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J Martine / C Delarue : Eléments de débat sur les alternatives à la prostitution.

mardi 25 juin 2019, par Amitié entre les peuples

Eléments de débat sur les alternatives à la prostitution.

entre Joel MARTINE (altermondialiste Marseille) et Christian DELARUE (altermondialiste Rennes), des hommes qui se sont prononcés contre la prostitution il y a quelques années. Un troisième intervenant (altermondialiste aussi) Henri SAINT-JEAN a aussi apporté sa contribution.

Joel MARTINE a écrit un excellent livre : « Le Viol-Location » (Ed L’Harmattan) et Christian DELARUE a signé en février 2015, comme Zéromacho, la tribune de l’Humanité « Les élus français doivent se montrer à la hauteur dans la lutte contre la prostitution » | L’Humanité

https://www.humanite.fr/les-elus-francais-doivent-se-montrer-la-hauteur-dans-la-lutte-contre-la-prostitution-565130

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Ces éléments de débat proviennent

 1) d’une série de réponses à un pro-prostitution (cf commentaires de « FILM du Festival de Cannes : Entre « çà » de domination et « surmoi » d’interdiction » sur mon blog mediapart) sur le volet exploitation d’une possible EXCEPTION au principe de refus de la prostitution par pénalisation du client et des proxénètes et

 2) de la lecture récente du livre « Le Viol-Location » de Joel MARTINE (sous-titré « liberté sexuelle et prostitution » - « Le sexe n’est pas une marchandise » et publié chez L’Harmattan éditeur).

 Son passage « Le libertinage peut-il remplacer la prostitution ? » (cf extraits ci-dessous) pose avec le libertinage sexuel la question de l’ALTERNATIVE là ou pour ma part je proposais en 2016 (et maintenant encore) la masturbation avec la question « quel support ? » c’est à dire que montrer ou pas à ces publics ?

Car l’idée d’une masturbation sans support (film ou photo ou dessin) d’excitation sexuelle me paraissait exclue pour des individus - hommes souvent - désormais privés de pratiques prostitutionnelles régulières du fait de la pénalisation des clients-prostituteurs. Il fallait donc trouver des critères pour interdire et autoriser. La proposition fut : 1) Interdire la vue de location des « trois orifices » (idem au refus de l’essentiel des lourdes contraintes de la prostitution) et 2) tout ce qui est violent et humiliant mais 3) laisser l’exhibition des corps dénudés, y compris avec organes sexuels visibles (ce qui constitue un passage de l’érotisme au pornographique donc réservé aux adultes même si il y a évacuation de ce qui est violent ou humiliant).

Accompagner cela quand c’est possible d’une pédagogie dite du « double regard » sans (deux) réductionnismes : autrement dit voir ce qui plait beaucoup (le sexy par exemple) ou ce qui gêne beaucoup (le voile par exemple) mais voir aussi et surtout la personne humaine et sa dignité.

Il est évident que cette échappatoire ne suffira qu’à une minorité. Les autres - les « bitards » disent certaines féministes - iront pratiquer le libertinage. Ou ils iront vers la prostitution clandestine ou étrangère (ex traverser la frontière espagnole).

 Son développement « La dimension sexuelle de l’assistance aux personnes handicapées » (de Joel M) pose la question d’une EXCEPTION ou AMENAGEMENT à l’interdiction de la prostitution.

Son propos introductif confirme d’emblée l’expérience sur mon blog Mediapart (en commentaires du texte cité plus haut) que le handicap, physique ou mental, « sert d’alibi ou d’arbre qui cache la forêt, car la grande majorité des clients des prostituéEs ne sont pas des handicapés, ni physiques ni mentaux ». Sous prétexte de maladie il y a eu exposé apologétique de la prostitution !

« Cela dit, les personnes handicapées ont droit à une vie sexuelle » précise Joel Martine qui ajoute : « Or, certainEs n’ont pas le pouvoir de séduction qui leur permettrait de trouver par elles-mêmes des partenaires. L’argument précédent pose donc un vrai problème. On rencontre ce problème de façon très pratique quand on s’occupe de handicapés mentaux : beaucoup d’entre eux sont nettement plus équilibrés et moins violents quand ils peuvent avoir des rapports sexuels avec des partenaires. D’ailleurs, ce n’est pas uniquement le cas pour les handicapés mentaux. Parfois les éducateurs ne trouvent pas d’autre solution que de les emmener voir une prostituée. Plus généralement, il est vrai qu’il y a parfois un aspect d’assistance sexuelle dans la prostitution. Mais dire que cela justifie l’achat de services sexuels est un raisonnement aussi inéquitable que si l’on justifiait l’achat d’organes humains par le fait que des malades ont besoin d’une greffe, et que des pauvres sont prêts à vendre un de leurs reins. »

