Accueil > Entente entre les peuples > Campisme géopolitique - Civilisation > Le cadre de notre amitié entre les peuples : contre le nouveau campisme (…)

Le cadre de notre amitié entre les peuples : contre le nouveau campisme mondial - C Delarue

jeudi 11 septembre 2008, par Amitié entre les peuples

LE CADRE DE NOTRE AMITIE ENTRE LES PEUPLES : CONTRE LE NOUVEAU CAMPISME MONDIAL

Congrès du MRAP (janv 2008) : contribution « orientation » de la commission « mondialisation »

(texte posté en décembre 2007 sur Bellaciao)

Le campisme est la vision du monde qui divise ce dernier en deux camps irréductiblement opposés. Une telle vision radicale pousse nettement à choisir son camp de façon irréductible et à y être d’une fidélité sans faille, sans jamais la moindre critique. Le camp dominant recours massivement à cette rhétorique le camp dominé en use (et abuse ?) aussi dans un même souci d’unification.

La notion de camp se rapporte non seulement à l’existence d’une alliance de plusieurs Etats mais aussi à l’embrigadement de leur société civiles, de plusieurs peuples contre d’autres. Si le campisme emprunte son discours à la lutte de classe (pour le camp dominé) il oublie par souci tactique ou stratégique de souligner que la division de classe ( mais aussi de genre) traverse d’abord chaque formation sociale, chaque pays. Dès lors, le campisme se rapproche plus du patriotisme qui englobe bourgeoisie et peuple-classe. En ce sens la notion de camp présuppose une unité forte à l’image de la famille ou de la nation qui ne l’est pas, pas plus et même beaucoup moins que ces entités faussement unifiées. On peut repérer à la rigueur des éléments communs dans le champ culturel mais l’unité est plus aléatoire dans d’autres champs.

I - EST ou OUEST : de 1917 jusqu’en 1989/1991.

Le campisme a connu son heure de gloire avec l’émergence en 1917 du « camp dit socialiste » soutenu par la III Internationale communiste en opposition au « monde libre », au camp capitaliste incarné par les USA et ses alliés occidentaux. Le « court XX ème siècle » a été marqué par une puissante logique de camp qui s’est achevé entre 1989 et 1991 : la « chute du mur » de Berlin intervient le 9 novembre 1989 mais c’est le putsch communiste raté en URSS du 28 aout 1991 qui symbolise la fin du système soviétique. La dissolution du CAEM (COMECON) et du pacte de Varsovie interviennent aussi en 1991.

Il a été vraiment très difficile d’échapper à la force binaire du campisme mondial. Mais on ne saurait faire l’impasse sur quelques tentatives ayant eu des succès vartiables. Citons :

LE TROTSKYSME dès 1923 mais surtout en 1938 avec la naissance de la IV Internationale. Il est plus juste de parler des trotskysmes y compris au regard des différents positionnements de « soutien critique » de l’URSS par les différents partis se réclamant du combat de « l’Opposition de gauche » en URSS : tantôt plus en soutien, tantôt plus en critique.

LE MAOÏSME, qui malgré ses spécificités s’est difficilement dégagé du stalinisme au point que cette notion a pu englober toutes les expériences autoritaires du socialisme.

LE TIERS-MONDISME en 1955 (Conférence de Bandung) avec là-aussi des variantes plus ou moins réussies de non alignement et des références idéologiques variables : arabe ou arabisant, marxiste, chrétien, africain, asiatique, sud-américain... Les références anti-impérialistes et de solidarité entre les peuples remontent à la conférence de Bakou de 1920. En terme de mouvement le tiers-mondisme a très difficilement trouvé une conscience et une unité. Ce qui ne signifie pas absence de réalité effective au-delà de la diversité. Ainsi, en 1993, deux ans après la chute du système du socialisme bureaucratique, Thomas COUTROT et Michel HUSSON persistent et écrivent (dans « Les destins du Tiers Monde ») : Si,« quoi qu’on en dise, le »Tiers-Monde« recouvre une incontestable réalité » car« les pays qui le composent continuent à subir toutes les conséquences de la maturation tardive et incomplète des rapports de production capitaliste en leur sein. Parmi ces conséquences, leur position dominée sur le marché capitaliste mondial ». L’année suivante, en 1994, François CHESNAIS publiait « La mondialisation du capital » (Syros), base de la matrice altermondialiste. Aujourd’hui l’usage du mot « Sud » ou de « la périphérie » a remplacé Tiers-Monde. Mais dès lors qu’il s’agit de confronter des « modèles », des auteur(e)s, comme Stéphanie TREILLET (CS d’ATTAC), continue d’user du terme Tiers-Monde (dans son ouvrage sur « l’économie du développement : De Bandoung à la mondialisation »).

