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État d’urgence : danger ! La France qui se revendique des Droits de l’Homme les bafoue ! MRAP

mercredi 2 décembre 2015, par Amitié entre les peuples

Communiqué de presse

État d’urgence : danger !

La France qui se revendique des Droits de l’Homme les bafoue

« Un peuple qui est prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’un ni l’autre, et en général il perd les deux ». Benjamin Franklin.

L’état d’urgence décrété le 14 novembre, prolongé pour 3 mois par le Parlement est inscrit dans une loi du 3 avril 1955, adoptée en pleine guerre d’Algérie, donc dans un contexte de répression coloniale exercée sur un peuple entier. La loi a ensuite été utilisée à l’échelle de la France entière en 1961. L’état d’urgence a été proclamé en Nouvelle Calédonie en 1984. Elle fut encore appliquée du 8 novembre 2005 au début de janvier 2006 dans les banlieues des grands centres urbains.

Cet état d’urgence confère des prérogatives d’exception au pouvoir exécutif et administratif. Certes le décret prévu par la loi de 1955 qui permettait la censure de la presse a été supprimé mais le danger persiste. La loi du 3 avril 1955 permet de décréter un couvre-feu, dans certaines zones délimitées et pour certaines plages horaires. Les pouvoirs publics l’avaient amplement utilisée en 2005.

Les deux principaux volets mis en œuvre actuellement concernent les perquisitions administratives et les interdictions de manifestations et rassemblements.

Les perquisitions de domicile peuvent être menées à toute heure du jour ou de la nuit, sans mandat judiciaire. Elles peuvent s’accompagner d’assignations à résidence. Les pouvoirs publics viennent de faire un ample usage de cette possibilité, surtout en direction – selon leurs intentions déclarées – de certains courants de ce qui est appelé désormais « l’islam radical ».

L’interdiction de rassemblements peut concerner des manifestations en plein air, mais également des réunions ou représentations dans des salles de spectacle. Le gouvernement peut dissoudre des associations jugées dangereuses pour l’ordre public.
Déjà les « bavures » et les dérives sont nombreuses.

À tel point que le mercredi 25 novembre le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a cru devoir inviter les préfets à mener les perquisitions « dans le respect du droit », preuve qu’il n’a pas toujours été respecté.

Suivant le journal « Le Monde » (24 novembre), les cibles des perquisitions vont bien au-delà de la mouvance djihadiste. Dans certains cas, les observateurs et observatrices ont d’ailleurs bien du mal à saisir la raison de certaines perquisitions, leur lien avec une menace terroriste quelconque. C’était le cas de la perquisition musclée d’un restaurant halal à Saint-Ouen-l’Aumône (Val-d’Oise).

Le 27 novembre, la Ligue des Droits de l’Homme a souligné qu’après avoir interdit les manifestations citoyennes autour de la COP21, le ministre de l’Intérieur a assigné à résidence un des responsables de la coalition climat 21, nouvel exemple que l’état d’urgence est un danger pour les libertés publiques et que la lutte contre le terrorisme n’est ici qu’un prétexte pour interdire toute voix dissonante.

Des avocats et avocates impliqués notamment dans la défense des personnes assignées à résidence rapportent le manque de motivation de ces mesures. Ainsi, en région toulousaine les autorités se sont contenté d’un « Vu l’état d’urgence… ».
Les manifestations des 28 et 29 novembre à Paris et en régions ont été interdites au motif qu’elles pourraient constituer des « cibles » et que les forces de l’ordre sont occupées à autre chose que leur protection. Mais en même temps, le gouvernement ne demande ni la fermeture des centres commerciaux, ni celle des complexes cinéma ou des musées, ni l’annulation des marchés de Noël et des manifestations sportives.
Le MRAP dénonce en particulier les 58 signalements effectués par la police au parquet – en vue de poursuites – suite à la manifestation pour les droits des migrants qui s’est tenue, malgré une interdiction, le dimanche 22 novembre. Certaines des 58 personnes ne se trouvaient même pas à Paris au moment de la manifestation. La police semble s’être servi de fichiers préalablement constitués et d’une vidéo journalistique. De même, l’arrestation , Place de la République à Paris, dimanche 29 novembre, de plus d’une centaine de personnes a touché des militants syndicaux, des militants associatifs, des militants écologiques qui exerçaient leur droit à revendiquer pour la justice climatique.
Poursuivre des citoyen-ne-s qui manifestent leur solidarité avec des migrants et des réfugiés est un affront à l’esprit civique. Si ces poursuites devaient aboutir, cela laisserait augurer de sinistres perspectives, d’autant plus que certain-e-s n’hésitent pas à créer un amalgame insupportable entre migrants et terroristes.
Toutes ces dérives sont dramatiquement confirmées par la décision du gouvernement français de renoncer à ses obligations liées à la convention européenne des Droits de l’Homme.

Extrêmement préoccupé par les entorses aux Droits de l’Homme et aux libertés fondamentales, individuelles et collectives le MRAP appelle à la levée de l’état d’urgence et demande que soit garanti le droit de manifester et de s’exprimer publiquement. Il continuera à affirmer haut et fort sa solidarité avec les migrant-e-s et les réfugié-e-s, et toutes les victimes de discriminations.

Dès le 16 novembre, le président François Hollande a annoncé l’élaboration d’un projet qui devrait inscrire l’état d’urgence dans la Constitution, sans limitation de durée. Jusqu’ici, l’état d’urgence était réglé par une loi ordinaire (celle de 1955) et non par la Constitution elle-même, cette dernière ne prévoyant que l’état de siège, situation encore plus grave.

Non content de vouloir s’affranchir de l’état de droit en demandant aux députés de ne pas saisir le Conseil Constitutionnel, le premier ministre M. Valls, considère que « Nous allons vivre longtemps avec cette menace terroriste » (16/11/15). On perçoit aisément le danger qui consiste à créer un dispositif d’exception… qui risque de devenir rapidement la norme, et dont on ne sortira plus.

L’état d’urgence, « gravé dans le marbre » de la Constitution pour une utilisation illimitée pourrait tomber dans des mains d’un gouvernement dont les objectifs liberticides seraient un danger gravissime pour les droits et libertés, un gouvernement qui n’aurait qu’à utiliser les lois et mécanismes mis en place par ce gouvernement pour imposer son idéologie, réprimer toute opposition démocratique. Le risque est réel de voir le Front National participer à un gouvernement avec une partie de la droite. Fin 2012, les journalistes Eric Mandonnet et Ludovic Vigogne ont rapporté qu’entre les deux tours de l’élection présidentielle des conseillers de N. Sarkozy lui avaient suggéré… de proposer le ministère de l’Intérieur à Marine Le Pen. Pour imposer son idéologie et combattre ses adversaires, pour réprimer toute opposition démocratique, le Front National n’aurait qu’à utiliser les lois et la constitution existantes.

Le MRAP appelle tous les citoyens à s’opposer aux dérives actuelles et à en soutenir les victimes, tous les parlementaires à s’opposer fermement à la « constitutionnalisation » de l’état d’urgence.

Le MRAP appelle toutes les organisations démocratiques à s’unir pour exiger le respect des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales individuelles et collectives.

Paris, le 2 décembre 2015
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Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples
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