Accueil > Entente entre les peuples > Géopolitique des conflits - Autodétermination des peuples - Extension (…) > Afrique > L’antiracisme relié, en prise avec les processus de démocratisation par (…)

L’antiracisme relié, en prise avec les processus de démocratisation par en-bas des relations France-Afrique. C Delarue

dimanche 5 mars 2017, par Amitié entre les peuples

« L’antiracisme relié », en prise avec les processus de démocratisation par en-bas des relations France-Afrique.

Sur l’antiracisme relié voir note 1.

En lien avec « Urgence antiraciste - pour une démocratie inclusive », ouvrage collectif coordonné par Martine Boudet (CS d’ATTAC) - A paraître aux Editions du croquant (nb c’est publié désormais en mars 2017)

L’antiracisme ne saurait se désintéresser des processus de démocratisation par en-bas des relations France-Afrique, ceux qui repoussent les phénomènes d’oligarchisation. Cette façon de concevoir l’anti-racisme’est une option idéologico-politique qui n’est pas partagée par l’ensemble de la sphère antiraciste. C’est l’inscription de l’antiracisme dans l’histoire qui ouvre à une telle option. Et c’est le cas du MRAP - Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples.

I - ANTIRACISME UNIVERSALISTE, HISTOIRE COLONIALE ET RUPTURE DE 1983.

Préalable situé sur l’antiracisme d’ici en lien avec l’histoire coloniale et l’internationalisme des peuples-classes .

 Le MRAP, une organisation antiraciste universaliste française avec une histoire. (Avec une soeur en Belgique dont l’histoire est à rapprocher de la nôtre avec ses points communs et ses différences).

Cet antiracisme-là est celui du MRAP pour ce qui relève de l’antiracisme universaliste. Il n’est pas le seul. Mais c’est plus du côté du « néo-antiracisme » ou de « l’antiracisme politique » que l’on trouve cette tendance constante à faire des liens de solidarité par delà les frontières, au sein d’un même continent certes, mais aussi entre continents.

Le MRAP relève à la fois de l’antiracisme universaliste mais aussi d’une histoire de solidarités anticoloniales qui fait que les générations post-coloniales d’après 1965 (les indépendances) ont continué le combat des générations antérieures. Henri POUILLOT, militant anticolonialiste du MRAP a connu la Guerre d’Algérie et, à ce titre, il a fait et continue de faire le lien entre les anciennes générations du MRAP et les nouvelles : post 1972, post 1977, post 1983 et les plus récentes encore.

Encore beaucoup d’immigrés du Maghreb et d’Afrique subsaharienne étaient victimes de racisme au moment du vote de la loi contre le racisme de juillet 1972. Ce racisme était violent et très humiliant . On a pu trouver une affiche de bar « interdit aux noirs et aux arabes ». Onze ans avant la marche de 1983 (pour l’égalité et contre le racisme) toute une génération d’immigrés a souffert d’un racisme effroyable en France . Et leurs enfants n’en sont pas indemnes .

 1983 et après : Un certain antiracisme a validé que l’histoire coloniale était derrière nous (sauf rares exceptions). Il y aurait donc grosso modo un avant et un après 1983 dans l’antiracisme.

La Marche pour l’égalité et contre le racisme de fin 1983 a fait naître paradoxalement (3) en octobre 1984 SOS Racisme qui diffuse très massivement un antiracisme de principe chez les jeunes surtout (la petite main était portée par des jeunes « potes » et les concerts mobilisaient les jeunes) mais quasiment sans lien avec les luttes anti-impérialiste ou contre le néocolonialisme. A cette époque-là un fil historique de l’antiracisme s’est perdu. Je ne vois pas comment dire autrement l’étonnement visible face à l’évocation de « post-colonial » chez certains antiracistes (même si tout n’est pas à relier à la postcolonialité comme chez d’autres).

