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Hyperpatriarcat : Question textile et contrôle des corps et de la sexualité. C Delarue

samedi 4 mars 2017, par Amitié entre les peuples

Hyperpatriarcat : Question textile et contrôle des corps et de la sexualité.

Le contrôle des corps, de la séduction et de la sexualité, féminine en particulier, devient un enjeu essentiel dans la définition du modèle patriarcal en vigueur, soit le capitalo-patriarcat restreint, (1) . On pourrait dire que l’enjeu est ici d’une certaine normativité sociale qui veut que ce corps soit relativement « présentable » avec un montré-caché relativement normalisé. Mais ce soft-contrôle passe du culturel diffus à l’interdit strict et absolu pour la perspective autoritaire hyperpatriarcale en cours, celle qui entend imposer la domination multiforme à des femmes avec appui de la religion dans sa compréhension fondamentaliste ou intégriste.

 Position en « entre-deux ».

Cette position en « entre-deux » se comprend aisément à l’aide du triptyque freudien « çà - moi - surmoi » dont je fais un usage libre, non orthodoxe, sans m’inscrire dans la doctrine freudienne.

Il y a un espace de libertés à défendre entre deux logiques sociétales opposées, une, du côté du « çà », de type libérale au moins en apparence, qui incite à promouvoir largement le sexe mais en se passant du consentement d’autrui (et ce n’est alors plus du sexe mais de la violence sexiste) et l’autre, du côté du « surmoi » qui tend à poser des interdits multiples et à construire une société répressive voire totalitaire . Un espace de liberté et d’égalité - pour un « moi » libre et égal - est à vivre entre ces deux extrêmes.

Pour le dire autrement, s’agit-il dans un cadre de libertés, de brider juste certaines formes d’expressions corporelles jugées nuisibles notamment chez les très jeunes sous l’effet des publicités sexistes du capitalo-patriarcat ou s’agit-il de réprimer sévèrement - comme elle fait le contre-mouvement intégriste actuel - l’expression corporelle diverse et variée des femmes adultes partout dans la société au point de construire un hyperpatriarcat.

Dans la configuration hyperpatriarcale, le contrôle des jeunes filles puis des femmes est constant et exercé par la société (police stricte des moeurs), mais aussi dans la famille, par le père d’abord (avec la collaboration active de la mère - idée de complémentarité) puis par le mari ensuite avec l’idée de « relai patriarcal » sans vide de contrôle. En ce sens, il ne doit pas y avoir d’espace de liberté entre ces deux sphères l’ancienne famille (du père) et la nouvelle famille (du mari), d’ou les mariages arrangés ou forcés. Il faut passer de l’un à l’autre sans que la jeune femme puisse faire l’expérience de l’autonomie et de la liberté. Cette expérience est en effet une menace pour le patriarcat du fait du refus de la soumission, du fait de l’apprentissage possible du plaisir dans un cadre de consentement réciproque, de type homosexuel (lesbien) ou hétérosexuel.

 La montée des intégrismes religieux et le contrôle.

Une fraction de chaque monothéisme - que l’on dira fondamentaliste ou intégriste selon les approches - et de l’islam en particulier (de nos jours) défend une inégalité foncière entre hommes et femmes, une inégalité typiquement caractéristique du sexisme, face à ce que pourrait avoir de perturbateur le corps féminin .

En ce sens, ce qui peut apparaître comme séduisant ou sexy doit absolument être non toléré, interdit . La solution n’est donc pas ici dans la retenue masculine, dans l’éducation des jeunes garçons à la non violence, (physique et verbale) mais dans le recouvrement textile des femmes, dans la mise sous hypertextile des croyantes et des autres femmes. Grosso modo, les hommes seraient « inéducables », foncièrement mauvais, violents. On se demande alors pourquoi il faudrait accepter de se découvrir chez soi seulement, comme si l’homme choisi - si c’est le cas - ne pouvait plus être violent chez soi .

De plus, le voilage des femmes n’est souvent qu’un élément du sexoséparatisme structurel de l’hyperpatriarcat, ce dernier s’analysant comme un refus des conquêtes féministes des dernières décennies et pour partie un retour aux rapports sociaux oppressifs millénaires contre les femmes, pour partie une construction nouvelle . En effet le voile accompagne la pratique de la réclusion des femmes à la maison. Les femmes doivent s’occuper des enfants et du foyer. Les hommes sont dehors, soit pour travailler, soit dans la rue ou au bar pour ne pas être à la maison.

 Le corps sous trois aspects problématiques.

Revenons au corps sur trois aspects problématiques. On trouve d’abord l’idée générale du corps totalement dénudé (féminin ou masculin) comme corps animal (donc bas, indigne, dévalorisé) puis l’idée du corps féminin cette fois-ci comme séduisant et dangereux, porteur de violence attendue voire méritée pour certains qui justifient ici le viol. Enfin il y a confusion entre l’usage du corps féminin pour vendre (publicité sexiste) et le fait de s’habiller librement y compris en hypotextile.

