Le sud, combien de divisions ? J Cossart
par
popularité : 8%
Le Sud, combien de divisions ?
Le numéro 132 du 16 octobre 2008 de l’hebdomadaire Humanité Dimanche publie, à propos de la crise financière, deux articles de deux économistes membres du Conseil scientifique d’Attac-France, François Chesnais et Jacques Cossart.
Voici l’article de Jacques Cossart.
http://www.france.attac.org/spip.php?article9195
La crise financière qui va mobiliser plus de 1 000 milliards de fonds publics de part et d’autre de l’Atlantique pour tenter de « sauver » un système bancaire qui, sans cela, risque d’entrainer avec lui tout le reste, n’est- elle qu’une affaire d’appareils financiers ? Non malheureusement.
Rappelons l’ampleur du désastre ; le chiffre qui vient d’être évoqué représente le double du Produit intérieur brut (PIB) de toute l’Afrique subsaharienne ! Soulignons un des caractère les plus pernicieux du système capitaliste. Celui d’avoir su mêler son destin, quand les choses tournent mal, à celui des 6,5 milliards d’être humains dans une sorte de diabolique « si je tombe, tu tombes aussi ».
Rappelons quelques caractéristiques de la crise qui nous est imposée. Contrairement à ce qu’on voudrait -par intérêt ou cécité- nous faire croire, ce ne sont pas quelques dérives individuelles qui nous ont conduit à ces extrémités. C’est, au contraire, inhérent au système lui-même. Les quelques 4 000 milliards de dollars -une demie année du PIB européen- qui, chaque jour, constituent le commerce des devises et des actions, seraient le fait de quelques brebis galeuses ? Les avoirs des 150 premières transnationales équivalant à 120 % du PIB mondial ne serviraient pas de support aux bulles diverses ? Les paradis fiscaux qui stockent plus de 13 000 milliards de dollars ne seraient rien dans ce système fou ? Les 100 000 personnes détenant des avoirs financiers équivalents au quart du PIB mondial seraient étrangers aux spéculations de toutes sortes ?
Alors, moraliser le capitalisme ? Madame Parisot ou Monsieur Sarkozy sont-ils vraiment persuadés qu’il vont nous faire gober cela ?
Cette crise pèse d’abord sur les plus vulnérables à l’image des ces foyers étasuniens, comme par hasard majoritairement noirs ou latinos qui, victimes du système financier, se retrouvent sur les trottoirs. Les 25 000 personnes qui, chaque jour, meurent de faim, les 40 % de la population mondiale qui survivent, au Sud, avec moins de 2 dollars pour une journée, sont les premières et le plus gravement touchées.
Ces monstruosités ne sont pas le fruit de la malchance ; elles sont directement liées aux spéculations sur les matières premières, à la production d’agrocarburants pour remplir les réservoirs des pays riches plutôt que les ventres affamés du Sud, à la dette des pays pauvres déjà plusieurs fois remboursée et toujours bien présente. Les institutions internationales, et les gouvernements du G7, auront pu trouver, en quelques jours, les sommes nécessaires à sauver le système bancaire international mais sont incapables depuis plus de trente ans -parce que trop dangereux et immoral (sic)- d’annuler la dette du tiers monde. Ces monstruosités ont pour résultat direct que l’Afrique subsaharienne a vu son PIB/habitant baisser de 0,5% par an sur les 30 années de 1975 à 2005. Ces extravagances criminelles ont un ressort, les inégalités qui font, par exemple, que l’un des pays où la criminalité est la plus élevée, le Brésil, voit les 10 % les plus riches de sa population se partager 45 % des richesses du pays pendant que les 10 % les plus pauvres doivent se contenter de moins de 1 %. Il n’est pas jusqu’aux émissions de CO2, carbone auquel les « experts » ont donné un prix, pour lesquelles les inégalités ne se révèlent pas dans toute leur brutalité : un habitant des Etats-Unis en rejette en moyenne 200 fois plus que celui du Niger !
Alors, pour le bien du plus grand nombre y compris au Sud, il ne ne pas laisser la crise entraîner les licenciements et autres coupes dans les dépenses sociales qui ne manqueraient pas de se produire à grande échelle, comme lors de toutes les périodes semblables de l’histoire. Il faut en effet ne pas laisser s’effondrer les banques parce que ce serait d’abord, au Sud comme au Nord, au détriment des plus fragiles. Mais, à la condition que, nous les peuples, privions les propriétaires du capital des commandes. Ce n’est pas d’accès aux marchés dont les peuples -à commencer par ceux du Sud- ont besoin mais d’un véritable espace politique dans un cadre mondial de coopération et non de compétition. Emparons-nous d’une Bastille qui en vaut la peine au 21e siècle, l’ONU, non pour la mettre à bas mais pour la rebâtir afin d’en faire le haut lieu de la démocratie mondiale.
Jacques Cossart,
Economiste
Membre du Conseil scientifique d’Attac