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Et si au lieu de faire celui de la laïcité on faisait le procès des bigoteries ? J Fortin

lundi 1er juin 2015, par Amitié entre les peuples

Et si au lieu de faire celui de la laïcité on faisait le procès des bigoteries ?

29 Mai 2015 | par Jacques FORTIN

On essaie de nous faire passer pour un choix, un peu rapidement, le fait de sortir couverte par les femmes musulmanes. En plus on nous présente ce choix comme… un choix “vestimentaire” ce qui est une absurdité fallacieuse évidente. Ce “choix” n’a rien de “vestimentaire” : il est spirituel et c’est quand même le moindre des respects pour celles qui font réellement ce choix (et ceux qui les y incitent) que d’en convenir plutôt que de faire mine de papoter chiffon et centimètres lorsqu’il s’agit de foulard, voile, jupe etc.

Que des femmes fassent ce choix en tant que choix spirituel est leur droit le plus strict, et vaquer ainsi librement à leurs occcupations dans la rue un droit privé imprescriptible.

Des catho font le pélerinage de Chartres ce n’est pas pour la marche à pied. Des évangéliques se rassemblent aux Saintes Maries ce n’est pas pour les bains de mer. Des juifs mangent des matzott ce n’est pas pour faire baisser leur consommation de sel.

Le droit à la bigoterie est une chose, défendre la bigoterie en est une autre.

C’est de mauvaise foi que de vouloir faire admettre sous la menace d’être stigmatisé pour “islamophobie”, que ce port est aujourd’hui un simple “choix”. Pire encore lorsqu’il est enjoint de s’émouvoir avec sympathie et d’y saluer une volonté de “pudeur” ! Le terrain de la pudeur est un terrain glissant qui entraîne avec lui la logique inverse, perverse et stigmatisante des… impudeurs !

Il faudrait être aveugle ou là aussi de mauvaise foi pour ignorer qu’à travers le monde contemporain la pression pudibonde et sexiste des bigots musulmans pèse de tout son poids sur les femmes le plus souvent par la contrainte (on est loin du choix) et souvent encore assortie des violences de dictatures théocratiques et de hordes machistes comme en Iran. Que les crimes et les ingérences des puissances comme le cancer raciste aient fait le lit de cette “réaction” musulmane fondamentaliste n’exonère de rien. Derrière ce prétendu “choix” il y a l’immense violence d’une bigoterie qui s’étend sur les populations le plus souvent opprimées, qu’elle soit armée, étatique ou morale n’y change rien. Et cacher le corps des femmes ce n’est pas lancer une mode vestimentaire, c’est bien restaurer un ordre sexiste, patriarcal, de répression sexuelle.

Avec l’injonction suivante : “Si tu es un homme voile tes femmes !” une actuelle campagne algérienne dévoile cruement la nature et le vrai discours de ce “choix”, sa prétendue “liberté”, l’ironie d’un “féminisme” sui generis (valeur retournée en son contraire)... injonction illustrée d’une photo d’un homme trônant avec femme et enfantes voilées, et campagne qui parait-il fait fureur (et terreur sur les femmes)

A quoi riposte une campagne tunisienne sous forme pétitionnaire (https://ldlltunisia.wordpress.com/…/toutes-en-mini-jupe-la…/) dont il est assuré que les thuriféraires de la liberté vestimentaire “choisie” ne vont pas s’emparer tant ils ont déserté déjà le terrain de la solidarité active avec les féministes de culture musulmane, avec les laïcs qui tentent de résister à la bigoterie, pour ne se préoccuper que du droit de porter “librement” le « vêtement » de son "choix”.

Que le racisme se colle en parasite détestable sur ce débat, est vrai, compliqué, mais la bigoterie n’est pas que simple affaire vestimentaire ni de liberté de culte. Elle est d’abord et avant tout une affaire de contrôle des populations, ce contre quoi combattent les féministes de culture musulmane et les partisans de la séparation de la religion et de l’Etat, féministes invisibilisées d’ailleurs dans notre pays et carrément en butte aux violences mortifères dans les pays arabes. On cherche par exemple de la part des courants en lutte contre l’islamophobie un soutien actif à la journaliste de Charlie !

