel que défini par André Garrigou-Lagrange jadis et refuser le travaillisme comme doctrine de surcharge du temps de travail salarié.

Christian DELARUE

1) in Pour un travaillisme à la française - Alain Madelin - Libération 3 mai 1997
http://www.liberation.fr/evenement/1997/05/03/pour-un-travaillisme-a-la-francaise_206754

2) Henri Lacordaire, député de gauche à l’Assemblée constituante en 1848 (1802 - 1861), : « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime, et la loi qui affranchit. »