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La différence entre Etat et régime politique N Bénies

lundi 10 décembre 2018, par Amitié entre les peuples

DIFFERENCIATION ETAT / REGIME POLITIQUE. publié sur Dazibaoueb

Nicolas BENIES in L’ Après libéralisme (1)

Dans les faits la politique d’austérité est contradictoire avec la nécessité pour le régime politique d’apparaître légitime aux yeux de la grande masse des citoyens . Les nécessités de l’accumulation obligent l’Etat à remettre en cause les conquêtes de la classe ouvrière, et donc à ne plus apparaitre comme l’arbitre entre les classes . C’est pourtant l’intérêt des régimes politiques.

Le Dix-huit Brumaire de Louis Bonaparte

La différenciation Etat / régime politique est issue de l’analyse de Marx dans le Dix-huit Brumaire de Louis Bonaparte qui montre que le régime politique incarnant l’Etat à un moment donné peut se constituer contre la bourgeoisie et s’appuyer sur la classe moyenne. C’est la quintessence de cet adage : « La bourgeoisie règne mais ne gouverne pas »(1), du moins le plus souvent. La bourgeoisie délègue ses pouvoirs politiques pour conserver l’essentiel : les rapports de production capitalistes. Ainsi, et Marx en fait une brillante démonstration le régime politique apparait au-dessus des classes alors que la nature de l’Etat reste capitaliste.

Cette analyse eminamment dialectique a été souvent mal perçue, beaucoup d’auteurs ont cru discerner deux définitions de l’Etat (2), alors que Marx part de la définition abstraite de l’Etat, « capitaliste collectif en idée », pour appréhender le régime politique qui représente la forme de l’existence de l’Etat. Il s’agit donc de deux niveaux d’abstraction différents, mais qui ne se conçoivent pas l’un sans l’autre.

Ce qui permet de comprendre que la politique étatique qui correspond aux nécessités de l’accumuation du capital, de sa valorisation, prime sur les nécessités de la légitimation. Car pour apparaître légitime, un gouvernement doit pouvoir satisfaire quelques revendications des travailleurs (« le grain à moudre » pour parler comme les dirigeants syndicaux réformistes) et, plus généralement, être perçu comme le garant des acquis, par l’intermédiaire de lois et donc du développement du droit, en particulier du droit du travail. Toutes choses qui expliquent l’abandon des politiques de relance keynésiennes, adéquates à la longue période de décroissance mais qui ne répondent plus aux nécessités de l’accumulation en période de crise. Et aussi ce que les politologues appellent « l’usure des équipes au pouvoir », qui provient directement de la mise en œuvre de la politique d’austérité, conduisant aux attaques répétées contre le niveau de vie et les conditions de travail de la majorité de la population. Ce n’est que pendant la période dite de prospérité (les « Trente Glorieuses », qui n’ont pas duré trente ans et n’ont pas été glorieuses, sinon pour l’accumulation capitaliste) que les impératifs de l’accumulation et de la légitimation ont pu coïncider.

(1) PEC La Brèche 1988 p 30 et 31