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Ici et là-bas à Gaza.

vendredi 16 janvier 2009, par Amitié entre les peuples

Ici et là-bas à Gaza

Les médias français, reprenant la version officielle du gouvernement israélien, affirment que le Hamas a unilatéralement rompu la trève de 6 mois qu’il avait négociée au Caire avec Israël en août 2008. Bernard Guetta a répété ce matin sur France inter que le Hamas refuse de reconnaître tout état d’Israël, puisqu’il réclame un état palestinien sur la totalité du territoire de la Palestine mandataire (soit la partie du territoire accordé par l’ONU à Israël en 1948, plus les territoires conquis par la guerre en 1948-49 et 1967, moins le Golan syrien conquis par Israël en 1967).

L’article d’Alain Gresh ci-joint rappelle les faits (que tous les journalistes devraient connaître s’ils ne se contentaient pas de répéter le point de vue israélien) :

* la trêve n’a pas été respectée dans son intégralité par Israël,
puisqu’il n’a pas levé son blocus sur Gaza (illégal du point de
vue des conventions internationales de la guerre, Gaza est
encerclé par Israël et n’a aucune frontière indépendante avec un
autre état souverain, la frontière avec l’Egypte étant sous
contrôle israélien).

* Le Hamas a déclaré officiellement être prêt à reconnaître Israël
dans ses frontières d’avant la guerre de 1967 (les frontières
accordées par l’ONU en 1948 + les territoires conquis en 1948/49
et inclus dans l’armistice de 1949) si Israël faisait de même,
donc acceptait de limiter ses frontières à celles de 1949, ce qui
signifie :

1. retirer toutes les colonies israéliennes implantées en Cisjordanie
depuis 1967, y compris celles de Jérusalem-nord, est et sud

2. laisser les peuples s’autodéterminer en dehors de ces frontières,
c’est à dire laisser les Palestiniens souverains dans la totalité
de la Cisjordanie et de Gaza, avec des frontières indépendantes
avec l’Egypte et la Jordanie, et la possibilité de désigner
Jérusalem-est comme leur capitale (avec le contrôle sur la mosquée
du dôme du rocher).

3. Le Hamas a accepté une restriction aux droits palestiniens
reconnus par les résolutions internationales, à savoir de négocier
avec Israël le droit au retour (qui s’appliquait initialement sur
tout le territoire de la Palestine mandataire, chaque Palestinien
ayant le droit de retourner dans son ancien lieu d’habitation, y
compris dans l’Israël actuel). Cela signifie, de fait, renoncer au
retour en Israël et restreindre le retour au territoire de l’Etat
palestinien.

4. restituer le Golan à la Syrie.

Le fait de rétablir ces faits ne signifie pas approuver la politique du Hamas, que l’on peut légitimement critiquer, sans pour autant cautionner la politique israélienne. Le rappel des faits permet de mieux comprendre les véritables motivations de la politique israélienne.

1. imposer une situation de fait avant la prise de pouvoir effective
par Obama aux Etats-unis

2. imposer un nouveau rapport de force aux Palestiniens avant le
début des négociations qui seront imposées par les Etats-Unis et
l’Europe. Au lieu de négocier sur l’Etat palestinien, ou sur la
fin du blocus de Gaza, on négociera l’arrêt de l’intervention
israélienne ou une trève et les conditions supplémentaires
imposées aux Palestiniens pour un cessez-le feu.

Malgré leurs déclarations de principe, les gouvernements européens cautionnent cette attaque, car les israéliens les ont convaincus depuis 2002 que le Hamas était une organisation terroriste qu’il fallait éliminer militairement comme el Qaida ou les Talibans en Afghanistan. En effet, alors que le Parlement européen venait de voter une demande de suspension des accords de partenariat avec Israël en mai 2002 pour obtenir l’arrêt de l’intervention armée en Cisjordanie commencée le 29 mars 2002, le gouvernement israélien a obtenu que le même parlement européen inscrive en mai 2002 le Hamas sur la liste des organisations terroristes.