« Pour les personnes handicapées physiques, quel est le problème, au juste ? Soit c’est une disgrâce ou une laideur qui les empêche d’attirer des partenaires sexuels, soit c’est un handicap moteur qui les empêche de réaliser des actes sexuels standard. Dans les deux cas, ce qui les empêche d’avoir des rapports sexuels, ce n’est pas tant leur handicap lui-même que les préjugés des autres sur le physique que l’on doit avoir pour être désirable, et sur les formes canoniques du plaisir sexuel. »

Mon propos (CD) : Lutter contre les préjugés est nécessaire mais que faire en attendant ? On sait très bien que les stéréotypes ont la vie dure. Réponse de Joel Martine : « Cela dit, en attendant, on peut considérer que les personnes handicapées ont droit à une assistance sexuelle, mais elle devrait prendre des formes autres que la marchandisation de services sexuels. »

« L’expression « assistance sexuelle » est ambiguë. Le mot assistance a un éventail de significations. Il peut désigner une aide au sens large sous des formes diverses et pas toujours définies, avec parfois une connotation de sollicitude ; à l’autre extrême le mot est employé, par exemple dans les contrats d’assurance automobile, pour désigner des services précisément définis, vendables, et exigibles sur contrat par le client. La revendication d’assistance sexuelle pour les personnes handicapées peut vouloir dire au sens large que la société a le devoir de les aider à vivre leur sexualité, mais cela peut vouloir dire aussi que des personnes doivent être mises à leur disposition et rémunérées pour leur fournir des services sexuels. Dans ce cas, c’est le cheval de Troie de la prostitution. »

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« Pour ne pas donner prétexte à légitimer la prostitution, il faut exclure de l’assistance sexuelle tout acte où le/la soignantE serait à proprement parler partenaire sexuel. Par exemple une personne soignante peut apprendre à unE handicapéE à se masturber, mais pas le/la masturber sur demande. Ou encore on peut, en tant que tierce personne, aider physiquement un couple qui a des difficultés à mener à bien un rapport sexuel. Souvent les solutions sont encore à inventer, et certes la frontière n’est pas toujours nette entre une aide et un service sexuel, mais il est possible par l’expérience de définir une déontologie. »

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« On pourrait aussi, tout en refusant la prostitution en règle générale, accepter néanmoins des services sexuels d’assistance aux personnes handicapées en tant qu’exception motivée, et encadrée par une réglementation. Faisons un parallèle : le travail salarié des enfants est interdit, la loi autorise néanmoins l’embauche d’enfants comme acteurs de cinéma, en exigeant des autorisations spéciales et des conditions de travail adaptées. Cette exception est motivée par les caractères particuliers de la production cinématographique et son utilité sociale, et personne n’en tire argument contre l’interdiction du travail des enfants en général. »

« Si on appliquait cette démarche à l’assistance sexuelle, il faudrait notamment que les services sexuels ne soient que l’une des activités prévues dans le poste de travail des personnes embauchées, que ces personnes soit intégrées aux équipes thérapeutiques qui suivent les personnes handicapées, enfin que l’institution qui les emploie leur propose des perspectives de carrière sans service sexuel. Il faudrait aussi que les actes soient faits sur prescription thérapeutique, et non à la simple demande des patientEs afin de ne pas les mettre en position de « clientEs ». »

Sur ce point particulier on peut lire aussi la position d’Henri SAINT-JEAN, altermondialiste aussi (et homme) :
La sexualité des personnes handicapées relève du social et... du droit ?
https://www.lemonde.fr/idees/article/2011/03/15/la-sexualite-des-personnes-handicapees-releve-du-social-et-du-droit_1492757_3232.html?
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PRIVILEGE SEXUEL selon Christian Delarue :

L’exercice de la sexualité - hétérosexualité ou homosexualité - peut être entravé par divers facteurs physiques et c’est un gros dommage de ne pas le voir chez autrui homme ou femme et plus encore de ne pas chercher à agir pour réduire si faire se peut cette sexualité empêchée, pour favoriser une sexualité qui ne soit pas oppression d’autrui ; surtout quand nous avons nous-même l’AVANTAGE d’avoir une sexualité qui nous satisfait ! Et l’on sait que ce n’est pas rien !

