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« Intégrisme marxiste » ? Individu, humanité et peuple-classe ou humanité-classe.

lundi 8 juin 2015, par Amitié entre les peuples

« Intégrisme marxiste » ? Individu, humanité et peuple-classe ou humanité-classe.

Le terme intégriste n’a pas attendu le XXI ème siècle pour sortir de l’analyse d’un courant doctrinal catholique, ni même pour aller plus loin que son extension à toutes les religions. On a parlé d’intégriste marxiste avant d’intégriste laïciste (celui qui veut une société civile totalement neutre en plus de l’Etat).

Lire ici Jules Girardi (1) que nous allons commenter.

Jules Girardi a fait jadis (en 1966) de l’acceptation ou non du dialogue le critère de distinction entre intégrisme ou non que ce soit pour le marxisme ou le christianisme. Derrière le refus du dialogue, il lit non pas refus d’une certaine complaisance aux positions des dominants ou une simple difficulté dans le dialogue véritable (quel dialogue entre un scientifique de l’évolution et un créationniste ?) mais une forme d’intolérance. Cette intolérance est ici soit religieuse catholique, soit marxiste (celui de l’époque). Chacun voit comme il veut ici.

 LES AUTRES CRITERES DE DISTINCTION.

Mais, au-delà de ce critère du dialogue - on dirait aujourd’hui négociation - l’auteur signale que l’attitude intégriste ne tient pas seulement à de la doctrine - un monolithisme y est pointé dans les deux cas - mais aussi et surtout à une référence forte à un groupe ou une communauté, celle qui incarne cette doctrine. Il s’agira du peuple élu pour l’un et de la classe ouvrière pour l’autre.

Mais ajoute-t-il, quid alors de la prise en compte de l’individu d’une part et de l’humanité d’autre part. Pour l’auteur, l’individu est un être ayant valeur relativement autonome qui doit être considéré comme tel et protégé par des droits. L’humanisme est donc le second critère qui départage l’ intégrisme ou le non intégrisme du discours et des pratiques. Et, pour reprendre la fin de « Introduction critique au droit » de Jacques Caillosse, « les droits de l’homme c’est encore ce qui protège du pire » et notamment des intégrismes soit religieux (pas que catholique) soit laique (stalinien ou fasciste ou religieux totalitaire).
Encore faut-il qu’il s’agisse plus des droit de l’être humain (homme et femme) que des droits de la chose !

 GROUPE, CLASSE, HUMANITE.

L’auteur évoque aussi le souci « intégriste » de « faire valoir les intérêts d’un groupe sur ceux de l’humanité ». Il n’apprécie pas que « la solidarité de classe remplace l’amour universel » chez le marxiste orthodoxe. Rappelons ici un fait passé qui perdure même si le droit a évolué : « La bourgeoisie voit bien son ennemie dans l’association par laquelle les travailleurs font valoir droit le plus concret en déclarant »toute coalition des travailleurs comme un attentat à la liberté et à la déclaration des Droits de l’homme" (et de la femme doit-on ajouter). Bernard Bourgeois in Droit et liberté selon Marx PUF 1986

Son marxisme dit « personnaliste » se cache derrière des abstractions comme amour universel qui masquent les rapports sociaux et les dominations. Le marxiste dit intégriste ne lâche pas la question complexe des dominations mais il n’ignore pas pour autant « l’amour universel », notamment celui qui s’étend au-delà des frontières nationales mais c’est vrai qu’il s’agit surtout, sauf campisme, de l’amour entre les prolétaires qu’il pense, de l’amour entre les peuples-classe 99%. Il y a besoin de cet internationalisme pour affronter la Caste mondiale du 1% dans la perspective d’une humanité réconciliée, ayant drastiquement amoindrie des dominations classistes, sexistes et racistes.

En fait, tout dépend de ce qui est conçu comme intérêt de l’humanité. Quels sont les enjeux ? La réponse peut être de type « marxiste intégriste » ou non. Qui défend l’individu ou l’humanité ? Le 1% d’en-haut ou le peuple-classe 99% ? La question se pose à tout moment. En face le 1% ne lâche rien sauf en période de crise de légitimité ou l’espace de la révolution est ouverte pour le peuple-classe et sa démocratie.

 FORCE ALTERMONDIALISTE AU TEMPS DU NEOLIBERALISME : Peuple-classe et humanité-classe

Puisque je développe depuis plusieurs années maintenant le concept altermondialiste de peuple-classe et d’humanité-classe, je tiens à faire remarquer qu’il ne s’agit pas pour moi d’oublier l’individu et ses droits ni même l’humanité et l’idée de bien commun. Simplement, la force politique réellement agissante qui doit permettre d’accéder à un réel respect des individus, tous et toutes et pas que les plus puissants, c’est celle du peuple-classe dans sa diversité et ses propres contradictions ou de l’humanité-classe elle-même diverse. Idem pour l’humanité, c’est de l’humanité-classe qui possiblement doit agir pour changer le monde . Je ne fais ici que reformuler un positionnement marxiste qui voyait dans le prolétariat la force sociale en capacité de réaliser le bien-être de tous et toutes, des individus comme de l’humanité.

Un des vecteurs de cette prise en compte réside dans le souci de la liberté des femmes et de l’égalité hommes-femmes. Certes il faut défendre les femmes du peule-classe mais une femme violée ou harcelée membre du 1% d’en-haut sera aussi défendue. Sans doute, concrètement, les modalités seront différentes car une va disposer de toutes les ressources nécessaires alors qu’une femme violée pauvre sera sans capacité de riposte.

La lutte antiraciste est aussi un moyen de défendre tout à la fois l’individu de toute couleur, de toute origine, de toute ethnie dans la diversité de l’humanité. Mais les membres racisés du peuple-classe ont plus besoin de l’antiracisme que celui du 1% d’en-haut. Mais la lutte antiraciste est universaliste. Elle s’adresse à toutes et tous, femmes et hommes sans considération de classe sociale d’appartenance.

A suivre Philippe Corcuff, l’altermondialisme se propose, pour s’émanciper, se libérer des dominations diverses, de peser sur 4 grosses contradictions : 1) La contradiction capital/travail, 2) La contradiction capital/nature, 3) La contradiction capital/individualité (prise en compte de cette dimension donc), 4) La contradiction capital/démocratie ou celle 1% - 99% soit les « sans pouvoirs » de Patrick Braibant in La démocratie comme agir et comme situation - http://amitie-entre-les-peuples.org/La-democratie-comme-agir-et-comme

Christian DELARUE

1) Marxisme et intégrisme de Jules Girardi 1966

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1966_num_64_82_5350