L’EUROCOMMUNISME a cherché à se différencier nettement du communisme de la III Internationale mais il a sombré dans la social-démocratie. Comme les « nouveaux philosophes » apparus en 1977 (Glucksman, BHL,..) l’euro-communisme n’a fait que changer de camp. Il a abandonné sa référence au socialisme authentique luttant contre le socialisme perverti pour passer du côté de la défense de l’Occident impérialiste.

L’ALTERMONDIALISME constitue pour partie un avatar moderne des luttes anti-impérialiste ou anti-colonialiste, une version des solidarités entre les peuples adaptée au temps de la phase néolibérale de la mondialisation capitaliste. Les économistes critiques d’ATTAC posent la perspective du développement d’une société économe et solidaire non capitaliste ( ).

II - LE NOUVEAU CAMPISME DU « CHOC DES CIVILISATIONS »

A) LES PREMISSES DES 1991 :

Les faits : La « guerre du Golf » dite « Désert Storm » (Tempête du désert ») déclenchée en janvier 1991 année de la « chute du mur » de Berlin initie une nouvelle ligne de démarcation. Andre GUNTER FRANK la nomme “Third world war” ou « guerre “tiersmondiale” ce qui signifie à la fois “troisième guerre mondiale” et “guerre du tiers-monde”. L’auteur remarque qu’au cours des dernières années les conflits Est/Ouest se sont estompés alors que ceux entre le Nord et le Sud ont gagné en intensité. Il ajoute que « nombre de conflits Est-Ouest n’ont été qu’apparents et ont fait écran devant les contradictions Nord – Sud toujours à l’œuvre (p25).

La « théorie » : Le « Choc des civilisations » de Samuel Huntington a été écrit en 1993 deux ans après la chute du mur de Berlin. L’ouvrage a connu un grand succès planétaire que plus tard à la suite de l’attaque et la destruction des Twin Towers le 11 septembre 2001.

B) LA PLEINE REALISATION EN 2001 ET 2003 :

Le nouveau campisme se déploie pleinement à partir du 11 septembre 2001 soit dix ans après la « guerre du Golf » de 1991. La guerre contre l’Irak enclenchée le 19 mars 2003 par les USA en constitue la première réalisation.

Le « Choc des civilisations » de Samuel Huntington voit son contenu vulgarisé et diffusé à l’échelle de la planète : d’un côté Bush, le « Bien », l’Occident démocratique, libéral et civilisé ; de l’autre Ben Laden, l’Orient, le Mal , les dictatures, l’islam et la barbarie. La guerre d’Irak en 2003 a permis un nouvel élargissement de la thèse dichotomique.

Proche de Bush, W. Kristol et L Kaplan dans leur livre « Notre route commence à Bagdad » écrivent pour expliquer la guerre en Irak : « Cette cause avait pour enjeu la sécurité de l’Amérique et celle du monde, mais aussi la volonté d’apporter la démocratie dans un pays étouffant sous un système totalitaire« . Que les causes réelles soient ailleurs c’est certain, que la cause affichée soit assez peu réalisable pour plusieurs raisons (quel méthode d’apport ? quel modèle démocratique »apporter«  ?) d’autres l’ont souligné (ex Christian LAZZARI dans Quelle démocratie voulons-nous ?). Ce qu’il importe ici pour le MRAP c’est l’affichage quasi-explicite d’une supériorité institutionnelle s’intégrant dans la compréhension du »Choc des civilisations".

Au plan idéologique la thèse du « choc des civilisations » s’est répandue sur la planète a eu des effets massifs indéniables que l’on ne peut ignorer, en particulier l’assimilation de tout arabe à un musulman et de tout musulman à un adepte de Ben Laden .

III – LE MRAP POUR UN ALTERMONDIALISME DE SOLIDARITE CRITIQUE

Au plan des principes on peut se déclarer « non aligné » ou « non campiste », on peut avancer « ni Bush ni Al Qaida. » ou plus concrètement « l’ennemi de mon ennemi n’est pas toujours mon ami ». Mais il arrive dans la « vrai vie » que la position à prendre soit plus délicate.

Par exemple, le CA du MRAP a eu a débattre du soutien au Hezbollah au moment de l’invasion du Liban en 2006 : Le Hezbollah ne pouvait être considéré comme étant des « nôtre » mais avec d’autres forces il a su repousser l’armée israélienne. Le débat collectif a permis de trancher. La commission internationale du MRAP a permis d’actualiser les connaissances utiles sur les forces en présence et les enjeux.

