Le mutualisme offre-t-il une alternative au capitalisme ? Alain Delaunoy
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Le mutualisme offre-t-il une alternative au capitalisme ? Alain Delaunoy
Le livre « Du Crédit agricole mutuel à la crise de l’économie mondiale » d’Alain Delaunoy a pour sous-titre « Le mutualisme offre-t-il une alternative au capitalisme ? » défend la thèse de l’économie sociale et du mutualisme comme alternative au capitalisme. Son argumentaire est divisé en six chapitres.
1 - En 2007, la pensée libérale vient troubler l’idéal mutualiste. Ici, en résumé, il est développé le fait connu que la crise des subprimes de 2007 et des années suivantes a montré que les banques coopératives et/ou mutualistes étaient atteintes car elles avaient, à peu de choses près, les mêmes pratiques que les banques privées capitalistes.
2 - La finance domine l’économie. La fusion des banques de dépôt et des banques d’affaires a permis de généraliser la crise, de l’étendre. La crise ne touche donc pas seulement l’économie sociale. Les dégâts frappent tous les secteurs d’activité. Le souci dominant de « faire de l’argent avec de l’argent » a des effets néfastes extrêmement larges. Pour l’auteur, s’appuyant sur Elie Cohen, on ne peut condamner ce système puisque sa nature résulte de la seule « conjonction des mathématiques, de la dérégulation et de la puissance de calcul des nouveaux ordinateurs ». « Qui est donc responsable : personne, ou tout le monde ? » Cette façon de penser feint d’ignorer l’existence des pouvoirs de la finance et de ses rapports sociaux notamment ceux très prédateurs entre oligarchie financière et peuple-classe ( ), entre capital et travail puisque le capital ne produit rien mais aspire pour lui la valeur de ce qui est produit par les producteurs salariés.
3 - Rappel des valeurs indispensables à l’établissement d’une économie saine. Faute de percevoir l’existence de la finance comme pouvoir de prédation contre les humains des peuples-classe et la nature l’auteur se raccroche à des valeurs au nombre de quatre :
le travail : Il est nécessaire à l’humain autant qu’à la société . Critique : Il faut réunir plusieurs conditions pour que le travail salarié puisse devenir facteur d’épanouissement ! Humaniser le travail salarié revient à le réduire, à le faire dépérir : c’est tout l’ enjeu de la lutte contre le travaillisme ! La « désintensification » et la RTT en sont les vecteurs. Encore faut-il aussi que l’emploi soit partagé entre tous et toutes et non monopolisé ;
le service : avoir le souci du service est socialement utile (mais quid ici des services publics producteurs de valeurs d’usage) ;
l’entreprise : soit elle mobilise les travailleurs pour le profit maximal sans autre souci , soit elle travaille surtout pour les besoins sociaux du plus grand nombre en respectant les travailleurs.
la concertation : Elle peut être un des traits de la relativement « bonne qualité » de rapports sociaux d’une société donnée mais ces derniers restent néanmoins marqués par le poids de la domination de la finance.
4 - Une économie humaniste ne peut pas se développer avec des acteurs anonymes. C’est la thèse centrale de l’auteur. Or le capital est, aujourd’hui plus qu’hier, comme les « marchés », anonyme. Il est « un dominant impersonnel ». Or pour être accepté le pouvoir doit, dit-il, être personnalisé et responsable. L’auteur plaide pour de petites entreprises « à taille humaine » contre les méga-machines capitalistes mondialisées, faites de grosses entreprises avec des filiales installées dans quasiment tous les pays. Par ailleurs dit l’auteur, si l’entreprise n’a pas de morale l’entrepreneur lui peut et doit en avoir une. Ajoutons alors, comme complément critique, que la morale pouvant être variable dans son contenu et même n’être qu’une bonne publicité commerciale, les actions des managers et autres hauts cadres dirigeants doivent pouvoir être contrôlées par les personnels, les clients, les citoyens.
5 - Quelques réflexions pour comprendre la nécessité d’une alternative au capitalisme financier. L’auteur se rattache à la perspective humaniste et personnaliste d’un E Mounier qu’il actualise. La production d’une PME n’est pas anonyme et l’on aurait tort dit l’auteur de la percevoir comme capitaliste comme pour les grandes entreprises anonymes. Cette production en PME peut relever de la production « humaniste » si des valeurs sus-nommées sont respectées et non le service des intérêts désincarnés. La mission d’un chef d’entreprise dit l’auteur n’est pas de satisfaire ses actionnaires mais sa clientèle. Et il ne s’agit pas de vendre pour vendre et de vendre n’importe quoi à qui n’en a pas vraiment besoin ! Trop souvent une entreprise fonctionne pour obtenir un profit sans se soucier des travailleurs en interne ni des clients en externe. Elle ne saurait se dire alors humaniste.
6 - L’économie sociale, alternative crédible au capitalisme. Cette économie ne fonctionne pas pour le profit financier mais pour les besoins humains. Elle est humaniste. Il s’agit des coopératives, des mutuelles des associations et entreprises solidaires. La notion de rentabilité n’est pas niée mais le service aux humains est premier.
Cet ouvrage rattache l’économie des petites entreprises à l’humanisme ainsi, semble-t-il, à la sphère du peuple-classe. Un lien est fait avec les riches qui sont de nos jours plus riches et énormément riches alors qu’une très large fraction du peuple-classe subie l’austérité . Nul besoin d’études universitaires en économie pour percevoir dit l’auteur la montée de l’injustice sociale fondamentale . La révolte est donc possible . Ce qui manque c’est une vue claire de l’alternative. Mais l’économie sociale est-elle, à elle seule, une alternative systèmique ? Elle est assurément un des piliers. Il lui faut aussi, c’est là une thèse courante, lui ajouter d’autres services publics fonctionnant réellement pour la production de biens et services utiles au peuple-classe avec peu de préjudices pour la nature, une production à bas tarifs de valeurs d’usage.
Note de lecture de Christian DELARUE - 20 juillet 2013.
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