Accueil > Altermondialisme > Altermondialisme / Internationalisme > Critiques, résistances et perspectives stratégiques > Le fétichisme du Politique comme dispositif surplombant le Social - C Delarue

Le fétichisme du Politique comme dispositif surplombant le Social - C Delarue

mardi 11 juillet 2017, par Amitié entre les peuples

Le fétichisme du Politique comme dispositif surplombant le Social

Il faut peut-être revenir en arrière pour mieux comprendre .Au temps de Machiavel ( 1), qui distinguait le Social du Politique, le Social se rapportait à la société civile et à l’Homme car la société civile vue comme corps quasi homogène n’était alors pas clivée par le rapport social capital-travail comme plus tard. En outre, les rapports sociaux de sexe entre hommes et femmes étaient perçus comme naturellement inégaux. La domination, l’oppression et la soumission brutale n’étaient pas nommées. Ces rapports sociaux de sexe étaient pourtant très archaïques et ils ont perduré fort longtemps jusqu’à la « Seconde modernité » (De Singly) soit une période récente ou on a commencé à voir les premiers effets des luttes féministes, soit des pans de libertés pour les femmes et de l’égalité entre hommes et femmes.

I - Le Politique et l’art politicien nous venant de Machiavel

Comme l’écrit Sami NAÏR dans « Machiavel et Marx » (1984), à l’époque pour Machiavel,, « la grande question qui se pose n’est pas celle de l’émancipation du sujet social mais plutôt et surtout celle de sa manipulation, de son instrumentalisation. » En ce sens, la politique politicienne est un art, celui des tactiques, pas des stratégies ou là règne la vacuité. On doit à Marx le changement de paradigme. Un communiste doit toujours disait Patrick Tort, préférer la stratégie aux tactiques.

Pour Machiavel et plus encore pour Hégel, la distinction cruciale passe entre le Politique (l’Etat) et le Social (la société civile) et le Politique représente le Général, l’Universalité, la Vérité quand le Social représente lui le particulier. Longtemps la philosophie politique et la science politique se sont inscrites dans ce clivage paradigmatique. Le jeune Marx, philosophe de l’émancipation de l’homme situé (mais pas encore du travailleurs salarié comme dans le Capital) va critiquer ce fétichisme de l’abstraction qui sera nommé par d’autres « dispositifs abstraits surplombants ».

II - Du Politique à l’Administration et du Social à l’Entreprise.

Par la suite, à la fin du XIX ème siècle puis au début du XX ème siècle, les juristes distingueront, malgré les collusions repérées par la science politique entre le Politique et la Haute Administration (détournements, corruption, etc), l’Administration et les fonctions publiques des Entreprises privées capitalistes.

En effet, quoiqu’en disent - et avec pertinence - les sociologues critiques, c’est l’Administration qui est toujours chargée d’oeuvrer à l’intérêt général et donc de la satisfaction des besoins sociaux populaires de tous les usagers y compris ceux à faible capital économique voire totalement insolvables . Par contraste, l’Entreprise privée (capitaliste surtout moindrement celle coopérative) sera elle nécessairement vue comme agissant pour le profit, au-delà de ses discours publicitaires, et ce via la production puis la vente à une clientèle nécessairement solvable voire à fort contenu patrimonial . Les insolvables n’intéressent pas l’entreprise privée capitaliste. Il est bon, me semble-t-il, de s’en souvenir. En conséquence de quoi, le peuple-classe peut toujours exiger que l’Administration de son pays fonctionne avec droiture dans le sens de l’intérêt général sans caler cet IG derrière celui de l’Entreprise privée.

III - Le « sujet social » et son capital.

Les personnes à fort capital économique (les 10 % d’en-haut ou la classe moyenne supérieure indépendante ou patronale) auront tendance à voter à droite (pas systématique cependant) et à soutenir l’idéologie variable d’un « bon fonctionnement des marchés » (sic) qui supprime les « rigidités sociales et fiscales » (çà devient plus clair) sans se préoccuper de l’intérêt général et des services publics.
A l’opposé, les personnes à fort capital culturel et faible capital économique (couches sociales modeste et couches sociales moyennes salariées publiques ou privées) intéressent la science politique car ils votent en général à gauche voir très à gauche voir estiment - à raison selon moi - que toutes leurs revendications dont la RTT et-ou le revenu universel ne sauraient se fondre totalement dans l’élection et la « démocratie réellement existante ». Ce n’est pas être anarchiste que de le penser puisqu’une certaine « traduction électorale » est pensable (pas toute), c’est juste dire la vérité sur les problèmes de médiation et la crise démocratique actuelle dont le fort taux d’abstention est le symptôme .