Cette hypothèse est forte et confirmée dans ce passage : « A propos de l’anti-racisme des années 68, Gordon s’interroge sur sa nature, ses formes et ses limites, ainsi que sur son évolution dans le temps, 1983 constituant le terme de l’étude : elle est l’année qui, d’après lui, voit le retrait de l’influence soixante-huitarde dans le champ antiraciste ». (4)

A partir des années 83 et suivantes il va donc y avoir une lutte antiraciste largement déconnectée de ce qui se pratique ailleurs au nom de la France en Afrique et du lien avec l’histoire coloniale et impériale. Sauf au MRAP (et au sein d’autres forces politiques : PCF, LCR, LO - pas tout SOS Racisme sans doute). Il y a des associations, comme SURVIE (avec le livre d’Odile TOBNER contre le racisme - 2), qui sont elles spécialisées sur ces problématiques spécifiques et cette spécialisation indique bien, à mon sens, une sortie du champ commun de lutte. Tout cela est à débattre.

Le changement de nom du MRAP en 1977 (ou apparait « pour l’amitié entre les peuples ») valide en quelque sorte cette continuité d’un antiracisme en prise avec les migrations et le racisme anti-arabes des années 50-60 comme d’ailleurs avec l’antisémitisme de l’extrême-droite. Le MRAP est solidaire du peuple palestinien opprimé et colonisé mais ne tolère pas que l’antisémitisme puisse se cacher sous l’antisionisme.

La continuité vient qu’en notre nom, les forces militaires françaises ont sévit de façon impériale en Afrique et ailleurs en Asie pendant plusieurs décennies et que la FrancAfrique (FX Vershave) a pris la suite après la décennie des indépendances (55-65) pour maintenir une sujétion politico-économique. Cela a perduré sous le mitterrandisme (de 81 jusqu’à Hollande) . C’est de cela qu’il faudrait débattre plus souvent pour que ce fil spécifique perdure dans l’antiracisme.

II - LA DEMOCRATISATION PAR EN-BAS DES RELATIONS ENTRE LA FRANCE ET L’AFRIQUE.

La solidarité des peuples-classe d’Afrique entre eux et celle entre ces peuples-classe africains et le peuple-classe français se traduit - difficilement certes - par un mouvement de mobilisation pour la démocratisation et laïcisation des Etats et des relations entre la France et l’Afrique. Il s’agit rien moins que de casser six décennies de FrançAfrique , soit un néocolonialisme souterrain (vu d’ici au moins) mais très actif, notamment pour pérenniser l’impérialisme français (pas que lui certes) en Afrique, avec la dette comme exigence.

 Démocratisation par en-bas via l’altermondialisme africain et 4 FSM en Afrique.

Il faut aussi compter (outre l’antiracisme) avec l’altermondialisme pour faire avancer cette démocratisation. Comme le souligne Paul MENSAH, porte-parole d’Attac Togo dans un livre à paraitre aux Editions du croquant « Urgence antiraciste - pour une démocratie inclusive », ouvrage coordonné par Martine Boudet, avec son texte : « L’urgence de la démocratisation des relations Afrique-France- monde » : " Après l’Amérique du sud c’est l’Afrique qui a accueilli quatre forums sociaux mondiaux (FSM) en une décennie, à Nairobi en 2007, à Dakar en 2011, à Tunis en 2013 et 2015. .../... Et cette vitalité politique des pays du Sud constitue un acquis qui doit contribuer à soulever les obstacles à leur émancipation. Il ajoute : Dans leurs luttes contre les systèmes dictatoriaux, les peuples du Maghreb et d’une manière générale du monde arabe sont confrontés à l’islamisme radical et terroriste, source de régressions socio-politiques et culturelles. Des pays du Sahel sont impactés, tels le Mali. Les peuples d’Afrique sub-saharienne ( francophone) subissent quant à eux le règne d’un néocolonialisme fascisant, depuis la n de la guerre froide et singulièrement depuis le génocide rwandais qui en a été l’une des résultantes (1994).

 Démocratisation institutionnalisée via 8 Conférences nationales en échec.

