Accueil > Laïcité - Universalisme - Diversité > Quelle laicité ? > Différentes conceptions de la laicité > Le double ennemi ou la critique du paradigme d’Alain GRESH.

Le double ennemi ou la critique du paradigme d’Alain GRESH.

dimanche 20 juin 2010, par Amitié entre les peuples

Le double ennemi ou la critique du paradigme d’Alain GRESH sur la laïcité.

Débat à la suite de l’affaire dite de la Goutte d’Or et de l’apéro saucisson pinard (1).

Le paradigme d’Alain Gresh (*) - qui s’appuie in fine sur les thèses de Jean Bauberot en matière de laïcité - est que le cléricalisme d’aujourd’hui c’est la « religion du marché ». C’est vrai. Eric Toussaint a d’ailleurs tout récemment exprimé sous ce titre une charge critique que l’on peut partager pleinement. Pour autant une nouvelle emprise du religieux est montante et mérite critique et combat. Un combat citoyen ou féministe ou anti-intégriste mais sans doute pas à tout coup un « combat laïque » maximaliste au sens de détruire toute religion.

Alain Gresh écrit ceci : « Un siècle plus tard, la laïcité est devenue un bien commun des croyants et des non-croyants. Bien que l’on en parle souvent à tort et à travers. Quand le ministre de l’intérieur français, M. Nicolas Sarkozy, affirme que les femmes doivent paraître sur les photos d’identité tête nue, il pose un problème d’ordre public, pas de laïcité... Quand on évoque la mixité à l’école, il s’agit d’égalité entre garçons et filles, pas de laïcité - l’école laïque s’est accommodée, jusqu’à la fin des années 1960, de la séparation des sexes, et la République laïque, pendant des décennies, du refus du vote des femmes... ». Accord sur ce point avec Alain Gresh. Et les problèmes divers autour des prières musulmanes dans les rues ne sont pas à priori des problèmes de laïcité.

Il poursuit : « La laïcité est-elle aujourd’hui’ menacée en France ? Faut-il se mobiliser comme en 1905 ? L’’emprise des Églises s’est affaiblie et aucune d’elles n’approche, de près ou de loin, la puissance envahissante de l’’Église catholique au début du siècle dernier. » Je ne serais pas aussi péremptoire face au « retour du religieux » qui n’est pas celui de l’’Église catholique en France mais plutôt le retour des sectes et des intégrismes. Il s’agit d’un combat citoyen.

Il poursuit encore : « En revanche, réfléchissant sur la formule » le cléricalisme, voilà l’ennemi « , Jean Baubérot s’interroge : celle-ci » est restée une bannière pour la laïcité militante. Mais qui sont aujourd’hui les nouveaux clercs ? Quels sont ceux qui constituent une menace concrète pour la liberté de penser ? « Sont-ce prioritairement les religions organisées, ou plutôt les » cléricatures " de l’argent ou celles des médias ? Réponse : certes mais pas que !


I - La réponse citoyenne face à l’emprise de l’islam .

Parler d’emprise semble plus fort que d’évoquer l’islamisation qui indique simplement un processus montant, une dynamique d’implantation qui peut porter des problèmes comme toute dynamique sociale importante.

La question des rues entières régulièrement livrées à la prière et la question du sexo-séparatisme de ces pratiques pose la question de la réponse citoyenne dans le cadre de la laïcité. La laïcité n’est que le cadre, la réponse est citoyenne et non pas étatique. Ce qui n’interdit pas une intervention de l’Etat.

Il est des laïques qui prônent plus une laïcité progressive qu’une laïcité dite de combat en s’appuyant sur des textes du début du XX ème siècle. Le problème est que le processus n’en finit jamais que cette laïcité progressive s’apparente à une laïcité d’abandon. L’auteur relate l’affaire des crucifix et dit : « Cette stratégie républicaine s’accompagne d’une volonté d’éviter toute guerre civile, de favoriser l’évolution des esprits plutôt que la dureté de la loi, ainsi qu’en témoigne la célèbre » affaire des crucifix « . Fallait-il enlever ces symboles religieux des écoles publiques à la rentrée 1882 ? Les circulaires ministérielles appelèrent à appliquer la loi » dans l’esprit même où elle a été votée, dans l’esprit des déclarations réitérées du gouvernement, non comme une loi de combat dont il faut violemment enlever le succès, mais comme une des grandes lois organiques qui sont destinées à vivre avec le pays, à entrer dans les mœurs et à faire partie de son patrimoine ". On trouvait encore des crucifix dans les écoles publiques au lendemain de la seconde guerre mondiale... Mais voilà en 2009 il faut encore pétitionner pour faire enlever des crucifix.

