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Le nouveau visage des associations anti-avortement . A Chilot

jeudi 29 janvier 2009, par Amitié entre les peuples

Le nouveau visage des associations anti-avortement

mercredi 28 janvier 2009

bakchich.info

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Ils existent encore ! Des militants anti-avortement (organisent), ont organisé dimanche 25 janvier et comme chaque année, une « marche pour la vie ». Enquête sur un mouvement en mutation.

Par Antonin Chilot

Leurs premiers coups d’éclat ont fait la une des médias à partir du milieu des années 80 : des militants anti-avortement enchaînés aux tables d’opérations, scandant des slogans radicaux devant des jeunes femmes enceintes en état de choc… Mais aujourd’hui, la plupart des associations anti-avortement ont délaissé ces méthodes extrêmes. S’agit-il d’un profond changement idéologique ou d’une simple stratégie de séduction ? A quelques jours de leur « Marche pour la vie », enquête sur un mouvement en pleine mutation.

Entre eux, les militants anti-avortement s’appellent parfois les « survivants » car ils estiment avoir survécu à l’avortement. Une cinquantaine d’entre eux, bien vivants, s’étaient donnés rendez-vous place du Trocadéro le 11 novembre dernier. Avec un mot d’ordre : ne pas oublier le plus grand massacre du 20e siècle pour ne pas supporter « ce massacre quotidien et organisé qu’est l’avortement », comme le soutient au micro le Docteur Xavier Dor, président de l’association « Sos Tout-petits ». Devant lui, personnes âgées, jeunes hommes endimanchés que l’on imagine gendres idéaux, accidentés de la vie et familles nombreuses écoutent religieusement. Les présidents des principales associations se succèdent pendant une heure, sur le parvis baigné par le soleil glacé d’une matinée d’automne. Sous les applaudissements de leurs adhérents, ils attaquent Simone Weil, le lobby gay ou les forces obscures de la franc-maçonnerie, suscitant l’incompréhension de touristes surpris ou la désapprobation de certains passants…

Dr Xavier Dor : « Chirac et Giscard, deux criminels de haut rang »

Depuis quelques années, les rassemblements pacifiques et les prières publiques se multiplient car « il est aujourd’hui beaucoup trop risqué de pratiquer des opérations commandos dans des centres d’avortement », explique Maître Rosny de Minvielle, l’avocat des militants anti-IVG. La loi a porté un coup d’arrêt à cette pratique. » Instauré en 1993, le délit d’entrave est venu combler un vide juridique. Aujourd’hui, l’amende est de 30 000 euros pour qui tente d’empêcher le fonctionnement des centres. « Et en état de récidive, elle peut théoriquement être multipliée par dix ! Faites le calcul quand sont condamnés une dizaine de militants récidivistes ». Mais plus qu’un simple problème juridique, c’est aussi une prise de conscience que révèle cet abandon progressif des opérations commandos. « Elles étaient très mal perçues dans l’opinion, y compris au sein de l’église catholique », reconnaît l’avocat.

Certaines associations ont pourtant mis beaucoup de temps à accepter cette évolution, à l’image des « Sos Tout-petits » de Xavier Dor, qui a été condamnée à plusieurs reprises pour un total avoisinant les 800 000 euros d’amendes. Chantre des commandos anti-IVG à partir de 1987, aujourd’hui âgé de 78 ans, il ne renie rien de son passé et de ses 106 opérations commando : « on se fichait pas mal de l’opinion, prétend-t-il. Nous voulions rompre le silence, montrer notre intolérance à ce massacre dont étaient responsables nos dirigeants. » La radicalité est donc encore là, à fleur de peau. Les opérations commando ont pourtant bien disparu, à contrecœur, car « ce sont mes plus beaux souvenirs » précise-t-il volontiers. Pour ne pas se sentir isolé, ce dernier partisan des opérations coups de poing commence à accepter cette nouvelle stratégie. L’association « Sos Tout-petits » utilise par exemple des « helpers », des bénévoles postés devant les cliniques et chargés de convaincre les jeunes femmes de ne pas avorter. Finie la violence et la force des opérations commandos anti-avortement, même chez Xavier Dor. Bienvenue au soutien, à l’aide et à la compréhension des militants « pro-vie ».

