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Israël : la loi fondamentale constitutionnalise l’apartheid - MRAP 2018

samedi 30 juillet 2022, par Amitié entre les peuples

Déclaration du Conseil National du MRAP - octobre 2018.

Israël : la loi fondamentale constitutionnalise l’apartheid

En mai 1948, la Déclaration d’indépendance promettait que le nouvel Etat d’Israël « développera le pays au bénéfice de tous ses habitants ; il sera fondé sur les principes de liberté, de justice et de paix enseignés par les prophètes d’Israël ; il assurera une complète égalité des droits sociaux et politiques à tous ses citoyens sans distinction de croyance, de race ou de sexe ; il garantira la pleine liberté de conscience, de culte, d’éducation et de culture ». La loi fondamentale de 1992 définissait Israël comme un « Etat juif et démocratique ». Dans les faits, les Palestiniens ont toujours été considérés comme des citoyens de seconde zone et étrangers dans leur propre patrie. Plusieurs dispositions législatives discriminaient les citoyens non juifs. Le pouvoir israélien essayait de préserver les apparences en répétant qu’Israël était « la seule démocratie au Moyen-Orient ».

Avec l’adoption le 19 juillet 2018 par le Parlement israélien (Knesset) de la « loi fondamentale », à valeur constitutionnelle, faisant d’Israël « l’État-nation du peuple juif », le vernis démocratique a craqué.

L’Etat d’Israël est défini comme « le foyer national du peuple juif dans lequel il réalise son droit national, culturel, historique et religieux à l’autodétermination ». Israël est la patrie du peuple juif et sa capitale est le grand Jérusalem réunifié. Cette loi officialise les discriminations envers les Israéliens non juifs, y compris envers les Druzes ralliés depuis 1948 à l’Etat d’Israël. Elle constitue une régression démocratique importante. Aucune mention des droits de l’homme, de la protection des minorités, des principes d’égalité et de liberté d’expression. Elle s’inscrit dans un projet plus large visant à « judaïser » la société israélienne et à remettre en cause certaines avancées démocratiques des décennies précédentes, comme le renforcement des droits de la minorité arabe, le développement de la société civile et la possibilité pour la Cour suprême de contrôler la constitutionnalité des lois votées par la Knesset.

Elaborée par l’extrême-droite, qui détient le pouvoir avec la droite, cette loi prolonge et complète toutes les lois antidémocratiques et liberticides mises en place depuis 2009 : interdiction de tout appel au « boycott d’une personne en raison de ses liens avec Israël ou des régions sous le contrôle d’Israël » ; autorisation de refouler à ses frontières les personnes ou représentants d’entreprises, de fondations ou d’associations appelant au boycott ( une liste de 20 ONG bannies a été publiée début 2018) ; suppression des subventions d’Etat aux organisations, institutions ou municipalités commémorant la Nakba ; obligation aux ONG de déclarer les subventions provenant de gouvernements étrangers ; interdiction aux associations dénonçant l’armée (notamment « Breaking the silence ») d’intervenir dans les établissements d’enseignement ; autorisation au ministre de l’intérieur de révoquer le droit de résidence à Jérusalem aux Palestiniens suspectés de « déloyauté » à l’égard d’Israël ; dépossession de la Cour suprême de son droit de contrôle des lois... Comme l’a affirmé Naftali Benett, chef du Foyer juif, ultranationaliste, cette loi « est devenue utile parce que la Cour suprême, dans une série de ses arrêtés, les a vidées de leur dimension juive ». Les droits politiques et nationaux ne sont accordés qu’à la population juive. Le droit à l’autodétermination sur la terre d’Israël, y compris dans les territoires palestiniens occupés, est réservé au seul peuple juif. Elle officialise l’annexion de Jérusalem et légalise l’implantation de toutes les colonies juives en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. En effet, la loi déclare que la colonisation juive est une priorité nationale ouvrant ainsi la voie à de nouvelles vagues d’expropriations massives. La colonisation, accélérée depuis des années, a déjà pris une importance considérable : en 2017, 700 000 colons juifs dont 470 000 en Cisjordanie et 230 000 à Jérusalem-Est d’après le quotidien israélien Haaretz. La langue officielle est l’hébreu, la langue arabe perd son statut de langue officielle et se voit conférer un vague « statut spécial ».