A) D’UNE PART L’ANTI-IMPERIALISME PERDURE COMME PREMIER COMBAT DE L’AMITIE ENTRE LES PEUPLES.

Le monde est un SYSTEME DE DOMINATION HIERARCHISE complexe. Nous présentons une trame évidemment trop brève pour offrir toute l’ampleur de cette complexité. Mais la complexité du réel, qui devrait introduire les termes et la dynamique historique du « développement inégal et combiné du capitalisme » ne saurait se réduire à de simples rapports d’Etat à Etat (théorie économique classique des « avantages comparatifs »). Nous vivons dans un ordre mondial très inégal et hiérarchisé.

L’ENNEMI DES PEUPLES est connu : le pouvoir et la domination du monde est le fait des dirigeants économiques, militaires et économiques des USA et de l’Europe. Une petite classe sociale internationale - que l’on nomme bourgeoisie - détient via les firmes multinationales (principalement nord-américaine) et les institutions étatiques, régionales et internationales le pouvoir de dominer le monde.

IL Y A « DU SUD AU NORD » : Le « sud » dans les pays occidentaux (USA et Europe) orientaux, c’est le peuple-classe de ces pays. Au sein de ces peuples, le salariat mondial, y compris au « nord », de l’ouvrier au cadre est de plus en plus exploité (notamment en baisse de salaire global, en intensité de travail, en temps de travail). Le grand capital , financier, industriel et commercial, qu’il soit américain ou européen exige partout une force de travail docile, flexible, mal payée, sans garanti contre une marchandisation complète ni contre le chômage. Les fonctionnaires sont devenus les boucs émissaires des politiques néo-libérales.

IL Y A « DU NORD AU SUD » : Les pays du sud sont gouvernés par une bourgeoisie compradores qui émarge au système capitaliste mondiale et qui répercute plus ou moins docilement les consignes du FMI contre leurs peuples.

LA PRINCIPALE ARME EST LA DIVISION ET LA MISE EN CONCURRENCE au sein du salariat mondial. Il s’agit d’opposer les exclus contre les inclus, les salariés du privé contre les fonctionnaires, les immigrés contre les nationaux, les femmes contre les hommes, les homosexuels contre les hétérosexuels, les basanés contre les blancs, les chrétiens contre les musulmans, les croyants contre les non-croyants. Admettre la diversité « catégorielle » mais dans l’unité supérieur de l’ensemble de ce qui fonde le salariat. Admettre la diversité mais pas les différences oppressives, donc défendre la laïcité et l’égalité des droits tel est la ligne de réponse solidaire.

Malgré le débat encore vif sur cette question, l’altermondialisme n’ignore pas l’effet « nation » comme cadre territorial pertinent de protection-deconnexion : protection par nationalisation contre la montée de la propriété lucrative, contre l’appropriation privée des principaux moyens de production et d’échanges. Ce qui ne signifie pas absence de volonté d’étendre les services publics au-delà des frontières nationales au sein des pays « régionaux », au sein de l’Europe. Par contre la nation comme identité réactivée par les dirigeants à l’égard des nationaux comme outil de fermeture à l’immigration est vivement critiquée comme étant au service de la « guerre aux migrants »

B) D’AUTRE PART L’ISLAMISME POLITIQUE EST AUSSI A COMBATTRE

Il est acquis ici que l’islamisme radical qui n’est pas seulement celui de Ben Laden n’est pas assimilable à l’islam ordinaire pratiqué, de façon diverse d’ailleurs, par les musulmans. Ceci dit, notre anti-impérialisme ne saurait s’accommoder d’un certain nombre de traits souvent présents au sein des mouvements politico-religieux radicaux, ceux de l’islam politique. Les dominés et opprimés peuvent être à leur tour dominant et oppresseur. Donc pas d’opportunisme à leur égard. Il arrive cependant que des forces réactionnaires accompagnent un temps un mouvement de lutte de libération populaire. En ce cas, et sous réserve d’une analyse collective de la situation réelle, nous n’avons pas à écarter une solidarité qui nuirait à notre combat contre l’impérialisme. Ceci dit, nous sommes :
Contre la vision englobante multiclassiste qui ignore les conflits sociaux de classes.

 Contre la vision profondément anti-démocratique et anti-individualiste d’un mouvement qui ne reconnaît que Dieu et la loi divine, le seul « droit » du peuple étant d’exprimer son allégeance aux autorités religieuses qui sont ceux qui savent interpréter la loi divine.