1 - Humain/animal. Dans cette conception différentielle de l’humain, ce dernier se distinguerait radicalement de l’animal par son sentiment de pudeur. Ce sentiment serait naturel ou divin mais jamais pensé comme un construit social modifiable. La pudeur ne saurait être réfléchie, et donc modulable, adaptable en fonction des rapports sociaux de sexe, et des avancées civilisationnelles vers moins de violences sexistes.

L’idée d’une pudeur pathologique et maladive ne vient pas non plus à l’esprit de ces intégristes religieux, tout comme on peux penser, à bon droit, une impudeur pathologique et maladive chez les hommes qui exhibent leur sexe devant des jeunes filles.

Il faut affirmer contre le dogmatisme que les nudistes ne sont pas des malades ou des pervers. Contre les préjugés qui sévissent encore il faut dire que la nudité chez les nudistes ne fait pas problème en soi. Il peut certes y avoir des problèmes dans ce genre de communauté mixte hypotextile ordinairement pacifique tout comme il peut y en avoir dans les communautés mixtes hypertextiles. La différence est que les nudistes se restent pas nus. Il s’habillent relativement librement, en fonction du contexte évidemment, alors que les femmes sous hypertextile restent ainsi constamment, du matin au soir, chaque jour, tous les jours, de très jeune jusqu’aux derniers âges de la vie.

En effet, pour cet islam-là (qui n’est pas tout l’islam) la pudeur ne se contente pas de cacher le sexe, avec un string par exemple, elle doit être maximale - hypertextile - et cacher tout le corps des femmes, y compris les cheveux, le cou, les bras, les jambes... et évidemment les seins. Il y a une tendance affirmée depuis 40 ans environ à relativiser la vue des seins dans les espaces libérés des dictatures à composante religieuse (Portugal de Salazar, Espagne de Franco, Grèce des colonels, Amérique latine catho-conservatrice jadis) .

2 - Logique mortifère contre la séduction des femmes. Par ailleurs, la chasse, au nom d’une morale extrêmement rigoriste, à la séduction, que ce soit celle par le corps charnel partiellement montré ou celle par des artifices vestimentaires (bijoux, chaussures à talon, décolté, ... différents de ceux de la chirurgie) passe par le recouvrement textile autoritaire et imposé contre les femmes. C’est une action répressive sans fin : il faudrait aussi cacher les yeux, il faudrait aussi brouiller la voix. Bref on en termine jamais avec la répression de ce qui peut être séduisant ou sexy. D’ou la stratégie d’inculcation et de formatage dès l’enfance qui a ses limites à l’âge de l’adolescence.

Cette logique mortifère et répressive ignore que l’on n’est plus guère dans une société qui couvre d’opprobre la séduction et la sexualité librement consentie , car la stigmatisation sociale vise de plus en plus - et c’est heureux mais à conforter - les dominations sexistes dont le viol, la prostitution, le harcèlement de rue, et toutes les violences sexistes qui sont des affirmations virilistes et dominatrices des hommes en lien avec le « patriarcat restreint » (1).

3 - Femme de pub et femme hypotextile réelle. Il convient enfin de critiquer la confusion entretenue par les courants conservateurs et réactionnaires entre la publicité sexiste qui relie le corps des femmes à des objets à vendre (yaourts, automobiles, etc) et le fait de voir des femmes réelles dans la rue s’habiller librement en hypotextile. A la limite, l’insulte (exemple : pétasse) ira plus à la femme réelle trop libre qu’à la publicité sexiste . De même l’intégrisme religieux ira plus facilement s’occuper de la longueur des jupes que d’agir contre la prostitution (2). Cette confusion entre le réel et la publicité est un classique des intégrismes religieux mais pas que d’eux. C’est un amalgame courant de la pensée réactionnaire.

Ici il importe donc de bien s’opposer aux publicités sexistes et à la prostitution tout en laissant bien les femmes libres de s’habiller comme elles veulent, tantôt en hypotextile, tantôt en hypertextile, en fonction du climat (température, soleil) et du « climat social » (exemple : présence inquiétante d’hommes avinés, lubriques et agressifs le soir, en zone peu éclairée).
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Christian DELARUE

1) Le capitalo-patriarcat actuel est restreint car par principe l’homme et la femme y sont devenus libres et égaux, ce qui n’est pas rien, même si les dominations sexistes perdurent. Des siècles de rapports sociaux inégaux ont été bousculés par une série de conquêtes féministes. Ce sont ces conquêtes qui ne sont pas acceptées par les courants réactionnaires soit en mode « çà » débridé soit en mode « surmoi » sévère et autoritaire. Ce mode-là est très investi par les intégrismes religieux.

2) J’ai remarqué ce type d’action répressive jadis à Marseille, à Tunis, à Djibouti dans le quartier même ou une ignoble prostitution paraissait normalisée et que du coup, implicitement, par comparaison, les jeunes-filles et les femmes étaient stigmatisées sous l’opprobre de « pute » dès qu’elles pouvaient leur ressembler physiquement avec des jupes courtes. Comme si c’était l’habit qui faisait la prostitution ! Indigence de la pensée !