C’est une loi raciste qui institutionnalise l’apartheid en Israël.

Le député du Likoud rapporteur de la loi, Avi Dichter, avait lancé aux députés arabes : « Nous avons fait passer cette loi fondamentale pour empêcher la moindre velléité de tentative de transformer l’Etat d’Israël en une nation de tous ses citoyens ». En validant la poursuite de la colonisation juive, elle renforce le projet politique d’Israël d’écarter la solution à deux Etats dans les frontières de 1967. En violation du droit international et des résolutions des Nations unies, elle enterre tout espoir de paix entre Palestiniens et Israéliens.

Le pouvoir israélien s’est senti assez fort pour faire passer cette loi car il bénéficie du soutien total de Trump et du silence complice de la communauté internationale.

La loi ne fait pas l’unanimité en Israël.

Elle n’a été adoptée que par 62 voix sur 120 à la Knesset avec l’opposition des députés d’origine arabe (qui ont déchiré le texte en séance) mais aussi de députés d’origine juive. Le président Reuven Rivlin s’est lui aussi publiquement insurgé contre cette nouvelle loi. Il y a eu de puissantes manifestations en Israël, d’Israéliens et de Palestiniens, mais aussi de Druzes, contre cette loi. Des centaines d’intellectuels et d’artistes israéliens ont lancé une pétition pour l’abrogation de la loi « qui permet expressément la discrimination raciale et religieuse et contredit la déclaration d’indépendance sur laquelle l’Etat a été fondé ». Par contre, sur le plan international, peu ou pas de réaction de la part des pays occidentaux et de la communauté internationale ; seul l’ambassadeur de l’Union européenne en Israël a fait entendre sa voix.

De plus, cette loi vise à instrumentaliser les Juifs du monde entier, faisant d’Israël leur représentant, leur déniant leur rôle et leur nationalité dans les pays où ils vivent. Ce danger a été bien vu par des organisations juives, notamment aux Etats- Unis et en France, qui ont appelé à s’y opposer.

Avec le Collectif National pour une Paix Juste et Durable entre Palestiniens et Israéliens (CNPJDPI), le MRAP dénonce cette loi raciste qui légalise l’apartheid. Il demande aux Nations unies, aux gouvernements de l’Union européenne, notamment au gouvernement français, des réactions à la mesure des dangers de cette loi qui va contribuer à aggraver la situation déjà explosive dans la région et constitue une menace pour la paix mondiale. Il faut mettre fin à l’impunité d’Israël et prendre des actes forts pour préserver une possibilité de paix juste et durable. Il faut faire appliquer la Convention internationale sur l’élimination et la répression des crimes d’apartheid. Le MRAP exige le respect des droits nationaux du peuple palestinien et la reconnaissance de l’Etat de Palestine dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale, la fin du blocus de Gaza, l’arrêt de la colonisation et le démantèlement des colonies dans les territoires occupés, le droit au retour des réfugiés, l’arrêt de l’usage de la détention administrative et la libération des prisonniers politiques palestiniens.

Face à ce nouveau coup porté aux Palestiniens et au droit international, les protestations et indignations verbales ne suffisent pas.

Le MRAP exige que le gouvernement français et l’Union européenne prennent des sanctions telles que l’embargo sur les ventes d’armes, la suspension de l’accord de coopération entre l’Union européenne et Israël. Il appelle au renforcement de la mobilisation citoyenne contre cette loi d’apartheid, notamment par le soutien à la campagne internationale BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions). Dans ce contexte, il serait impensable que le concours de l’Eurovision se déroule comme prévu en Israël. C’est pourquoi le MRAP se joint à la campagne « Pas d’Eurovision au pays de l’apartheid » initiée par le Collectif National pour une Paix Juste et Durable entre Palestiniens et Israéliens pour exiger que l’Eurovision 2019 choisisse un autre pays, à défaut de quoi la France ne devrait pas présenter le candidat.

Paris le 6 octobre 2018