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La « Démocratie sexuelle » : de l’étirement d’une notion de V Daoust à E Fassin. C Delarue

lundi 27 décembre 2010, par Amitié entre les peuples

Citoyen - individu :

La « Démocratie sexuelle » : de l’étirement d’une notion de V Daoust à E Fassin.

27 Décembre 2010 Par christian delarue

De nombreux termes sont tantôt interprétés d’une façon trop restrictive tantôt de façon trop élargie. Le mode élargi lorsqu’il est conscient se voit mis entre guillemets qui indique que l’on sort du champ des significations ordinairement reconnues. Exemple « barbu » « intégriste », etc... Il est bon d’insister pour ces guillemets voire de demander des précisions sémantiques .

* Eric FASSIN

Le mode étendu parait être le cas pour « démocratie sexuelle » chez Eric Fassin qui ne met pas lui de guillemets. Cette position s’argumente comme suit : L’emploi du terme « démocratie sexuelle » qui met l’accent sur l’acquisition de plus de droits et de libertés pour les femmes et les homosexuels resterait juste à mon sens si la dite question des droits et libertés se rattachait à la fonction démocratique par excellence : le vote, le choix, la décision après débat démocratique. Or elle me parait ici éloignée du sens commun, certes employé lui souvent de façon trop restrictive, qui la rattache aux mécanismes de votation ou de décision des citoyens. La démocratie ne se réduit pas à cela mais cela reste « son coeur » de sens. La question des droits et libertés s’y ajoute nécessairement. Ici Eric Fassin tord le bâton dans l’autre sens, par extension détachée du noyau dur et non par restriction. Il aurait du mettre des guillemets. Mais son article est bon !

* Valérie DAOUST

Il n’est pas le premier à invoquer l’individu plus que le citoyen à propos de démocratie et de sexe. Valérie Daoust s’y était employée avec son livre De la sexualité en démocratie – L’individu libre et ses espaces identitaires. » dont nous avions parlé en 2007 sur chrismondial-blog.

Voici un extrait de l’ouvrage de Valérie DAOUST (PUF 2005). Le passage est issu du chapitre « Idéologie romantique ou amour authentique ? . Il exprime à mon sens, de façon fort différente, le souci du philosophe Rober MISRAHI (1) à propos de « la rencontre et l’amour » (2).

L’amour devient une chance d’être authentique dans un monde ne général gouverné par des solutions pragmatiques et des mensonges opportunistes : c’est en quelque sorte une nouvelle religion, qui à la fois promet le bonheur, permet d’échapper à la quotidienneté et donne un sens à la vie. (V DAOUST cite ici un auteur qui montre que l’amour possède aussi des caractéristiques qui le différentient fondamentalement de la religion.).

L’individu romantique, dans ce contexte, doit respecter une règle fondamentale : l’obligation de l’honnêteté. Au risque même de briser ses engagements et l’amour, dès lors, n’est plus le lieu d’une affection partagée, mais celui des peines et des douleurs de l’intimité. L’obligation de l’honnêteté constitue l’authenticité des sentiments exprimés à l’autre et participe à cultiver un rapport à soi-même qui soit véridique.

Ce n’est pas, comme l’interprète Claude Habib, que nous connaissions aujourd’hui le chacun pour soi, sous le signe d’un individualisme égoïste, qui ne permettrait pas de relations à long terme. C’est la recherche d’une grande loyauté dans l’amour, qui devient un lieu où l’homme et la femme déterminent leur existence et ont l’impression d’agir librement. C’est la référence à soi et jusqu’à un certain point à l’autre, qui rend l’action amoureuse légitime.

De la même manière, on ne se marie plus pour d’autres raisons que celles qui renvoient à l’amour – les institutions et la tradition, la sécurité économique et la famille sont désormais des facteurs secondaires -, et l’amour qui trahit les engagements et les espérances devient insoutenable.

Ce n’est pas le fait que l’individu soit devenu un être égoîste qui rend les relations difficiles, mais que l’amour soit investi d’une telle puissance libératrice et transcendante : il est associé à un idéal de liberté, de vérité et d’accomplissement.

Autrement dit, l’individu est à ce point romantique, qu’il préfère souvent être seul plutôt que de s’engager dans une relation qui ne correspond pas à son idéal.

Cet idéal de la relation amoureuse sous le signe de l’authenticité doit satisfaire à plusieurs impératifs. Elle réclame l’attirance sexuelle, la complicité, qui ressemble à une profonde amitié mais aussi le partage de projets communs, constituant l’histoire romantique du couple, et ou l’enfant peut devenir la preuve de l’authenticité et de la profondeur des sentiments partagés.

Mais il y a plusieurs manières d’élaborer les scénarios amoureux : les expériences dans la vie de chacun l’amène à adhérer de différentes manières aux principes de l’amour romantique. L’âge de l’individu a son rôle à jouer dans les mises en scènes de l’amour ; les projets et les attentes ne seront pas les mêmes pour l’individu de vingt ans et pour celui de soixante.

Quoique les projets et engagements puissent varier, l’amour romantique conservera le caractère de l’ « amour confluent », comme réciprocité, et le caractère de l’amour passionnel comme désir à consumer.

Christian DELARUE

1) Pourquoi Marine Le Pen défend les femmes, les gays, les juifs…

Par ERIC FASSIN sociologue, professeur à l’Ecole normale supérieure (ENS)

http://www.liberation.fr/politiques/01012309000-pourquoi-marine-le-pen-defend-les-femmes-les-gays-les-juifs

2) Sur « La rencontre et l’amour » lire : « Libres extraits de « Qui est l’autre ? » » (de Robert MISRAHI), par Christian Delarue

https://blogs.mediapart.fr/christian-delarue/blog/211214/libres-extraits-de-qui-est-l-autre-de-robert-misrahi-cd-2005

NB : Valérie DAOUST précisait dans ses pages sur « la réciprocité » ce que signifiait « l’amour confluent » au regard de trois types de sexualité :

« L’amour confluent » met l’érotisme au centre de la vie conjugale et devient un idéal dans une société, pense-t-on, où chacun peut s’accomplir sexuellement : ainsi, parallèlement à la sexualité pensée comme une multiplication d’expériences permettant une découverte de soi et une sexualité-spectacle qui n’implique pas de relation à l’autre, il existe une sexualité qui prend la forme d’un accomplissement personnel à travers l’expression des sentiments, et qui exige aussi une reconnaissance subjective réciproque. Cette reconnaissance réciproque n’est pas exclusivement hétérosexuelle et monogame.