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L’alter-polygamie ! C Delarue

lundi 21 septembre 2009, par Amitié entre les peuples

L’alter-polygamie !

Une autre polygamie est-elle possible ? (21 dec 2008)

Diable ! Au delà de la provocation du titre, le propos de ce texte se veut critique non de la polygamie « en général » mais de celle commandée exclusivement pour les hommes et par les hommes ; donc sans pour autant se placer nécessairement du point de vue de la défense intransigeante de la famille monogamique et du couple - marié ou non - fondé sur le principe de l’exclusivité du partenaire. Cela concerne aussi les alliances amoureuses de même sexe, même si le sujet évoque les hétérosexuels. Globalement, on pourrait appeler cela le polyamour, un mode de vie montant en Europe différent de la polygamie sexuée (l’homme seul avec plusieurs femmes) et donc sexiste.

1 - Tariq Ramadan peut-il concevoir la polygamie réciproque ?

T Ramadan veut moraliser au nom de l’islam la polygamie mais en la laissant dans son cadre de prérogative réservée aux hommes. Cette orientation parait de plus en plus inconcevable aux individus modernes qui aspirent à nouer librement des relations dans l’égalité et la réciprocité.

« Il parait qu’il se passe des choses dans notre communauté... elles sont graves ! où vous avez des maris... ils font des choses qui sont totalement illicites... ils sont mariés... ils vont avec d’autres femmes et quand on leur dit qu’est ce que tu fais ? ils disent mais c’est la polygamie ! On est tellement mensongers avec les principes qu’on change tous les mots, et là ça va pas ! la polygamie a des conditions, des principes et des règles et c’est sanctionné par un mariage devant Allah, c’est pas comme tu veux ! ». Il y aurait donc à écouter T Ramadan une bonne polygamie d’une mauvaise. Mais dans un cas comme dans l’autre, c’est bien l’homme qui dispose de plusieurs femmes.

Quelle religion ne cherche pas à encadre strictement les conditions de la vie de couple ? Chacune le fait différemment et de façon variable suivant le contexte. Le pape lors de sa venue en France en 2008 ne voulait-il pas empêcher les divorcés de se remarier devant Dieu ! L’Eglise catholique a déjà eu bien du mal à accepter le divorce. Et elle prête à faire marche arrière dès le moindre recul des féministes. En commençant par le maillon le plus faible : en Pologne par exemple.

2 - La polygamie occidentale cachée.

Le pape n’a jamais pu empêcher la « polygamie occidentale cachée » répondent les musulmans pratiquant la polygamie. La polygamie, au sens stricte du terme, n’est reconnue dans aucun des pays d’Europe et d’Amérique . Le titre est donc inexact . Mais il indique une évolution des moeurs . Ce qui semble bien se constituer en norme sociale nouvelle c’est un « polyamour à géométrie variable », en général caché .

Cette dynamique sociale se développe alors que les couples ont en Occident toutes les possibilités de divorcer . Mais de fait cela n’empêche nullement les couples de s’engager dans des situations triangulaires . Vivre en trio (ou à quatre) réduit l’exclusivité du partenaire au statut de principe non absolu ; ce qui signifie présence d’atténuations et d’exceptions . En occident, le couple connait en fait et de façon massive des relations extra-conjugales tantôt sous la forme coup-de-canif (simple entaille de surface dans le principe) tantôt de façon durable.
Le polyamour c’est en quelque sorte la polygamie moderne réciproque, autorisée pour l’homme comme pour la femme.

3 - Le polyamour se vit quasiment sans idéologie légitimante .

Le polyamour n’est pas plus défendu que de l’amour en couple classique. Leurs adeptes ne fétichisent ni le « couple officiel » ni la famille légale. Les trio se forment après confrontation quand ce qui fait l’essence du couple tend à disparaître, notamment la relation sexuelle. Les polyamoureux admirent en somme l’amour quand il est là, quand il germe et s’installe dans la durée.

La vie réelle peut faire qu’une personne en aime une autre sans quitter celle ou celui avec qui il ou elle vie. S’instaure alors un polyamour à tonalité sentimentale inégale chaleureuse dans un cas et plus froide dans l’autre. On peut parler de « couple simplement cohabitants » chez ceux qui continuent de vivre ensemble en s’aimant de façon minimaliste, juste avec un savoir vivre ensemble de bon aloi, l’un d’entre eux ou les deux ayant son cœur tourné ailleurs. Si aimer c’est « prendre soin de » (E Fromm) alors il y a bien une inégalité dans l’attention prodiguée mais l’amour tel que défini par des siècles de culture chrétienne ne suppose pas le maintien d’un haut niveau d’attentions mutuelles ou de soins partagés mais simplement l’exclusivité.

4 - Une critique non dite de l’exclusivité absolue

Ce que nous dit le couple occidental relativement dégagé des préceptes chrétiens comme le couple polygame en islam c’est bien que l’exclusivité absolue n’est plus respectée. Ce n’est pas certes pas nouveau. Mais le fait n’est plus honteux. Il est toléré. Un motif souvent relevé serait qu’il est préférable d’aller « voir ailleurs » plutôt que de forcer sa compagne (ou son compagnon) à avoir des rapports sexuels non voulus. La contestation de l’exclusivisme est donc le plus souvent circonscrite à ce genre de justification .

Ce qu’il importe de noter est que cette contestation vient de partout, quoique sous des formes différentes, de l’Orient comme de l’Occident. Outre l’argument du défaut de vie sexuelle satisfaisante le fait polygamique n’est pas ou fort peu théorisé . Simplement parce que en Occident le polyamour est le plus souvent caché à l’un des partenaires.

La morale des temps modernes se fait une raison de la multiplicité des vies et des situations. Elle n’est pas dans l’invective et le conflit maintenu. Elle souhaite préserver l’intérêt des enfants. Elle entretient souvent des liens d’amitié avec les « ex ». Elle ne fustige pas le ou la « cocu », un terme exclu du vocabulaire comme relevant d’un autre âge. Il y a donc bien une « ethique polyamoureuse » contrairement à ce que pense les moralistes du couple éternel. De plus les polyamoureux ne dédaignent pas les relations monogames lorsqu’elles sont très aimantes.

5 - Extension : pas de fétichisme de la famille !

La famille n’est pas - ni en Occident ni en Orient - nécessairement ce havre d’amour chanté par les religions et les pouvoirs. Elle peut l’être. Mais si l’amour y circule vraiment alors il n’y a plus besoin d’une idéologie « familialiste » de soutien. Cela concerne aussi bien l’attention accordée à la femme (ou à l’homme) que l’affection et l’exemple donnés aux enfants.

Préserver le bon équilibre et les intérêts des enfants ne signifie pas défendre systématiquement le cadre familial. Il fallu des années - d’après un article de la revue « Enfant d’abord » - avant que les scientifiques mettent à jour un biais source d’erreur qui donnait systématiquement une meilleure éducation aux enfants de couples mariés qu’aux enfants de couples divorcés. On sait aujourd’hui que la réalité est plus contrastée. Mieux vaut un couple divorcé qui sait néanmoins poursuivre l’éducation des enfants qu’un couple marié qui montre jour après l’exemple de la violence et de l’oppression reconduite.

* L’avenir de la modernité

Par contre une vision forte de l’engagement vient donner une authenticité à l’amour, mais une authenticité qui ne se combine pas nécessairement avec le couple « à deux toute la vie ».

Lire ici : « S’engager pleinement, sans retenue... »

http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=52684

Christian Delarue

Note :

1) Frère Tariq et la « fornication » - Vidéo & extraits

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article501