Accueil > Altermondialisme > Altermondialisme / Internationalisme > Critiques, résistances et perspectives stratégiques > La liberté économique fétichisée, source de ploutocratisation. Christian DELARUE

La liberté économique fétichisée, source de ploutocratisation. Christian DELARUE

jeudi 24 décembre 2020, par Amitié entre les peuples

La liberté économique fétichisée, source de ploutocratisation.

La ploutocratisation est mieux perçue. Elle se remarque plus avec la diffusion dans les classes populaires de l’accaparement des richesses et de ses effets au sein du 1% via les travaux anciens ou plus récents de Thomas Picketty dont on a beaucoup parlé.

La ploutocratisation est un effet de la financiarisation à outrance des économies capitalistes depuis quelques décennies (phénomène ancien mais qui s’est développé fortement avec les libéralisations). Elle est issue aussi d’autres mécanismes permettant l’enrichissement des riches du 1%.

Ce phénomène - qui relève de la lutte des classes - percute frontalement la démocratie, l’Etat de droit, l’Etat social, les services publics, etc, conquêtes sociales et démocratiques défendues par les classes populaires durant presque deux siècles.

Le libéralisme se dédouble entre philosophie politique et libéralisme économique . Il est d’abord une philosophie politique qui place l’individu au-dessus de tout et déclare tous les individus libres et égaux. Cette philosophie débouche sur les droits humains à défendre . Mais c’est aussi une doctrine économique qui défend la propriété privée des moyens de production, ainsi que le principe du contractualisation - qui permet d’acheter la force de travail - et, in fine, le principe le plus contestable selon lequel la recherche de l’intérêt individuel mène à l’intérêt collectif. La notion de droit-créance n’est pas accepté par le libéralisme économique.

La liberté économique peut être si survalorisée, si fétichisée, si surplombante au-dessus d’une grande majorité d’humains qu’elle en débouche sur une diminution du potentiel de libertés d’agir des individus et de leurs droits (à l’exception de la minorité à qui elle profite). En ce cas la liberté économique s’oppose à la philosophie politique du libéralisme.

Notons au passage que la notion de fétichisme et de fétichisation est une catégorie-critique très importante pour déconstruire les dominations de façon générale et pour, plus précisément, comprendre et saisir comment des processus abstraits peuvent en venir à se placer au-dessus des humains et les rabaisser, les dévaloriser, les diminuer.

La liberté économique peut être si survalorisée et si fétichisée qu’elle peut venir se positionner au-dessus de la démocratie et de l’égalité. Elle méprise alors l’une et l’autre.

Sur le temps long de sa survalorisation la liberté économique débouche, via ce qu’on a appelé la « thatchérisation du monde ») , soit pour le dire brièvement - nous sommes plus long ici en 1 - un ensemble de politiques de destructions des droits sociaux utiles aux classes sociales modestes, et in fine sur de très fortes inégalités sociales qui deviennent insoutenables, ainsi que sur une ploutocratisation des riches. La financiarisation est un aspect de cette thatchérisation. Par contre la mobilisation collective (empowerment) des classes modestes (2) est délaissée. Ce qui détruit tout processus de démocratisation.

La liberté économique à tout crin, celle de la liberté d’entreprendre doit avoir des limites . Sans limite cette liberté économique débouche sur le profit capitaliste à tout crin (pas que spéculatif et financier) , sur l’impérialisme (entreprendre partout sur la planète), sur l’exploitation de la force de travail (travaillisme, précarisation, etc) , sur des dominations diverses, sur la corruption, sur la fuite des capitaux, sur divers maux comme racisme, sexisme.

Et la République avec Egalité et Fraternité pose, via l’Etat, des limites à la liberté des puissants. Ces limites furent forgées pour réduire les injustices, les inégalités, pour construire la démocratie.

Cynthia Fleury, dans sa vidéo sur « Egalité » (3), commence par citer Tocqueville avec une définition de la démocratie qui pourrait surprendre "Démocratie comme dynamique d’égalitarisation des conditions » avec sa charge d’émancipation. Mais un renversement a eu lieu dit-elle.

Un contre-mouvement (réactionnaire) est engagé vers plus d’inégalités économiques et d’autres inégalités encore, plus de déclassement, plus d’appauvrissement. Le néolibéralisme comme « nouvelle raison du monde » (cf gros livre noir de Dardot et Laval ) faite de rentabilisation, de compétition et de performance, de « sportivisation » du monde (dirait Jean-Marie BROHM jadis et encore maintenant peut-être) mène à la ploutocratisation du monde des performants . Et à une voyoucratie d’en-haut.

Comme syndicaliste , la" thatchérisation du monde » (autre nom de la destructivité sociale) est à l’oeuvre depuis la fin des années 70, depuis 1983 en France. L’égalité des droits ou l’égalité des chances ne suffisent ni l’une ni l’autre si il n’y a pas la chose en usage pour soi avec la capacité d’utiliser l’outil (démocratie capacitaire).

Christian DELARUE

1) La thatchérisation du monde et l’extrême-droite économique : un trajet vers la ploutocratisation du monde. Christian DELARUE - Amitié entre les peuples
http://amitie-entre-les-peuples.org/La-thatcherisation-du-monde-et-l-extreme-droite-economique

2) Peuple-classe, empowerment et alter-démocratie. Christian DELARUE - Amitié entre les peuples
http://amitie-entre-les-peuples.org/Peuple-classe-empowerment-et-democratie-Christian-DELARUE

3) Egalité ! par Cynthia Fleury - YouTube
https://www.youtube.com/watch?v=Js4mzNnNfak