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II - Egalité et laïcité face aux grands héritages idéologiques français et aux revendications communautaristes

mardi 16 mars 2010, par Amitié entre les peuples

II - EGALITE ET LAICITE FACE AUX GRANDS HERITAGES IDEOLOGIQUES FRANCAIS ET AUX REVENDICATIONS COMMUNAUTARISTES MUSULMANES

Extrait d’une conférence de Christian DELARUE (*) sur invitation de l’UNEF Rennes.

UNEF -MRAP : Faculté de droit Rennes

Il s’agit là de quelques pistes succinctes pour le débat. Chaque point mériterait de plus amples développements.

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Un premier développement concernera l’égalité et un second la laïcité . Ces deux principes constitutionnels seront rapportés aux deux triptyques qui clivent la nation française. Il n’est pas anodin de noter que l’ égalité figure dans un triptyque pas dans l’autre. D’un côté Liberté, Égalité, Fraternité, de l’autre Travail, Famille, Patrie. Le premier triptyque a été complété par la laïcité, pour devenir en quelque sorte le « carré républicain » alors que le second le refuse du moins à l’origine. Les choses ont évolué sur ce plan.

Section I – L’ EGALITE FACE AUX AUTRES « VALEURS » D’UN HERITAGE NATIONAL.

L’égalité est l’un des principes républicain au côté de la liberté et de la fraternité. C’est le fameux triptyque républicain qui s’oppose au travail, famille patrie des courants conservateurs et réactionnaires. Ce triptyque est profondément inégalitaire. Il faut donc choisir son héritage en France. Mais ce n’est pas tout.

Que la République ait un « bon triptyque », supérieur à celui de la France pétainiste ne signifie pas qu’elle en ait fait bon usage partout. L’histoire nous apprend que la France républicaine a été impériale et qu’elle s’est accommodée en pratique comme en droit de divers régimes coloniaux particulièrement durs et racistes dont le profil est plus proche de l’héritage conservateur fondé sur les hiérarchies naturelles, la domination, le racisme, le sexisme. Ce passif n’est pas épuisé dans l’Outre-mer et cela n’est pas sans répercussion sur la métropole. Il ne suffit donc pas de poser des valeurs, il importe de les appliquer.

A) Liberté, Egalité, Fraternité ou le triptyque républicain.

1 ) L’Egalité rapportée aux deux autres principes républicains.

 Egalité et liberté.

Liberté ne va pas sans loi. La loi protège le faible contre le fort. La liberté du renard dans le poulailler n’est pas une liberté mais un pouvoir, une domination. Le premier libéralisme à la différence du néolibéralisme contemporain n’accordait pas tout à la liberté marchande. Le néolibéralisme a lui pour particularité, outre d’étendre la sphère marchande, d’imposer des critères de type marchand là ou la privatisation et la marchandisation n’est pas possible. Cela fausse l’activité des services publics.

La liberté d’accès aux services tout comme l’égalité à ce niveau ne s’oppose pas à la fréquentation des piscines en horaires séparé pas plus qu’à l’accès à une alimentation spécifique.

 Egalité et fraternité

* Emancipation fait le lien entre égalité et fraternité
 :

La théologie de la libération fera la proposition de la fraternité d’émancipation pour élever les conditions de travail et de vie des prolétaires. La Fraternité de mère Thérésa : fraternité conservatrice : elle descend vivre en-bas avec les pauvres sans initier de luttes collectives d’émancipation. Pauvre est différent de prolétaire. Ce terme a deux sens : vente de la force de travail(sens marxiste) , celui qui épuise son salaire dans le mois (pas pauvre, pas aisé non plus, encore moins riche)

* Fraternité sans sexisme
 :

Elle se nomme adelphité en mode universel (comme on remplace Homme par humain).
Liberté pour les femmes à l’égal des hommes. Les femmes ont l’autorité parentale à l’égale des hommes ainsi que des pouvoirs de gestion à égalité. Pas de discrimination sexiste.

L’égalité sans sexisme s’oppose au sexo-séparatisme. Donc pas de sexo-séparatisme en piscine ! Cependant, il existe un peu partout par exemple des wc (publics ou privés-publics) séparés selon le genre. On pourrait considérer que c’est là considérer le sexe masculin comme trop gênant et y voir du sexisme contraire à l’égalité hommes-femmes et à l’adelphité, à la fraternité homme-femme..

* Fraternité sans racisme

Solidarité et égalité incitent à poser l’absence de discrimination raciste à l’embauche, dans les salaires, dans l’accès au logement et aux prestations diverses.

Mais aussi dans l’accès aux piscines ou à l’alimentation spécifique.

2) L’Egalité rapportée à des notions proches.

* Egalité ou diversité :

La diversité n’est pas un principe juridique constitutionnel. Pour accéder à la juridicité il lui faut plus de précision. La diversité peut être le paravent d’acceptation euphémisée des « races » . Ce serait un racisme interdit. De quelle diversité parle-t-on ?

