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L’antiracisme universaliste selon Caroline Fourest. C Delarue

dimanche 9 septembre 2012, par Amitié entre les peuples

L’antiracisme universaliste selon Caroline Fourest.

Note de lecture du 6 janvier 2012

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Le contenu de La dernière utopie (Grasset Janvier 2010) est pour partie une réponse au livre Le racisme républicain. Réflexion sur le modèle français de discrimination de Pierre Tévanian (Esprit frappeur 2002). Son livre contient un chapitre (le 2 ème) sur les « confusions de l’antiracisme » qui mérite lecture en la rapportant à l’ensemble de l’ouvrage sous-titré Menaces sur l’universalisme.

Caroline Fourest commence un premier chapitre sur ce thème « Une ambition à bout de souffle ». Effectivement il s’agit d’un idéal à atteindre qui n’est pas partagé dit-elle par « un certain tiers-mondisme contre l’universel » humaniste et laïque assimilé à une forme de colonialisme. Ceux-là dit-elle confondent volontiers universalisme et domination occidentale pour avoir l’air de résister à l’impérialisme, alors qu’ils refusent en réalité d’appliquer les droits de l’homme. Elle vise non pas tous les défenseurs des peuples opprimés du sud mais les Indigènes de la République qui assimilent dit-elle « le souhait d’une émancipation pour toutes les femmes au retour de la »mission civilisatrice". C’est oublier poursuit-elle (p 57) que sous la période coloniale, la République se gardait bien d’étendre les bénéfices de la laicité aux musulmans des colonies. Les affiches de cette période n’aimaient rien moins qu’exhiber des femmes voilées en guise de symboles exotique. Cet amalgame est donc à la fois erroné du point de vue historique. Elle appelle à la barre Clémenceau contre la référence répétée à Jules Ferry, certes colonialiste. Elle signale que de grands républicains ont combattu la colonisation au nom de la République et de l’universalisme. La République comme une sorte de centre politique a été tiraillée sur une pente colonialiste et sur une autre qui voulait son contraire. Il convient donc d’aller bien voir de quels Républicains il s’agit.

Au chapitre suivant les met l’accent sur Les confusions de l’antiracisme en distinguant un combat contre les discriminations au nom du droit à la différence ou au nom du droit à l’indifférence. Hors dit-elle en s’appuyant sur Louis Dumont (Essai sur l’individualisme 1983) la reconnaissance de l’altérité mène toujours à l’inégalité. On ne peut réclamer dans un même mouvement l’égalité et la reconnaissance. Le droit à la différence divise les minorités face à l’oppression, là où le droit à l’indifférence cherche au contraire à fédérer. Caroline Fourest reconnait qu’une conception abstraite de l’universalisme a souvent été invoquée par des conservateurs pour justifier l’immobilisme face aux revendications des minorités. Mais ce sont les conservateurs et les normatifs qu’il faut blamer, pas le droit à l’indifférence que l’on retrouve dans l’article 225-1 du Code de procédure pénal au travers de la formule « l’appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée à ... » Autrement dit peu importe qu’une personne soit noir beige ou blanche puisque ce qu’il faut savoir c’est si il y a eu racisme.

Plus globalement elle met l’accent plus loin sur l’importance du social et non sur l’ethnique. Le modèle républicain n’a jamais empêcher de « faire plus pour ceux qui partent de plus loin » mais le problème tient plutôt dans le démantèlement de l’école et plus largement de l’Etat social. Le problème avec la diversité ( ) c’est que ces politiques ont servi à masquer des politiques néolibérales inégalitaires. La thèse de Walter Benn Michaels est ici défendue.

Le chapitre suivant porte sur Un multiculturalisme à la dérive. Celui qui règle les problèmes en fonction de normes communautaires le plus souvent d’origine religieuse. Son envers est un retour de flamme monoculturaliste et xénophobe.. Le modèle républicain français d’intégration est comparé au modèle anglo-saxon de coexistence dans la diversité multiculturelle. Alain Gérard-Slama est opposé à Mona Ozouf mais Caroline Fourrest ne suit ni l’un ni l’autre totalement car une certaine reconnaissance des langues n’est pas une menace en France. La France n’est pas la Belgique.

Pour ma part je serais aussi pour une certaine reconnaissance des particularismes culturels des régions en France mais plutôt jacobin au plan économico-social et notamment pour une politique d’égalisation des conditions et situations sur les différents territoires de la dite République. Cela vaut d’ailleurs à l’intérieur même de chaque région. Il ne faut pas céder sur la nécessaire lutte contre le développement inégal et combiné du capitalisme qui tend à construire des territoires fractionnés et très inégaux, des déserts au milieu de zones hyper-urbanisées.

Le dernier et quatrième grand chapitre porte sur « L’antidote laique » (à propos du modèle de sécularisation). Il commence par le problème de la séparation du culturel et du politique dans le religieux. Il se poursuit sur la loi des signes religieux ostensibles à l’école publique (15 mars 2004) prise à la suite de la Commission Stasi (rapport 11 dec 2003). Un bilan positif a été tiré par Hanifa Chérifi. Reste à l’étendre à tous les départements et territoires français. Cela ne poserait pas de problème car cette loi est perçue comme faisant barrage à l’intégrisme. Il faut donc répéter au Barack Obama du 4 juin 2009 au Caire que ce n’est pas par hostilité à la religion musulmane mais par hostilité à une manifestation excessive du religieux source de prosélytisme religieux. Si avec l’article 18 de la DUDH il faut assurer la liberté de conscience comme un droit absolu mais pas le droit de manifester sa religion qui peut être limité. La religion n’est pas un droit de l’homme absolu.

Le risque d’une laïcité autoritaire est certain face aux excès du religieux. En France la laïcité autoritaire s’est constituée comme suite de l’affaire dite du voile du gite vosgien entre Horia Diamati et Fanny Truchelut. Le service devait être rendu de façon non discriminatoire. F Truchelut a perdu. Pour autant peut-on résumer le geste de F Truchelut a un acte raciste ? C’est oublié deux choses 1 Qu’elle n’a pas refusé la réservation en entendant un nom d’origine maghrébine ; 2 qu’ensuite, elle a simplement demandé l’enlèvement du voile dans les parties communes. Cet argument est tombé contre celui de la discrimination. Depuis lors le mouvement pour la laïcité est divisé entre Riposte laïque et les autres.

Christian DELARUE