 Contre le caractère globalisant mais très hiérarchisé de la famille très fétichisé qui méconnaît le droit des femmes pour survaloriser le pouvoir de l’homme patriarcal.

 Contre l’endoctrinement de la jeunesse via les écoles religieuses et les mosquées

 Contre la répression généralisée de l’armée et de la police qui laisse la société désarmée et impuissante pour se libérer tant en interne qu’en externe.

 Contre la division généralisée du monde entre la communauté des croyants (ouma) et les non croyants persécutés. Ce qui aboutit au fait que les syndicats sous influence de l’islam politique défendront le patronat islamique contre le travailleur athée ou autrement croyant. Ce qui aboutit aussi à la haine généralisée du non croyant ou du autrement croyant.

 Contre le rejet obscurantiste des Lumières au sein des masses populaires, et donc de la raison émancipatrice dès lors que cette dernière ne saurait se limiter à la seule raison instrumentale et technicienne soumise à la loi islamique. Ce qui aboutit à une religiosité fruste sans élaboration enrichie par une relative ouverture intellectuelle notamment à ce qui n’est pas religieux.

 Contre le rejet de la sphère privé par rapport à la sphère publique totalitaire, ce qui aboutit au déni de la société civile, le gouvernement islamique contrôlant tout. Ignorant la société civile par envahissement de l’Etat islamique c’est le clivage en classes sociales antagoniques qui est masqué. Cependant le rôle du MRAP n’est pas principalement de lutter contre ses traits qui peuvent par ailleurs se retrouver au nord, notamment dans le bonapartisme de N SARKOZY

Christian DELARUE

Commission mondialisation du MRAP

Andre GUNTER FRANK a écrit « La guerre tiermondiale : économie de la guerre du golf » (dans Bush Impérator)

Le § B s’inspire d’un article d’Ardeshir MEHRDAD et Yasmine MARTHER militants iraniens en exil luttant à la fois contre la perspective guerrière de Bush et contre la République islamique. (Texte traduit et publié par Carré Rouge de novembre 2006)

Thomas COUTOT et Michel HUSSON « Les destins du Tiers Monde » CIRCA 1993

Stéphanie TREILLET (CS d’ATTAC), « l’économie du développement : De Bandoung à la mondialisation » CIRCA Armand colin

François CHESNAIS « La mondialisation du capital » Syros 1994

Livres d’ATTAC : « Le développement a-t-il un avenir ? » et « Inégalités, crises, guerres : sortire de l’impasse ».

ALTERMONDIALISME/ ANTICAPITALISME. POUR UNE COSMOPOLITIQUE ALTERNATIVE. Université de Paris X, Nanterre

Voir le Congrès Marx V à la télévision

http://netx.u-paris10.fr/actuelmarx/cm5/index5.htm

http://www.canalc2.tv/video.asp?idvideo=6809

http://www.canalc2.tv/video.asp?idvideo=6933

Deux mots sur le « développement inégal et combiné » du capitalisme :

"Tous les pays ne se sont pas développés au même rythme, et ne sont pas devenus capitalistes en même temps. Les premiers pays capitalistes (Angleterre, France) ont développé un besoin vital d’expansion : besoin d’envahir de nouveaux pays, pour y introduire le capitalisme, profiter des matières premières et de la main d’œuvre, et pour y écouler leurs marchandises. C’est le stade impérialiste du capitalisme.

Mais ce que Trotsky a découvert, c’est que les pays « retardataires » ne suivent pas, en accéléré, le même chemin que les premiers pays capitalistes : développement de l’économie de marché, de la démocratie bourgeoise...(comme l’argumentaient les courants social-démocrate et stalinien). Comme le développement capitaliste de ces pays s’effectue sous pression étrangère, cela perturbe profondément les structures économiques, sociales et politiques du pays. Et le résultat est une combinaison (instable et explosive) entre les maux de la vieille société et l’exploitation capitaliste".

Le « cauchemar de Darwin » comme exemple :

« Dans la Tanzanie actuelle décrite par Le cauchemar de Darwin, l’introduction d’une industrie de filets de poissons a complètement détruit l’ancien commerce et l’ancienne société, sans les remplacer par une société bourgeoise démocratique. Cela a créé une classe ouvrière surexploitée dans des usines de conditionnement de poisson, à côté des couches sociales issues de la société traditionnelle (pécheurs, marchands...) »
LE CADRE DE NOTRE AMITIE ENTRE LES PEUPLES : CONTRE LE NOUVEAU CAMPISME MONDIAL

Portfolio