Il ne s’agit pas pour autant de valider la prostitution mais de chercher un espace de possible qui soit pertinent. Il me semble que Joel Martine est dans cette recherche qui ne ferme pas à priori - au nom de l’amour (quid du libertinage ) ! - cette perspective. Il n’y a pas de solutions toutes prêtes.

Christian Delarue est contre la prostitution et contre la location des « trois orifices » pour faire des films porno . C’est énorme. C’est un champ immense d’interdiction . Il n’est pas pour interdire toute marchandisation notamment pour ceux qui n’ont plus accès à la prostitution et qui veulent se masturber en voyant des images ou des photos sexy non humiliantes, non violentes, sans pénétration aucune. Mais, cela entériné encore, certes, la séparation sexe et amour que pose H Saint-Jean ! Mais veut-on interdire pour tous et toutes, au nom de cette séparation sexe-amour, la masturbation devant une image ? Cet autoritarisme ne serait-il pas réactionnaire, autoritaire et totalitaire ! Les convictions relèvent de la liberté de conscience individuelle mais les interdictions et leurs limites relèvent d’une politique publique !

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Autre thème évoqué :

Voici des extraits du livre de Joel Martine

Le libertinage peut-il remplacer la prostitution ?

« En Suède, les clients abandonnant la prostitution se sont-ils tournés vers les sites Internet de rencontre et les clubs libertins ? Logiquement, ce devrait être le cas puisque ces systèmes de rencontre répondent en grande partie aux mêmes désirs que la prostitution. »

« La prostitution répond à une demande, très majoritairement masculine, de rapports sexuels ludiques, dont les préliminaires non sexuels peuvent être réduits au minimum, sans engagement à long terme, avec une diversité de partenaires, disposéEs qui plus est à se plier aux fantasmes du client. Or les demandeurs de ce type de rapports peuvent aussi les trouver par la drague sur les sites Internet de rencontre et par les clubs libertins. La rencontre et la conversation par Internet permet l’entrée en relation de personnes qui n’auraient pas pu faire connaissance autrement, parce qu’elles sont timides, ou honteuses de leur apparence, ou de milieux trop distants, ou par manque de temps. Tant d’un point de vue éthique que pratique, cela est de loin préférable à la prostitution. »

« D’un point de vue consumériste, l’avantage du libertinage sur la prostitution est qu’il n’y a pas à payer le rapport sexuel (en principe), mais seulement la mise en relation des partenaires : connexion Internet, adhésion au club, ou droit d’entrer dans les locaux. Autre avantage, la satisfaction de l’un passe par le désir de l’autre et réciproquement, et non par son besoin d’argent. D’un point de vue consumériste, c’est plus attrayant et moins factice. Et surtout cela vaut beaucoup mieux selon une éthique humaniste : le consentement sexuel n’est pas à extorquer par le pouvoir d’achat. La liberté de choix de chacunE n’est pas livrée à l’exploitation marchande. »

« De fait, dans les pratiques libertines on constate souvent l’expression de sentiments violents et dégradants, notamment des scénarios d’humiliation de la femme, mais il y a peu de violences au sens strict et peu de contrainte1 : à cet égard, le contraste est net avec la prostitution, où les violences sont courantes2. Il serait donc intéressant de savoir dans quelle mesure en Suède les clubs libertins sont capables de récupérer, canaliser, contrôler (éduquer ?) les clients à tendance violente de la prostitution ou si, à l’inverse, ces clients dangereux restent « dans la nature » et se rabattent sur les femmes isolées et les prostituéEs clandestinEs. »

Christian DELARUE

signataire de « Les élus français doivent se montrer à la hauteur dans la lutte contre la prostitution » | L’Humanité

https://www.humanite.fr/les-elus-francais-doivent-se-montrer-la-hauteur-dans-la-lutte-contre-la-prostitution-565130

Commentaires : pro et anti-prostitution
https://blogs.mediapart.fr/christian-delarue/blog/070619/film-entre-ca-de-domination-et-surmoi-dinterdiction/commentaires

notes :

1Voir Daniel Welzer-Lang, La planète échangiste, enquête sur les sexualités collectives en France, Paris, Payot, 2005.

2Voir Lilian Mathieu, La condition prostituée, notamment chapitre 3, « La place de la violence dans le monde de la prostitution ».