De plus aujourd’hui la religion qui pèse sur les mœurs a changé : c’est désormais l’Islam. Et pas simplement l’islam le plus radical, celui qui vise à implanter des dictatures théocratiques. Il y a aussi un islam réactionnaire au plan culturel qui vise à faire reculer les droits des femmes. Alain Gresh cite Alain Boyer : " la laïcité est devenue un mot d’ordre qu’on ne peut comprendre que par opposition au cléricalisme triomphant au XIXe siècle lorsque l’Eglise (...) a cherché à diriger les Etats et à imposer une politique chrétienne.

Le cléricalisme catholique a perdu de sa puissance en France mais pas partout, surtout pas en Pologne, mais pour l’essentiel la menace religieuse a changé. Aujourd’hui et ce depuis trente ans c’est la menace islamiste qui fait pression. Qu’il y ait un délire sécuritaire sur son ampleur dans le cadre du Choc des civilisations est certain. Que tout cela soit l’objet d’une islamophobie raciste est aussi avéré. Il n’en demeure pas moins que l’islamisation multiforme est un processus avéré, visible. Le terme multiforme souligne assez la variété des courants et des pratiques. Aujourd’hui , il ne fait aucun doute sur le contenu sexo-séparatisme lié à l’islam et à l’islamisation . S’agit-il d’une pratique portée par les seuls intégristes. C’est possible, pas sûr. Ce qui est certain c’est que de nombreux musulmans sont favorables à l’égalité hommes-femmes et sont favorables à la laïcité et à la démocratie. C’est sur la réalité de cette population musulmane que j’ai eu l’occasion de rencontrer jadis et encore maintenant que je m’appuie pour d’une part critiquer le sexo-séparatisme musulman visible à la Goutte d’Or en le qualifiant de réactionnaire ou d’identitaire. Cet islam là n’est pas tout l’islam. C’est évidemment très important de le souligner pour éviter les foudres de l’accusation de racisme islamophobique.

II - Interprétation de la doctrine LAFON : Equilibration entre destruction et emprise.

Une certaine conception de la laïcité dite ultra-laique vise à détruire la religion. Pour ce faire elle fait appel à l’Etat. A l’opposé les partisans de la liberté totale de religion défendent eux l’emprise de la religion dans la société civile en bridant les moyens d’expression critique des laïques ceux qui critiquent des pratiques oppressantes sans nécessairement vouloir des lois pour les réduire. La loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat du 5 décembre 1905 n’a pas interdit le combat citoyen critique agissant dans la société civile contrairement à ce que j’entends dans le MRAP.

Pour les laïques authentiques mais actifs comme citoyen (2), il ne s’agit pas de détruire la religion mais de la contenir notamment dans ses aspects les plus nuisibles. Pour les laïques authentiques c’est au sein de la société civile que la critique doit porter or cette critique tend à devenir interdite notamment par rapport à l’islam. Cela tend d’ailleurs à promouvoir une laïcité de combat via l’Etat. La liberté de critique au sein de la société civile doit être défendu au nom de la doctrine Lafon et de sa distinction.

Comme le résumera le pasteur Louis Lafon, directeur de La Vie nouvelle : « Il y a deux façons de faire la séparation, ou plutôt, en la faisant, on peut poursuivre deux buts différents : ou bien vouloir laïciser l’Etat, ou bien vouloir détruire la religion (...). La religion est affaire de conscience, l’affaire de la conscience individuelle. L’’État n’a qu’à s’abstenir complètement de toute participation et de toute action dans le domaine religieux, et il a le droit et le devoir d’exiger en retour des Églises qu’elles ne se mêlent pas de vouloir le dominer, de le façonner à leur gré. Je pense que, dans cette appréciation du rôle de l’Etat vis-à-vis des Eglises, je suis en communion d’idée avec tous les démocrates et un grand nombre de libres-penseurs eux-mêmes. Mais il en est d’autres qui rêvent de détruire par la loi toute Église et toute religion. Ils nourrissent le rêve criminel et insensé de tous les despotes, qui, toujours, ont voulu régner sur la conscience humaine et se sont imaginé qu’ils en deviendraient les maîtres par la violence (...). La liberté d’association doit être complète pour les catholiques, les protestants, les juifs, aussi bien que pour les libres-penseurs et les francs-maçons. L’article 8 déjà fort ébranlé doit être jeté par terre tout entier. »

Christian Delarue

* in « Aux origines des controverses sur la laïcité »
Apaiser la question religieuse pour poser la question sociale.
Par Alain Gresh

http://www.monde-diplomatique.fr/2003/08/GRESH/10342

1) Je partage la position de Nadia GEERTS mais pas son argumentaire contre la prière. Cette dernière doit être interdite pour d’autres motifs que la laïcité notemment du fait d’une occupation illégale ou du moins abusive du domaine publique. Par ailleurs, je suis pour stigmatiser comme réactionnaire et sexiste le sexo-séparatisme des prières musulmanes.

La rue Myrha, ses prières, son pinard, ses islamistes ses fascistes et ses naïfs. N Geerts

2) Régime de tolérance ou l’affrontement possible des expressions.

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1009