Accueil > Entente entre les peuples > Géopolitique des conflits - Autodétermination des peuples - Extension (…) > Afrique > AFRIQUE : La Conférence nationale souveraine, un pouvoir constituant (…)

AFRIQUE : La Conférence nationale souveraine, un pouvoir constituant original - M Besse

dimanche 19 février 2017, par Amitié entre les peuples

TRANSITION AFRICAINE DES ANNEES 90

La Conférence nationale souveraine, un pouvoir constituant original

Magalie BESSE
Allocataire-monitrice, Faculté de Droit de Clermont-Ferrand

Dans le cadre des processus transitionnels, la phase de mutation constitutionnelle se révèle décisive pour la réussite de la démocratisation ainsi que pour l’enrichissement de la théorie du droit constitutionnel elle-même. Les transitions africaines des années 1990 n’échappent pas à cette règle.

Les Conférences nationales

La quasi-totalité des Etats d’Afrique subsaharienne francophone a connu un processus de transition dans les années 1990. Cette vague de démocratisation résulte d’une conjonction de facteurs tant externes qu’internes1.

Un mécanisme innovant et spécifique fut utilisé par certains de ces pays : la Conférence nationale. Elle fut pour la première fois organisée au Bénin. Son origine témoigne de son caractère paradoxal. C’est en effet le Président Mathieu Kérékou, responsable de la dictature marxiste-léniniste en place au Bénin depuis 1972, qui inventa le terme et la formule institutionnelle2. Pour ce faire, il s’est inspiré de l’idée qu’il avait déjà eue en 1979 en organisant à l’improviste une Conférence des Cadres de dix jours durant laquelle chacun avait pu librement débattre. La Conférence nationale n’était en revanche pas souveraine dans le projet originel. Elle est un succès et devient l’une des principales revendications dans les Etats d’Afrique subsaharienne francophone. L’expérience sera reprise au Gabon, au Congo, au Niger, au Mali, au Togo, au Zaïre et au Tchad3. Elle est donc un mécanisme spécifiquement africain.

La Conférence nationale est alors perçue comme l’instrument de réussite de la transition démocratique que cette réussite soit un vœu sincère des gouvernants ou un moyen pour eux de gagner du temps face à une contestation populaire grandissante.

Sa nature est mixte. Elle est un rituel de transgression qui permet d’évacuer symboliquement les conflits, elle offre ainsi un espace public de la parole, ce qui conduit certains observateurs à la comparer, à tort ou à raison, à la célèbre palabre africaine. Mais elle se veut également une structure institutionnelle génératrice de nouveaux pouvoirs qui entend initier les valeurs démocratiques. C’est d’ailleurs pour mener à bien cette seconde mission que la quasi-totalité d’entre elles6 va opérer un véritable coup d’Etat civil en se déclarant souveraine.

http://www.droitconstitutionnel.org/congresParis/comC3/BesseTXT.pdf

XXX

Commentaire sur les processus constituants

Si en matière de processus d’institutionnalisation d’une nouvelle souveraineté - toujours sous contrôle des gouvernants et de l’Etat ne fusse qu’en dernière instance, au mieux - on reprend la métaphore du « passage de témoin » d’une part entre le peuple-classe (qui ne décide pas) et les classes dirigeantes en charge de décider et d’autre part entre le bas et le haut, alors il importe, pour garantir un maximum de démocratisation effective que le passage se fasse le plus tard possible, et avec un maximum d’exigences générales relativement précises, afin de ne laisser aux experts indépendants ou proches de l’oligarchie - des constitutionnalistes professionnels - qu’une mise en rédaction des articles et chapitres, ce qui n’est pas qu’une « simple » technique juridique (pas de neutralité de la technique juridique fut-elle bien bornée), ce qui n’a pas été le cas dans ces processus.

Ch Delarue