Par ailleurs, l’égalité n’est pas contradictoire avec la diversité lorsque l’on combat réellement les discriminations racistes. Loin de la promotion d’une diversité de façade qui s’accommode des inégalités il importe pour aller vers l’égalité politique et sociale de combattre les discriminations racistes comme celles sexistes ou homophobes.

Une question : peux-t-on vouloir la promotion de la diversité ethnique dans un espace et le sexo-séparatisme dans un autre ?

* Egalité ou l’équité.

Le rapport présenté en 1994 au Premier ministre par Alain Minc - l’auteur de « La machine égalitaire » (1987) - sous le titre « La France de l’an 2000 » introduit la notion d’équité en France. Cette notion est devenu une force partagée par les libéraux (de droite) et les sociaux-libéraux . Elle a aidé à casser l’Etat social d’après guerre, à promouvoir des réformes génératrices de plus d’inégalités.

* Egalité des chances :

Il s’agit de réduire le poids des différences d’héritage sans discrimination positive mais en permettant quand même aux personnes défavorisées d’avoir les moyens d’accéder à l’emploi et à d’autres conditions de vie comme le logement. Ainsi des cours spécifiques seront donnés aux élèves socialement défavorisés pour qu’ils puissent passer les concours à égalité de conditions avec les autres candidats. A ce propos, il importe de repérer deux cadres d’expression de la compétence : d’une part la méritocratie républicaine fondé sur le diplôme national et la qualification et d’autre part la méritocratie arbitraire fondé sur la compétence et le mérite apprécié en local et dans l’opacité.

* Egalité des conditions.

* Elle vise à réduire les écarts de revenus. 1 à 5, 1 à 10, 1 à 40 ? La dernière proposition lue dans Mariane semble contraire à l’objectif de cohésion sociale puisqu’elle entérine ce qu’elle veut précisément combattre à savoir la montée en flèche des revenus indécents.
* Elle vise aussi a constituer un « vivre ensemble » différent d’un discours actuel sur la « cohésion social » qui se préoccupe surtout de jouer les infirmiers d’un monde libéré des règles du jeux.
* Elle plaide pour la diffusion de services publics bien implantés sur le territoire et bien en capacité à donner accès aux droits concernant les besoins fondamentaux : la santé, l’éducation, le logement, les communication, le transport

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B) Ni égalité, ni laïcité dans le triptyque de la France pétainiste

Le triptyque de la France pétainiste s’appuie sur la tradition chrétienne, les hiérarchies dites naturelles qui entérinent le racisme et le sexisme.

Les identités englobantes.- comme l’entreprise, la famille ou la patrie - voilent aisément la conflictualité et les rapports de domination des trois grandes figures que sont le patron, du père, le nous national.

1) Critique du Travail ou travaillisme

Elle se comprends à deux niveaux

1 - comme refus du travail salarié : il s’agit là de refuser le rapport social de travail son caractère subordonné. Ce qui donne lieu soit au travail indépendant soit à l’engagement politique dans une organisation qui refuse le Travail.

2 - comme critique plus limitée qui accepte le travail subordonné mais qui critique le travail intense, qui critique le rallongement du temps de travail, qui plaide pour une RTT et plus de droits et garanties. Dans cette acception, critiquer le travaillisme n’implique pas le ne rien faire. L’idée reste que nul sauf les jeunes, les handicapés et les vieux n’est exempt de participation à la production de l’existence sociale. Ce la suppose de partager le travail. Notamment d’attribuer des postes aux emplois peu qualifiés.

2) Critique de la famille traditionnelle ou le famillialisme.

 Critique ancienne : La famille au sens traditionnel et chrétien interdit le divorce. Vous n’aimez plus votre conjoint pire il vous frappe vous devez rester à ses côtés le reste de votre vie.

Elle place la femme au foyer mais sans prérogative . Elle est subordonnée au mari. Il a fallu attendre les années 1970 pour sortir de cette vision de la famille qui donnait plus de droits à l’homme qu’à la femme.

 Critique actuelle : Famille est toujours le lieu de violence des hommes contre les femmes. Contre le « sens commun » il faut dire que les femmes subissent moins de violence dans la rue que chez elles. 48000 femmes chaque année subissent cette violence.

3) Critique de la patrie identitaire ou xénophobie.

On distingue la patrie identitaire dite ethnos de la patrie d’émancipation dite démos.

La patrie identitaire est celle refermée sur un « elle-même » mythique. Elle recherche dans le passé ce qui constitue son ethnos, son héritage ancestral. Elle distingue la sphère de l’Etat et la société civile pour ancrer la société civile dans l’histoire antérieure à la République, aux droits de l’homme et du citoyen de 1789. La trame contemporaine à intégrer la laïcité pour défendre une figure catho-laïque nationale et française contre l’immigration musulmane. .

La patrie demos met l’accent sur la citoyenneté et le social . Les notions de social et de citoyenneté peuvent déborder le cadre national. La démocratie ne s’exerce pas qu’au plan national. Elle intervient aussi au plan continental. Elle devrait pouvoir avoir son mot à dire face à la gouvernance mondiale. Le social met l’accent sur les appartenances plus que sur les identités.

