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L’Unédic et le piège de la dette - Regards

dimanche 15 avril 2018, par Amitié entre les peuples

L’Unédic et le piège de la dette

Lundi 16 avril, le Groupe d’Audit Citoyen de l’Assurance Chômage (GACDAC) sort son rapport sur l’Unédic, comme le Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM) l’avait fait en Grèce. En exclusivité, Regards a pu y avoir accès. Dette, évasion fiscale et problèmes structurels : cocktail explosif en prévision de la réforme présentée en conseil des ministres mercredi prochain.

Source : regards.fr

http://www.regards.fr/societe/article/l-unedic-et-le-piege-de-la-dette

XX

Le mercredi 18 avril, le gouvernement d’Edouard Philippe doit présenter le projet de loi sur la formation professionnelle, l’apprentissage et l’assurance chômage (Unédic). Pour défendre cette réforme de l’assurance chômage, le gouvernement affiche deux objectifs : le premier serait de s’adapter à la réalité du marché du travail en protégeant mieux certaines catégories de la population dont les indépendants et les salariés démissionnaires ; le second serait de limiter les pertes de l’Unédic.

Car, d’après les prévisions, le régime devrait atteindre le cap de 37,5 milliards d’euros de dette cumulée d’ici 2018. En matière de déficits de cet organisme créé le 1er janvier 1959 et géré de manière paritaire par les syndicats de salariés et le patronat, les chiffres varient pourtant. Selon le rapport moral du 31 janvier 2017, effectué en fin de mandature par Alexandre Saubot (MEDEF), président de l’Unédic, il y a avait près de 34 milliards d’euros de dettes à la fin de 2017 ; une autre source indique qu’en janvier 2018, la dette de l’Assurance chômage s’élèverait à 33,185 milliards d’euros. Au final, en un an, l’endettement augmenterait de 3 à 4 milliards, passant de 33 milliards fin 2017 à 37,5 milliards fin 2018 selon les prévisions... Le Gacdac (Groupe d’Audit Citoyen de l’Assurance Chômage) s’interroge dans le rapport qu’il s’apprête à dévoiler et que Regards a obtenu.

De quoi s’agit-il précisément ? Depuis plusieurs mois, un groupe de citoyens effectue un audit de la dette de l’Unédic. Il cherche à comprendre et à analyser cette dette. Leurs conclusions sont une mine d’informations.

La dette de l’Unédic

Tout d’abord, le GACDAC montre qu’entre 2008 et 2016, l’Unédic est passé d’un excédent de 4,5 milliards à un déficit de 4,6 milliards. La dette cumulée a augmenté. En cause : « le taux de cotisation n’a pas augmenté malgré l’augmentation massive du nombre de chômeurs – il a été multiplié par deux dans cette période », explique Pascal Franchet qui a contribué à cet audit.

Ainsi, explicite le rapport, « tout comme pour le budget de l’Etat, l’Unédic a fait le choix de l’endettement au lieu de s’attaquer aux principales causes structurelles de ses déficits qui sont l’insuffisance des recettes de cotisations et un nombre de chômeurs trop important. Le taux de cotisation est insuffisant pour permettre une couverture complète et correcte des chômeurs. Il n’a pas bougé depuis le 1er janvier 2003 (6,4% jusqu’à septembre 2017 et 6,45% depuis octobre 2017 jusqu’en 2020). »

Pascal Franchet ajoute une autre raison à ce déficit : « la gestion de l’ensemble du système-chômage incombe à l’Unédic depuis la fusion de l’ANPE, en charge de la partie placement des chômeurs, avec l’Assedic, en charge de l’indemnisation. » Autre élément : depuis 2009, l’Unédic subit une mue et est censée être modernisée. Cette modernisation s’effectue « en ayant recours à des partenaires privés, ce qui représente un coût important pour l’Unédic : il n’y a aucun contrôle sur ces prestataires privés », poursuit Pascal Franchet. Il soulève, d’ailleurs, une interrogation : « pourquoi déléguer le contrôle des comptes au cabinet Deloitte et associés quand il pourrait être effectué par des agents du Trésor public ? »

Evasion fiscale

En approfondissant ses recherches, le GACDAC a découvert un autre élément qui pose question. Une partie des titres de dettes émis par l’Unédic sont détenus par des organismes financiers... épinglés dans les Panama papers ou les Paradise papers, ces documents qui avaient révélé comment un certain nombre d’entreprises échappent à l’impôt en se déclarant dans des paradis fiscaux. Autrement dit, non seulement, certains organismes gagnent de l’argent sur les intérêts qui leur sont versés par l’Unédic, donc sur les cotisations, mais en plus, ils échappent potentiellement à l’impôt sur ces gains financiers.

Quel est le fonctionnement ? Des banques achètent des titres de l’Unédic, qui sont ensuite admis à la négociation sur EURONEXT. Ils passent par une chambre de compensation EUROCLEAR (la seconde étant CLEARSTREAM) pour être revendus à des investisseurs. Certains de ces investisseurs ont leur nom dans la liste des Panamas papers, comme certaines banques qui achètent initialement des titres de l’Unédic pour les revendre.

« Quel est le niveau d’évasion fiscale tiré des cotisations issues de l’emploi des 16,5 millions de salarié-e-s qui travaillent en France ? », s’interrogent ainsi les auteurs du rapport.

Bref, l’Unédic semble prise au piège d’un système-dette. Or, l’argument de la dette est utilisé depuis longtemps pour réduire l’indemnisation ; entre 2014 et 2016, il existe même une relation claire entre le discours sur la dette et la réduction des droits des chômeurs. Avec la nouvelle réforme, cet argument sera-t-il utilisé pour renforcer le contrôle sur les chômeurs et, probablement, à terme, leur indemnisation ?

via liste : Ca-france cadtm.org