En 2005, lorsque le Hamas a été élu majoritairement, l’Union européenne a suspendu son financement à l’autorité palestinienne, c’est à dire les salaires de tous les fonctionnaires Palestiniens, soit 30% des ressources de la population. En finançant l’autorité palestinienne depuis les accords d’Oslo, l’Union européenne se substitue à la puissance occupante (Israël) que les conventions internationales obligent à subvenir aux besoins matériels des populations occupées. Depuis le retrait de Gaza par Sharon ; ce sont également les européens qui “gardent” le frontière de Gaza avec l’Egypte (côté israélien) en exécutant les consignes israéliennes. De ce fait, depuis 2005, l’Union européenne participe au blocus de Gaza, qui est un crime de guerre, du point de vue des conventions internationales.

Tout en affirmant son opposition politique à la politique du Hamas vis à vis des Palestiniens (le coup d’état et la prise du pouvoir par la force à Gaza, les discriminations vis à vis des Palestiniens qui ne sont pas membres du Hamas dans l’attribution des aides et des secours, la terreur politique et l’élimination physique de ses adversaires, l’absence d’état de droit et le clientélisme absolu), on ne peut accepter qu’on traite à égalité Hamas, un mouvement politique issu d’une population martyrisée, occupée, réprimée et privée de droit à l’autodétermination depuis 60 ans, et Israëlو un état souverain partenaire de l’Union européenne, qui dispose d’une des plus puissantes armées du monde, d’une puissance disproportionnée vis à vis de celles des états voisins, et vis à vis des moyens militaires du Hamas.

Outre les 4000 Palestiniens tués par l’armée israélienne depuis l’invasion de la Cisjordanie en 2002, les bientôt 1000 Palestiniens tués depuis le 28 décembre à Gaza, les dizaines de milliers de blessés des deux attaques armées, les 12.000 prisonniers politiques palestiniens dans les prisons israéliennes victimes de tortures et de mauvais traitements, ce sont 3 millions de Palestiniens confinés dans leurs villes et villages en Cisjordanie et 1,5 million de Palestiniens confinés à Gaza qui subissent depuis 2000 l’occupation militaire, ses privations et humiliations. Aucun Palestinien, homme, femme, enfant, ne peut se rendre à son travail, à l’école, se faire soigner, assister au mariage ou à l’enterrement d’un parent sans passer des heures d’attente et d’humiliation aux check-points israéliens qui quadrillent la Cisjordanie.

Les experts de l’ONU, de la Croix rouge internationale, de Médecins sans frontières, Médecins du Monde, le confirment tous : la situation alimentaire et sanitaire à Gaza était catastrophique avant l’élection du Hamas, elle n’a cessé d’empirer depuis le blocus israélien et européen (suspension des subventions à l’Autorité palestinienne à Gaza).

L’attitude hypocrite des gouvernements européens se remarque mieux au regard des principes aujourd’hui bafoués qui sont pourtant ceux au nom desquels ils prétendent “imposer la démocratie” aux Palestiniens.

Au lieu “d’imposer les droits de l’homme” aux Israéliens, l’Union européenne contribue au blocus en “monitorant” la frontière avec l’Egypte sous instructions israéliennes, en suspendant ses financements à l’autorité palestinienne et en imposant aux Palestiniens de cesser “leurs violences” avant d’exiger d’Israël qu’il ne cesse “les siennes” et de reconnaître l’Etat d’Israël (sans frontières précises) avant que ce dernier ne reconnaisse l’Etat palestinien (CF l’article du Figaro sur la position du Quartet, dont l’Europe, malgré l’accord de trêve signé entre fractions palestiniennes et la reconnaissance du Hamas du droit d’Israël dans les frontières d’avant 1967).

En qualifiant le Hamas d’organisation “terroriste”, les gouvernements européens et les députés qui ont voté cette résolution cautionnent l’utilisation de la force militaire israélienne contre les populations qui ont élu le Hamas. Contraindre les Palestiniens par la guerre (de l’armée israélienne) ou en les affamant (la suspension des salaires) à ne plus élire le Hamas (qui n’est certes pas une organisation démocratique), c’est comme convaincre les Afghans à ne plus soutenir les Talibans par la guerre, ou convaincre les Irakiens à se débarrasser de Saddam Hussein en détruisant et en occupant leur pays.