Identité ou appartenance : L’identité est individuelle, souple et non définie par l’Etat. Mais bien souvent elle est présentée comme lourde, rigide, fixe. On ne changerait pas de culture aisément . Il y aurait comme un fatum Par contre les appartenances sont plus souples. Elles peuvent être multiples et s’empiler avec plus ou moins de cohérence. Elles peuvent permettre d’appartenir aussi au monde, aux peuples-classe du monde. C’est elle qui vous fait participer à l’activité d’un syndicat, d’une association, d’une activité dans les quartiers. Le demos possède donc une dynamique de solidarité et d’ouverture au monde.

Section II – LA LAICITE ET LE COMMUNAUTARISME

Il importe de décrire la laïcité historique et celle constitutionnalisée avant d’opérer une confrontation avec les revendications communautaristes.

1) Laïcité séparation de 1905

Le texte fondateur de la laïcité en France est la loi du 9 décembre 1905.

« La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes, sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. » (art. 1er).

« La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucune culte (...) [sauf pour] les dépenses relatives à des exercices d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons (...) » (art 2).

Signification :

L’article 1 n’a rien à voir avec la laïcité puisqu’il s’agit d’un rappel sur les droits humains de 1789. :

La séparation de l’Eglise et de l’Etat est marquée par le non subventionnement. La laïcité séparation de 1905 est aussi une laïcité neutralité. Ici une neutralité-exclusion. Au sein des administrations la neutralité-impartialité est de rigueur. On y trouve donc point de préceptes religieux ni de signes religieux ni sur les murs, ni sur les poitrines des fonctionnaires et assimilés. Pas même des signes discrets. Les pins autres que religieux sont autorisés.

2) La Laïcité neutralité de la Constitution de 1958.

La laïcité y a été ajouté dans la Constitution de 1958. Elle fait partie du corpus de principes fondateurs de la République. « La France est une République indivisible,laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. » (art. 2).

La laïcité neutralité est le corollaire de la laïcité séparation, mais ici un problème apparaît avec l’existence des département d’Alsace-Moselle - qui sont subventionnés . Leur simple existence laisse entendre que la laïcité neutralité serait quand même différente de la laïcité séparation. En outre, on remarquera que la mosquée de Paris a été construite sur fond public sans être inconstitutionnelle. La laïcité neutralité n’implique donc pas toujours la stricte séparation.

3) La place des religions.

Les religions agissent librement dans la sphère civile. La société civile est plus large que la sphère privée. La loi du 28 mars 1882 sur l’instruction publique obligatoire (loi Jules Ferry)dit ceci : « Les écoles primaires publiques vaqueront un jour par semaine en outre du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner, s’ils le désirent, à leurs enfants l’instruction religieuse en dehors des édifices scolaires. » (art. 2).

Dans la société civile s’applique un régime de tolérance, d’affrontement des libres opinions. Parler de régime de tolérance n’a rien à voir avec la tolérance-concession appréhendée sur un mode individualisé. Le régime de tolérance renvoie ici mot pour mot à une configuration ancienne à savoir le régime d’intolérance de l’ancien régime ou la religion catholique verrouillait les pensées et les expressions.

4) La laïcité d’équilibration

La notion d’quilibration des contraires vient de Proud’hon. Elle signifie intervention pour limiter une emprise qui est emprise des religions ou emprise du racisme. En effet le « régime de tolérance » de la société civile n’est pas un long fleuve tranquille : le blasphème y est permis face à l’affichage religieux ostensible tout aussi permis. Des lois sont venues limiter les affrontements

* Une loi du 15 mars 2004 a posé pour les élèves des collèges et lycée une règle de discrétion qui est l’interdiction des signes religieux ostensibles mais autorisation des signes religieux discrets.

* Plusieurs textes sont venus réprimer l’expression de racisme comme délit. Le racisme n’est plus un délit.

5) Laïcité domaine public ?

A suivre Maurice Barbier ce devoir de réserve des élèves aurait du s’appliquer aussi dans les Universités publiques car il s’agit de la sphère publique, du domaine public scolaire. La rigueur du principe s’applique-t-elle aussi au domaine public routier ou à ce jour les signes religieux peuvent s’exhiber. On peut penser que le principe de la liberté de circulation routière empêche une telle extension.

6) Laïcité et revendications communautaristes.

Cette interprétation de la laïcité qui n’est pas acceptée de tous - proscrit les distinctions religieuses les tenues religieuses - sur le domaine public, donc à priori dans la piscines publiques. Par contre si la laïcité laisse libre les comportements dans la société civile y compris dans le domaine public alors les tenues religieuses ne peuvent pas être interdites . Il ne restent qu’à faire valoir des raisons techniques à l’image des shorts trop grands.

(*) Membre de la direction du MRAP (bureau exécutif et conseil d’administration)