Accueil > Antisexisme - Féminisme > Les courants féministes. > Intersectionnalité : des critiques variables

Intersectionnalité : des critiques variables

mardi 8 octobre 2019, par Amitié entre les peuples

Intersectionnalité : des critiques variables

Bien choisir ses luttes !

L’intersectionnalité fait le lien entre plusieurs oppressions et dominations refusées. Trois sont fréquemment citées : l’antiracisme, l’antisexisme, l’anticlassisme (contre la domination de classe) . Mais on trouve aussi fréquemment l’anti-impérialisme, l’anti-colonialisme. L’écoféminisme ajoute le souci de la nature contre sa surexploitation ou destruction. La question de l’homophobie est aussi posée .

L’intersectionnalité n’est pas que la convergence pratique des militant.e.s prenant en charge plusieurs combats, menant sur plusieurs fronts des luttes antiracistes, antisexistes et anti-classistes. Et d’autres le cas échéant ! Ces personnes-là - des antiracistes du MRAP, des militantes d’ATTAC ou du CADTM, des syndicalistes, etc - forment en quelque sorte le cercle élargi et extérieur de l’intersectionnel. Mais ce n’est pas de l’intersectionnalité au sens propre du terme ! Car le cercle étroit et proprement intersectionnel ne concerne que la situation de personnes subissant réellement et simultanément plusieurs formes de stratification, domination ou de discrimination dans une société. Le cercle est beaucoup plus restreint.

Ce n’est pas le seul problème car de plus il peut y avoir des positionnements différents. Intersectionnel ne signifie pas homogénéité.

Le problème est qu’il peut fort bien y avoir des femmes noires ou arabes du peuple-classe a soutenir des positions différentes, voire opposées 1) sur la « laïcité à la française » (pour ou contre la loi de mars 2004 qui interdit les signes religieux ostensibles de religion à l’école) ou 2) sur le travaillisme (pour ou contre une nouvelle loi de RTT à 32 ou 30 heures hebdomadaire sans perte de salaire ) ou 3) par rapport aux intégrismes religieux, celui musulman sexyphobe qui impose le voile et la jupe longue pouvant être plus ou moins toléré, celui sexoséparatiste (femmes à la maison) nettement plus contesté. Il y a des choix ou des désaccords !

Il y a un autre enjeu : le soutien au peuple palestinien - qui est dominant - va-t-il s’accommoder ou non d’un antisémitisme ? On va, pour certaines intersectionnelles, refuser le racisme anti-arabe et anti-musulman mais se faire plus silencieux sur celui qui frappe les juifs. Un antiracisme universaliste, non campiste, pourra s’opposer à toutes les formes de racisme tout en soutenant le peuple palestinien.

Il peut donc y avoir plusieurs biais : l’interclassisme issu d’un communautarisme ethno-racial laisse de côté la domination de classe des siens ou l’effacement de la lutte antisexiste issu d’une même priorité communautaire. Et d’autre dérives : lire ce jour en 1

L’autre aspect de l’intersectionnel, pas toujours mis en avant car c’est un second niveau, plus offensif, susceptible de freiner les solidarités, consiste à raisonner en « blanc-non blanc » et à porter l’analyse critique du côté des dominants soit l’évocation du privilège du blanc et, pour être complet, du mâle blanc, hétérosexuel et riche. On pointe alors la blanchité comme privilège avec d’autres dominations : hétérosexisme et richesse du 1%. Il s’agit de montrer - pour le contester - l’envers de la domination multiple subie qui est d’être à la fois non-blanche (noire), femme, voire lesbienne, et de condition modeste dans une société où prévaut l’hégémonie blanche, l’hétéronormativité ou l’hétérosexisme et un capitalisme dur ou l’Etat social se décompose.

Au delà de la perception de groupes dominés et d’un groupe dominant, ce qu’il importe d’éviter, là comme ailleurs, c’est l’essentialisme et donc de prêter des comportements ou des attitudes à un groupe humain dominant (des défauts) ou dominé (des qualités).

Christian Delarue

Dérives d’un certain féminisme intersectionnel lire :

« Ce féminisme d’un nouveau type , sous couvert d’examiner le »croisement des rapports de domi­na­tion sans les hiérarchiser« , consiste le plus souvent à instaurer un relativisme culturel aux conséquences néfastes. Car nier l’existence d’une conception universelle des droits de la femme, et considérer que chaque individu peut définir sa propre vision de l’émancipation, revient fréquemment à adouber des pratiques religieuses ou culturelles sexistes. En enfermant, au passage, chaque femme dans une »communauté« réelle ou supposée. L’antenne du Planning familial des Bouches-du-Rhône en avait donné une frappante illustration en septembre 2018, en partageant un visuel assimilant le port du voile à de la »modestie" (reprenant ainsi le vocabulaire islamiste) puis en refusant de condamner explicitement l’excision.

Laïcité au Planning familial : Marlène Schiappa demande des explications
https://www.marianne.net/politique/laicite-au-planning-familial-marlene-schiappa-demande-des-explications-