Par contre la démocratisation et laïcisation ou intervient une certaine institutionnalisation - qui est donc « moins par en-bas » (c’est fatal semble-t-il) donne lieu à des compromis, des atermoiements, des refus qui limitent - selon moi - cette démocratisation, ce qui assure la permance de l’oligarchie et des bourgeoisies compradores.

Lisons la encore Paul MENSAH dans le texte pré-cité : « Dans les années 90, suite à la chute du mur de Berlin, les luttes des peuples africains pour la démocratie et le développement ont donné lieu, dans l’aire francophone, à la tenue de huit conférences nationales et sur une durée de trois ans, à l’origine de la reconnaissance de libertés publiques : au Bénin (du 19 au 28 février 1990), au Congo-Brazzaville (du 25 février au 10 juin 1991), au Gabon (du 27 mars au 19 avril 1990), au Niger (du 29 juillet au 3 novembre 1991), au Mali (du 29 juillet au 12 août 1991), au Togo (du 10 juillet au 28 août 1991), au Congo- Kinshasa (du 7 août 1991 au 6 décembre 1992), au Tchad (du 15 janvier au 7 avril 1993)2. Les éléments de ce dispositif institutionnel sont à préciser dans la mesure où, malgré l’importance des forces vives (associatives, syndicales, politiques, religieuses...) mises en œuvre à l’échelle des pays et de l’aire francophone, il n‘en a pas été rendu compte sous la présidence de F Mitterrand, et cela malgré le discours de La Baule en faveur de la démocratisation (sommet Afrique-France, 1991) ».

Christian DELARUE

1) Sur la notion d’ « Antiracisme relié » lire :

« Antiracisme relié » ou la convergence et l’extension des luttes antiracistes. - Amitié entre les peuples
http://amitie-entre-les-peuples.org/Antiracisme-relie-ou-la

« Antiracisme relié » vers l’intersectionnel en restant sur une base universaliste - C Delarue - Amitié entre les peuples
http://amitie-entre-les-peuples.org/Antiracisme-relie-vers-l-intersectionnel-en-restant-sur-une-base-universaliste

2) Propos de 2008 (pas de néo-antiracisme ou d’anti-racisme politique à l’époque - du moins dans le débat public ) : Il revient au MRAP de dire et répéter qu’entre la France et l’Afrique un racisme négrophobe et anti-arabe issu de la colonisation perdure et se renforce. La négrophobie a été dénoncée en 2005 par Boubacar Boris Diop, Odile Tobner et François Xavier Verschave. Odile Tobner - qui partagé la vie et le combat de l’écrivain Mongo Beti - revient à la charge à propos de négrophobie d’une part contre quelques personnages publics bien placés dans les médias alors qu’ils se chargent des basses besognes idéologique et d’autre part contre deux présidents de la République. Bravo Mme Odile TOBNER.

in STOP AU RACISME PRESIDENTIEL - Christian DELARUE - sur BELLACIAO en 2008
http://bellaciao.org/fr/spip.php?article65678

3) Paradoxalement car cette Marche constituait - comme il a été dit trente ans après (par Abdellali Hajjat , le 5 décembre 2013) - une rupture dans l’histoire de l’immigration et des représentations nationales parce qu’elle signifie la fin du mythe du retour au pays d’origine, participe à rendre visible la réalité des quartiers populaires et favorise une prise de parole généralisée des enfants d’immigrés postcoloniaux. Mais sa structuration était faible et le mouvement populaire a été récupéré - là est le paradoxe - par la volonté de créer une organisation hiérarchisée avec des élites dont certaines furent ministres socialistes (PS).

4) Les années 68 de l’anti-racisme - La Vie des idées
http://www.laviedesidees.fr/Les-annees-68-de-l-anti-racisme.html
Géopolitique nord-sud dans Urgence anti-raciste

5 ) Jean Nanga et du CADTM explique que « le remboursement de la dette publique extérieure constitue encore – à travers le paiement des intérêts – une ponction considérable par le capital financier international » . Mais il y a bien d’autres aspects cumulatifs. Lire : « Afrique : Nouvelle domination capitaliste et impérialisme »
http://www.cadtm.org/spip.php?page=imprimer&id_article=12509