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Fonction publique territoriale : vers la fin de l’admissibilité par voie de concours ? . N Agsous

mardi 30 juin 2009, par Amitié entre les peuples

Fonction publique territoriale : vers la fin de l’admissibilité par voie de concours ? par Nadia Agsous

lundi 15 juin 2009
http://www.oulala.net/

« Gorges veut se débarrasser de la fonction publique », annonce le site « La Piquouse de rappel ». « La fin des fonctionnaires territoriaux » ? titre le journal « l’Humanité » dans son édition du jeudi 12 juin 2009. « Remise en cause du principe de l’égale admissibilité et du caractère égalitaire du service public ? » s’interroge Mireille, fonctionnaire territorial depuis plus de 15 années. La réponse à ces questionnements est incontestablement oui notamment si l’on se réfère au projet de loi enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 janvier 2009 qui vise à instituer « la liberté de recrutement par les collectivités territoriales (communes, départements, régions). Quelles sont les lignes principales de ce texte de loi qui s’inscrit dans le cadre des débats sur la réforme de la fonction publique territoriale et qui suscite de vives réactions parmi les fonctionnaires territoriaux et leurs représentants syndicaux notamment Force Ouvrière et la CGT qui vient de lancer une pétition ?

C’est de manière tout à fait inaperçue que Jean-Pierre Gorges, député-maire de la ville de Chartres (Eure -et Loire) et 87 députés de la majorité présidentielle (UMP) parmi eux Georges Tron, en charge de la Fonction Publique ont, le 21 janvier dernier, proposé un texte sous la forme d’un projet de loi qui préconise la contractualisation des emplois publics remettant en cause le caractère public et statutaire de l’emploi dans la fonction publique territoriale (commune, département et région) .

En effet, cette loi propose de transformer la règle en vigueur en exception. Autrement dit, elle prévoit d’en finir avec le statut de fonctionnaires qui garantit un emploi à vie et ce, en recourant au recrutement des agents territoriaux sur la base du contrat de travail de droit commun et ce, à partir de janvier 2010.

Par ailleurs, l’embauche par voie de concours qui est la règle actuelle sera exclusivement réservée à une catégorie de fonctionnaires territoriaux notamment ceux qui assurent des fonctions « régaliennes » « comme les formalités administratives, la gestion des marchés publiques, police... » et bien d’autres missions qui seront fixées par un décret en Conseil d’Etat.

Dans son article 4, ce texte de loi précise qu’ « à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, les personnels concernés peuvent pendant un an opter pour le bénéficie des dispositions nouvelles de la présente loi. A défaut d’un choix express, le statut général de la fonction publique territoriale leur sera appliqué jusqu’à leur départ ».

Pour ces députés, le but de ce projet de loi n’est pas la remise en cause des compétences et du professionnalisme des agents territoriaux qui de leur point de vue « rendent au quotidien des services de qualité avérée ». Il s’agit plutôt « d’adapter et de moderniser un statut que beaucoup considèrent comme inadapté aux exigences actuelles d’une bonne gestion des ressources humaines »

Ainsi, afin de justifier cette nouvelle disposition qui semble s’inscrire dans le cadre du plan de rigueur pour la Fonction Publique annoncé par le gouvernement actuel dont l’objectif affiché est de réduire les dépenses et le nombre de fonctionnaires, les députés mettent en avant trois arguments. La contrainte du système actuel de la fonction publique territoriale et l’absence de souplesse car « les effectifs ne bougent pas, selon que la commune a des projets ou pas ». La complexité du fonctionnement car « si on a besoin temporairement d’un nouveau poste ou d’une nouvelle mission, il faut créer un nouveau poste de fonctionnaire ». Et le coût onéreux.

D’une manière générale, l’objectif de la volonté de ces 87 députés d’appliquer les règles du privé dans la fonction publique territoriale vise à rendre la gestion de l’administration des collectivités territoriales « plus dynamique » et « plus rentable » et pouvoir ainsi introduire de la souplesse dans la gestion des collectivités car « moduler les effectifs en fonction de l’activité réelle permettra une gestion beaucoup plus dynamique des compétences et des personnels des collectivités »

Ce projet de loi a suscité la réaction des représentants syndicaux des employés des administrations territoriales qui défendent le caractère statutaire et réglementaire des fonctionnaires et le principe de l’égale admissibilité en tant que fondement démocratique qui constitue une garantie que le recrutement s’élabore sur la base des compétences et des capacités des candidats.

Ainsi, les représentants de la CGT des services publics affirment que « pour la Fonction publique territoriale, ce serait un grand bond en arrière de plus de 20 ans, tirant un trait sur une séquence historique de développement conjoint et cohérent du service public territorial, des emplois publics et des garanties statutaires ».

D’autre part, ils fustigent la majorité présidentielle en soulignant le fait qu’en période de crise économique et de précarité accrue, la seule réponse du gouvernement actuel est de contribuer davantage à la « fabrique » d’agents territoriaux « jetables ». « Voilà donc la réponse aux luttes de la majorité présidentielle « en période économique difficile », comme ils disent... Rendre les personnes éjectables à tout moment serait donc une réponse à celles et ceux en quête d’emploi ?, déclarent-ils dans un communiqué.

De son côté, le syndicat Force Ouvrière a vivement critiqué cette nouvelle disposition qui de son point de vue vient remettre en cause les trois principes qui fondent la fonction publique. « la dimension de l’indépendance du fonctionnaire à l’égard du pouvoir politique ». « La notion de responsabilité qui veut que tout fonctionnaire doit rendre compte ». Et « Le principe d’égalité qui dispose que l’on accède aux emplois publics sur la base de la capacité des candidats » par le biais du concours. Et pour le représentant des personnels publics et de santé (FO Didier Rosez) « le service public est partie intégrante du pacte républicain et cette proposition de loi ouvrirait la voie au clientélisme, à l’arbitraire et aux pressions politiques »

Pour l’instant, ce projet de loi a été renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Débouchera-t-il sur une loi ? La question se pose dans toute sa splendeur.

Si la perspective de recruter dans la fonction publique par voie contractuelle venait à se concrétiser, cela constituerait une remise en cause en profondeur des principes fondamentaux qui régissent la fonction publique dont l’objectif principal est de privilégier l’intérêt général au détriment de l’intérêt particulier. Le service public serait alors vidé de son sens historique et de sa valeur éthique et humaniste. Et les principes généraux qui ont présidé à la mise en place de la Fonction publique et qui garantissent l’ Egalité, c’est-à-dire l’admission des citoyens à la fonction publique territoriale sur la base de leurs compétences et de leurs capacités, la Continuité et la qualité du service rendu aux usagers et l’Accessibilité à tous et à toutes sans distinction de sexe, de classe et de « race » seraient alors bafoués.