IV - Le capital économique individuel et l’élaboration de l’intérêt général

Le problème sous le néolibéralisme c’est que l’intérêt général est appréhendé à travers les compromis historiquement et réellement réalisés, fussent-ils vraiment très mauvais aux yeux des observateurs d’en-bas, notamment les syndicats de travailleurs salariés mais pas qu’eux évidemment. C’est du positivisme. Dura lex sed lex dira-t-on lorsque cet équilibre va passer dans la loi

Ainsi, depuis plus de 30 ans le néolibéralisme fait passer la longue liste des compromis passés entre le CNPF (jadis)-MEDEF(now) et le « syndicalisme du stylo » (qui signe) pour une élaboration positive de l’intérêt général et pour ce qui peut se faire de mieux au temps du capitalisme hyper-concurenntiel. Voilà ce qui nous est répondu dans les instances paritaires. Le reste n’est que contestation...

C’est évidemment un mensonge sur ce que peut être le bien commun, l’intérêt général et derrière de véritables services publics assumant ses 12 priorités (cf Manifeste SP de Convergence pour les services publics) . Mais c’est là le réel de ce qu’est aujourd’hui l’intérêt général. A l’heure ou les oligarques accumulent une richesse économique effroyable ce réalisme est cynique et insoutenable.

C’est peu de dire qu’il est totalement inacceptable. Il donne les pleins pouvoirs aux grandes FMN et laissent avec des droits réduits les travailleurs salariés. C’est une régression qui ne peut mener qu’à la révolte des jeunes et des moins jeunes subissant la précarités et les bas salaires. Notre société a besoin d’une autre jeunesse, plus en capacité de travailler à la transition énergétique en respectant le droit si ce dernier est bien produit, car le droit ne tombe pas du ciel.

V - Démocratie comme relai entre Politique et Social.

Sur la question du « principe médiateur » S Naîr rappelle la diversité proposée par les différents philosophes : c’est « pour Machiavel, la force, le calcul et la virtù ; pour Hobbes, la soumission de tous et chacun devant la menace tranchante de l’Etat-Léviathan ; pour Rousseau, la volonté générale ; la moralité, enfin, pour Kant ». (p 11 de Machiavel et Marx cité en introduction)

Aujourd’hui ce « principe médiateur » se nomme la démocratie voire la « démocratie sociale » (les négociations) . C’est la mécanique électorale qui est chargée, de nos jours, de réduire la distance entre le Politique et le Social, entre l’Etat et la société civile (MEDEF et syndicats de travailleurs salariés du privé et du public).

C’est et ce pourrait être une très appréciable conquête populaire . Problème, nul n’ignore désormais que la société civile est clivée par de multiples rapports sociaux de domination et d’oppression. Le rapport capital-travail est si agnostique et au profit des détenteurs du capital - les capitalistes - et de l’oligarchie bancaire et financière qu’il est illusoire de gloser sur l’autogestion spontanée des collectifs de travailleurs (que nous ne méprisons nullement). Il s’agirait plutôt d’avancer sur la construction d’un pôle public bancaire au service des droits et pour mettre en application le Manifeste des services publics .

Pour cela, il faut compter plus sur la rue - soit les mobilisations sociales et le front social contre-hégémonique - que les urnes soit les mobilisations électorales.

Christian DELARUE

Membre du CA de Convergence des SP

 lire la brochure Manifeste pour le service public du 21e siècle - Maison d’édition et d’initiatives
http://www.editions-arcane17.net/content/manifeste-pour-le-service-public-du-21e-siecle

 Les 12 priorités pour les services publics sont dans ce 4 pages :

Le Prince de Nicolas Machiavel a été écrit en 1513 et publié en 1532.