Les inquiétudes du Planning Familial

Mais au Planning Familial, personne n’est dupe. Le combat continue, loin des caméras de télévision. En 2006, si 209 700 IVG ont été pratiquées en France, certaines femmes connaissent encore des difficultés pour accéder à l’avortement, selon un rapport de Bérangère Polleti, député UMP des Ardennes. Et le combat est encore plus difficile aujourd’hui, estime Marie-Pierre Martinet, la secrétaire générale du Planning Familial : « Les anti-IVG sont plus discrets et délaissent les attaques frontales. Leur propagande est plus efficace, car positive. Et grâce à des soutiens financiers importants, ils parviennent à s’organiser en silence ». L’association, qui pointe du doigt les soutiens de mouvements radicaux de l’Eglise catholique comme l’Opus Dei, reste vigilante, malgré un manque de temps et de moyens. « Nous n’avons pas le temps de lutter contre eux, comme eux luttent contre nous, regrette-t-elle. Notre boulot quotidien nous occupe à 100%. Nous n’avons même pas leurs moyens, notamment sur Internet, où ils ont très bien su s’implanter ».
La fin d’une génération

Un nouveau visage qu’incarne parfaitement Cécile Edel, la présidente de « Choisir la vie », depuis la mort de son père Michel Raoult. Elle est jeune, grande, bien habillée, met des chaussures à talons hauts et donne l’image d’une mère épanouie. A l’opposé de l’image stéréotypée du militant anti-IVG, elle incarne la relève et le renouveau : « Nous sommes une génération qui n’a pas vu naître la loi sur l’avortement. Le sujet était alors très sensible et à l’époque, je comprends le choix des commandos, même si « Choisir la Vie » n’y a jamais participé. » Elle assure que les jeunes arrivent dans un état d’esprit plus constructif et moins idéologique. « Les commandos pourraient ternir notre image auprès des politiques ou du public. Nous préférons agir autrement, même si je respecte ceux qui y ont participé », glisse-t-elle prudemment. Son association s’organise pour toucher le plus de monde : tractage devant les écoles ou les centres de santé, manifestations pacifiques et antennes en province. Marie-Aline Chevreau, la secrétaire générale de « Choisir la Vie » se fait plus précise : « l’important, c’est de montrer qu’on existe. Mais on ne peut pas tout faire, alors on essaye de s’organiser tous ensemble. »

Une toile associative qui s’étend

En 2005, les associations anti-ivg se sont en effet regroupées dans un collectif, « 30 ans ça suffit ». Depuis, chaque année en janvier, elles organisent « La marche pour la vie ». Objectif : compter les troupes et renvoyer une image d’unité. Ils étaient 2500 en janvier dernier selon la police, 25000 selon les organisateurs. Mais il reste extrêmement difficile d’évaluer le nombre d’adhérents au mouvement anti-ivg. « Sos Tout-petits » en revendique 1600, « Choisir la Vie » plus de 15000. Une nébuleuse de petites associations, regroupées notamment au sein de « l’Union pour la vie » viennent grossir les rangs, sans pouvoir établir un chiffrage exact. La Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques, idéologiquement proche du mouvement anti-avortement, compte pour sa part 35000 familles membres. Doucement, se met en place un ensemble plus vaste qu’il n’y paraît, un réseau plus efficace qu’on ne l’imagine. Car au-delà des associations qui défilent ou tractent, il y en a d’autres, plus discrètes, qui chaque jour œuvrent sur le terrain.

Elles se retrouvent au bout du fil. De nombreux numéros d’écoute téléphonique permettent d’orienter les femmes enceintes qui hésitent et se sentent seules. Avec un but : les convaincre de ne pas avorter. Tous ont des liens avec des mouvements anti-avortement, notamment Sos Futures Mères (Laissez-les-vivre) ou SOS Mamans (Union des Nations de l’Europe Chrétienne). L’association Mères de Miséricordes, financée par des dons de particuliers à 100%, dispose elle de 17 antennes en France, un nombre qui ne cesse d’augmenter. « Nous sommes plus de 4 000 personnes à organiser des chaînes de prière et de jeûne pour aider ces femmes qui nous appellent à faire le bon choix », explique l’une d’elles, qui a voulu rester anonyme.

« Une armée en ordre de bataille pour la vie »

Plus silencieuses encore, les associations proposant un logement aux jeunes femmes hésitantes. Pour beaucoup d’entres elles, coupées de leur milieu familial, l’aide à l’hébergement peut être une raison suffisante pour ne pas avorter. La Maison de Tom Pouce, fondée en 1987 par l’association Secours aux Futures mères et qui accueille de 9 à 12 mères, a fait des petits. A Toulon, les maisons Bethléem disposent de 13 studios. Idem à Tours, au sein du foyer Magnificat qui peut accueillir jusqu’à sept futures mères. Contactée, l’association refuse de reconnaître son engagement anti-avortement mais son appartenance idéologique ne fait aucun doute, à en croire certains militants anti-IVG. A la Mairie de Tours, personne ne connaît cette association.