La remontée mondiale des bigoteries n’est pas l’apanage de l’Islam qu’on stigmatiserait comme religion attardée, ayant ses “Lumières” à faire, sa Réforme et tutti quanti. Jean-Paul II a été le héraut catholique romain d’un réarmement aussi fondamentaliste et a effectué son nettoyage de certaines églises “progressistes” comme de l’épiscopat, restauré un corps de doctrine à peine dépoussiéré, développé les cultes les plus sentimentaux (miracles, saints etc), et a tenté de reconstruire un appareil de combat qui, s’il en perd quand même beaucoup, n’a renoncé à rien. Il n’est que de voir la bataille du mariage pour tous en France ou contre l’avortement en Espagne, et les contorsions désespérées contre l’homosexualité.

Les sectes évangéliques protestantes prospèrent (dont le pseudo laïcisme d’Etat français se garde bien de faire un sujet alors qu’il développe rapidement une emprise sectaire dans les quartiers populaires et les populations précarisées). Elles mènent à travers le monde à coups de dollars US une vraie croisade de réarmement moral et d’expansion obscurantiste autant qu’autoritaire autour du créationisme, de l’homophobie, du différentialisme sexiste et de la lutte contre l’avortement (souvent de plus sionistes et anti Islam). Elles nourrissent des dictatures et des milices racistes ou religieuses en Afrique par exemple et alimentent des guerres civiles.

On pourrait en dire autant de l’orthodoxie russe alliée étroite du dictateur Poutine et de ses campagnes homophobes. De même en va-t-il de l’Hindouisme au rebond fondamentaliste (et homophobe) violent. Jusqu’au Bouddhisme qui se convertit au sectarisme.

Dans un monde disloqué par les violences capitalistes, les bigoteries sont un bel outil pour le contrôle des populations par l’accentuation de la division sexuée, l’assimilation oppressive de l’interdit et du refoulement, l’apprentisssage par la jeunesse de la soumission comme du fatalisme (antiprogressiste), l’exaltation du virilisme… et... les divisions religieuses exacerbées qui mettent un voile impudique sur les réalités communes de l’exploitation et des oppressions.

Il faut savoir les voir comme telles sans pour autant ni restreindre ni porter atteinte à la liberté de culte, ni laisser celle-ci être attaquée par les racismes. Mais il faut mesurer l’enjeu, cibler nos luttes, ne pas dans le but de sauver le bébé protéger l’eau sale de son bain, souillée par les bigoteries de sexisme, de pudibonderie, de culte du machisme et de répression sexuelle.

Si on veut bien regarder d’ailleurs, on voit un front commun des religions se dessiner quitte à avancer masqué derrière les confusions induites par la lutte dite “contre l’islamophobie”, terme malheureux, on le voit déjà sur l’école par des pressions et attaques contre l’égalité des genres et l’éducation sexuelle, ce n’est sans doute pas fini.

Autant le racisme antimusulman, les restrictions mises à la liberté de culte, la stigmatisation aggressive envers les femmes affichant leur spiritualité sont inacceptables, autant y résister ne doit pas verser dans la complaisance envers la bigoterie. Le port de tels signes religieux sexistes n’est pas innocent, il est l’habit de la bigoterie. Et cela ne doit pas être omis.

Au motif justifié de lutter contre les discriminations, les stigmatisations et les racismes dont en France en particulier l’avancée est dangereuse, il existe aujourd’hui une propension malheureuse à ne pas faire la part entre la défense de la liberté de culte et la résistance à l’emprise de la bigoterie… sur certaines catégories de la population dont les femmes, la jeunesse et les populations précaires. (Et cela peut aller jusqu’à sacrifier d’autres violences oppressives comme l’homophobie en général pudiquement (!) écartée de ces combats comme s’il ne fallait pas mélanger les torchons et les serviettes ou ménager les… pudeurs religieuses).

Il ne faut pas au motif des unes oublier d’autres, et sacrifier la liberté des femmes, la lutte contre le machisme, contre l’obscurantisme religieux, pour la liberté sexuelle... Il est quand même désespérant que la défense de la liberté des femmes se centre sur le droit de porter des vêtements religieux plutôt que sur le droit de ne pas en porter, de vivre librement sa vie, d’avorter sans honte ni obstacle. Un certain féminisme en vient ainsi à revêtir les vêtements de son ennemi historique : le religieux, quitte à livrer ainsi sans défense celles qu’il prétend défendre.

La bigoterie sous des formes sournoises ou violentes a repris du poil de la bête. Elle est, elle aussi, par son emprise sur les consciences, les relations et les corps une bête immonde.

Ne l’oublions pas. Nos lendemains en déchanteront.

Source :

http://blogs.mediapart.fr/blog/jacques-fortin/290515/et-si-au-lieu-de-faire-celui-de-la-laicite-faisait-le-proces-des-bigoteries