Cette conception coloniale de l’interventionnisme doit être bannie de nos répertoires politiques. Nous ne devons plus autoriser nos politiques et journalistes à “comprendre” qu’on puisse attaquer militairement ou affamer un peuple par un blocus “dans son intérêt”.

Nous devons fermement défendre les mêmes droits fondamentaux pour tous, et refuser tout “politiquement correct” (ou “real politic”) qui consiste à affirmer qu’un mal doit être toléré pour éviter un mal plus grand. C’est au nom de la défense d’une pseudo-démocratie israélienne, et d’une pseudo laïcité (du seul état au Moyen-orient où le droit d’acheter un terrain, d’y construire son logement ou de louer un appartement est limitée aux citoyens de religion juive et refusé aux Palestiniens autochtones) que nos gouvernements et politiciens défendent le droit d’Israël de ”se défendre” ... des roquettes lancées de Gaza.
Aussi injustes (pour les civils israéliens), inefficaces et contre-productifs (pour obliger Israël à négocier), que soient ces tirs de roquettes, justifient-ils que les gouvernements européens soutiennent depuis 2000 les crimes de guerre successifs du gouvernement israélien en Cisjordanie et à Gaza ?

Les citoyens et les organisations de solidarité doivent  :

* De façon générale,

 Prendre position contre les gouvernements européens et d’une partie de la classe politique européenne, qui justifient des interventions militaires au nom de principes démocratiques ou humanitaires . C’est urgent.
 Réaffirmer que c’est aux peuples de décider de leurs destins et des moyens de se gouverner. C’est essentiel.
 Rappeler que le droit d’ingérence et de solidarité, à savoir demander ou cautionner des sanctions vis à vis de tel ou tel régime, État, gouvernement, pour l’obliger à cesser des infractions aux droits humains, politiques ou sociaux doit être équivalant pour tous les pays, régimes, États, et proportionnel aux infractions reprochées.

* Dans le cas d’Israël et des Palestiniens,

 Réclamer à l’Union européenne des sanctions contre Israël pour l’obliger à cesser son agression militaire en cours sur Gaza, et lever le blocus militaire de Gaza.
 Réclamer la levée des sanctions européennes vis à vis de l’Autorité palestinienne à Gaza et le retrait du Hamas de la liste des organisations “terroristes”. C’est une aberration politique de qualifier de “terroriste” un parti élu majoritairement par une population de 4 millions de personnes. Ou alors, il faut qualifier aussi de “terroriste” et appliquer le même traitement à tous les gouvernements qui pratiquent ou cautionnent des assassinats de civils dans des opérations militaires...
 Montrer que les “terroristes” ce sont d’abord le gouvernement israélien.

En effet, l’armée israélienne a bombardé les bateaux qui ont tenté d’apporter des vivres à Gaza. Elle interdit à l’Egypte d’approvisionner Gaza. Tout ce que les habitants de Gaza consomment depuis la mise en place du blocus israélien passe par les tunnels construits clandestinement sous la frontière entre Gaza et l’Egypte. Israël qualifie ces tunnels “d’acte de guerre” sans reconnaître que son occupation et son blocus de Gaza est non seulement un acte de guerre, mais un crime de guerre, du point de vue des conventions internationales qui ne reconnaissent pas à la puissance occupante le droit d’affamer la population occupée. C’est pourtant ce que font de concert depuis un an le gouvernement israélien et l’Union européenne.

En poussant le raisonnement, nous devrions également réclamer des gouvernements européens des sanctions contre Israël jusqu’à ce qu’il cesse l’occupation militaire de la Cisjordanie et pour l’obliger à appliquer les résolutions des Nations unies et à négocier avec les Palestiniens, non pas sur l’Etat palestinien, qui est un droit inaliénable et non négociable dans les frontières internationalement reconnues (les territoires qui n’ont pas été attribués à Israël par l’ONU), mais sur les réparations qu’Israël devrait aux Palestiniens qu’il a expulsés et dépossédés depuis 1947.

Comme on le voit, la distance entre le droit international et les faits accomplis est grande. Toutefois, si nous ne nous ne basons pas nos positions et nos actions sur le respect des mêmes droits fondamentaux pour tous, sur quelles autres principes pouvons nous nous reposer ?

EC