Même stratégie pour les Maisons Amado qui dispose de 3 appartements à Carpentras. Ils ont ouvert leurs portes fin 2006 et attendent toujours de recevoir l’agrément du Conseil Général pour obtenir des subventions. L’association est en grande partie financée par l’association « Choisir la vie » mais refuse pour l’instant d’afficher son engagement. « Nous voulons simplement permettre à des femmes démunies d’accoucher, commence son président Christian Coudair. Nous voulons être une réponse au problème de ces jeunes femmes contraintes d’avorter. » Il vient de remplacer l’ancien président, trop marqué anti-avortement et entouré de suspicion. « C’est un changement d’image à long terme, finit-il par avouer. Nous serons plus libres de parler après l’agrément. Mais nous préparons une armée en ordre de bataille pour la vie. Et nous, notre rôle, c’est l’hébergement. »

Des réunions avec Christine Boutin

Il s’agit donc d’une stratégie globale. Informer, manifester, soutenir, aider, héberger… Reste une sphère, plus compliquée à pénétrer, mais primordiale : la politique. Xavier Dor, le volubile président de « Sos-Tout petits », jure que c’est peine perdue : « les hommes politiques préfèrent les droits de l’homme. Nous, ce sont les droits de Dieu. » Pourtant, lors de son passage en prison en 1998, les soutiens n’ont pas manqué : Christine Boutin, Bruno Gollnish, Jean-Marie Le Chevallier, alors député-maire de Toulon, et d’autres élus du Front moins connus. Les mouvements anti-ivg sont également proches du Mouvement pour la France de Philippe de Villiers ainsi que d’une partie, conservatrice et catholique, de la droite au pouvoir.

Le Forum des Républicains Sociaux, le parti fondé par Christine Boutin, semble aujourd’hui leur plus efficace allié. « Il y a les trois députés, Jean-Frédéric Poisson, Jean-François Chossy et Dino Cinieri qui sont assez proches de nous idéologiquement, confie Cécile Edel, la présidente de « Choisir la Vie ». Nous savons qu’ils peuvent être des relais intéressants. » Contactés, aucun n’a été « disponible » pour commenter cette déclaration. Chose plus étonnante, la jeune dirigeante peut compter sur une participante de choix lors de ses réunions : Christine Boutin en personne. La ministre de la Ville, ancienne porte-drapeau de la lutte anti-Pacs, ne renie pas ses combats passés, même si elle tente publiquement d’apparaître plus consensuelle. Elle continue de soutenir des associations qui luttent contre une loi de la République qu’elle représente désormais. « Bien sûr, elle vient beaucoup moins qu’avant, mais au minimum une à deux fois par an, nuance Cécile Edel. La dernière fois, c’était en juillet, juste avant les vacances d’été. » L’occasion pour la dirigeante de faire part à la ministre des plaintes de ses militants mais aussi de se tenir informé des dossiers à venir, comme la révision sur la loi biothétique l’année prochaine.

Des candidats pro-vie aux élections européennes 2009

Mais puisque ça ne suffit pas, à en croire la désapprobation quasi générale des associations anti-avortement contre Nicolas Sarkozy, certains ont décidé de passer à la vitesse supérieure. Axel de Boer, ancien encarté au Modem qui a découvert le « problème de l’avortement » avec le désarroi post-IVG d’une amie, a lancé son parti politique en septembre, Solidarité-France « Liberté Justice Paix ». Son but : rassembler autour d’un message positif. « 15% des femmes refuse l’avortement, selon un sondage BVA de 2005. Mais nous n’arrivons pas à mobiliser toute cette audience, regrette-il. Nous ne sommes pas tous des militants d’extrême droite, il faut qu’on le fasse comprendre. » Axel de Boer entend donc bâtir une proposition politique autour du respect de la vie, à travers la lutte contre l’avortement bien sûr, mais aussi l’écologie ou l’économie solidaire. Un programme qui se veut à mille lieues des opérations commandos du Dr Dor. « Cette image violente nous a coûtés très cher, c’était contre-productif, analyse-t-il. Alors que nous, nous respectons les autres, même différents, dans une inspiration presque gandhienne. » Aux élections européennes de 2009, il présentera un candidat dans chaque circonscription d’Ile-de-France. « Ce n’est qu’un début, admet-il. Mais j’ai espoir. Ce combat pour la vie ne peut que rassembler. »