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Laïcité et signes religieux : une relation énigmatique ?

mercredi 30 juillet 2008, par Amitié entre les peuples

Laïcité et signes religieux : une relation énigmatique ?

Comment concilier la pratique d’un culte, son observance stricte et rigoureuse, avec le respect des lois édictées par la République ? Le refus d’accorder la nationalité à une salafiste a relancé la polémique sur l’interdiction des signes religieux ostentatoires.

L’ordonnancement juridique français, mis en œuvre, interprété, et sans cesse renouvelé par nos sources de droit, voudrait régir le « vivre ensemble ». Ce faisant, doit-il être perméable aux pratiques religieuses issues de la diversité ? Dans un contexte d’extrême inflation législative et de relative confusion entre les missions de la justice, du législateur et de l’exécutif, le rôle de régulateur des moeurs religieuses endossé par le droit positif paraît de plus en plus incompris, voire contesté par les justiciables.

Outre les problématiques de lisibilité des normes et de perception sociétale du principe de séparation des pouvoirs, les acteurs du droit butent sur les paradoxes et spécificités du modèle républicain français.

La République « à la française »

La France : une terre d’immigration, terre de séparation entre les Eglises et l’Etat qui prohibe tout subventionnement des cultes. Une société black-blanc-beur troublée par la xénophobie, qui a conféré à la laïcité une valeur constitutionnelle, mais peine à lutter contre le phénomène de repli communautaire. Cité pluriethnique et multiconfessionnelle, qui impose à son service public la neutralité religieuse et interdit dans ses écoles, collèges et lycées publics, le port de signes qui manifestent ostensiblement une appartenance religieuse...

Comment s’étonner, au visa de cette esquisse de contexte, des si fréquentes polémiques et incompréhensions qui émaillent la vie des « règles de religion en société » ? Retour sur une opposition entre les partisans d’une laïcité sans faille, intransigeante, et les tenants d’un respect souverain de la liberté de culte, d’une acceptation quasi-absolue de l’expression identitaire et des pratiques religieuses.

Deux visions subjectives d’une réforme se sont étrillées au sein même de la gauche

D’aucuns se souviennent des brûlants débats qui ont accompagné l’adoption de la loi du 15 mars 2004 interdisant les signes religieux ostentatoires au sein de l’école publique. Caroline Fourest décrit brillamment dans un essai intitulé La tentation obscurantiste (Grasset, 2006) une des si nombreuses divisions mises en exergue par l’entrée en vigueur de cette loi. Deux visions subjectives d’une réforme se sont étrillées au sein même de la gauche. D’un côté, les apôtres d’une lutte contre les pressions communautaires et religieuses à l’école, de l’autre, les accusateurs d’une mesure droitière, symptomatique de la politique sécuritaire désignant les musulmans comme boucs émissaires. L’avènement d’une norme soucieuse de réguler les manifestations religieuses au sein de l’école ne pouvait trouver un consensus.

Éloge de la discrétion

Prohiber au sein des écoles publiques le port du voile islamique, de la kippa juive ou d’une croix chrétienne de dimension manifestement excessive, c’est choisir, c’est exclure. C’est bien sur ce point que ce sont cristallisées les plus véhémentes critiques. Comment concevoir, au sein d’un Etat dont le bloc de constitutionnalité intègre la liberté de manifester sa religion, l’exclusion d’un élève au motif qu’il arbore un signe d’appartenance religieuse ?
L’interdiction ne porte pas sur les signes « visibles », mais sur ceux dont la nature est manifestement ostentatoire

La circulaire Fillon du 18 mai 2004 répond partiellement à cette question : « la loi ne remet pas en cause le droit des élèves de porter des signes religieux discrets ». L’interdiction ne porte pas sur les signes « visibles », mais sur ceux dont la nature est manifestement ostentatoire. Le port discret d’une étoile de David, d’une main de Fatima, d’une petite croix ou d’une médaille, demeure licite. Le législateur a cherché un compromis. Les élèves restent libres d’exprimer leurs croyances, dans les limites de la discrétion. Au chef d’établissement de définir un seuil ; la loi ne permettant au Règlement intérieur d’édicter une interdiction totale des signes religieux.

Laïcité = neutralité ?

En prohibant les manifestations ostensibles d’une appartenance religieuse, il est intéressant de constater une volonté de ne prendre en compte que le sens donné aux signes par autrui, par l’opinion publique, ici les autres élèves de l’établissement. L’un des objectifs essentiels de cette loi est donc de protéger l’élève du regard de ses semblables. Laïque neutralité des enseignants, sur laquelle vient se greffer celle des élèves.

Au-delà des craintes suscitées par l’évolution législative, le bilan de son application paraît positif. En atteste une réponse ministérielle de 2006 : « si, au cours de l’année scolaire 2003-2004, environ 1 500 élèves manifestaient ostensiblement une appartenance religieuse, seuls 639 cas ont été recensés à la rentrée 2004. Plus de 550 cas ont trouvé une solution par le dialogue (...). Sur l’ensemble des élèves qui s’étaient présentés avec un signe religieux ostensible à la rentrée [2004], l’immense majorité (90 %) d’entre eux a fait le choix de se conformer à la loi à l’issue du dialogue ». On ne peut que regretter que 47 élèves, qui avaient refusé l’application de la loi, aient fait l’objet d’une exclusion définitive de l’établissement où ils étaient scolarisés.

Choisir c’est exclure. Lorsque ces élèves sont bannis de leur établissement, le Conseil d’Etat ne fait, en dernier ressort, qu’appliquer la norme édictée par les parlementaires et encadrée par la circulaire de son ministre de tutelle.

Faut-il changer la loi ?

Dan B

http://www.contre-feux.com