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Entre démondialisation et altermondialisme. C Delarue

vendredi 8 juillet 2011, par Amitié entre les peuples

Entre démondialisation et altermondialisme.

Dialectique de la lutte de classe

Nouvelle contribution au débat du Conseil scientifique d’ ATTAC.

8 juillet 2011

Christian DELARUE, Pierre KHALFA, Bénédicte VEILHAN (Libération juin 2006)

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La façon de présenter frontalement le débat entre d’un côté les partisans de la démondialisation et de l’autre les altermondialistes n’est pas satisfaisante. Introduire la dialectique des luttes est nécessaire.

Il y a certes des différences évidentes de perspectives entre démondialisation et altermondialisme. Lire ici les contributions des uns et des autres sur ce site AELP. Simplement on ne saurait à trop forcer le trait laisser penser qu’un altermondialisme conséquent ne saurait soutenir une expérience révolutionnaire qui s’enclenche dans un seul pays dans un premier temps. Une hypothèse qui n’est pas un modèle à suivre. Un gouvernement porté par un peuple-classe mobilisé est nécessairement amené à prendre des mesures de protection nationale ajustée pour les porter à la fois contre le capital international et le capital national. Pour autant il ne s’agit pas de vouloir construire le socialisme dans un seul pays tel que Staline a pu le théoriser. Surtout si le dit socialisme est un éco-socialisme.

Dans une telle transition il est pensable et pertinent de nationaliser un nombre conséquent de banques voire toutes et d’en faire une seule publique soumise à une processus immédiat de démocratisation (représentants des usagers à côté des représentants du personnel et des experts). On peut même envisager des instruments de démocratie directe pour les choix simples.

1 - L’altermondialisme conséquent.

Il défend les peuples-classe contre le capital tant celui de son pays que celui étranger. Dans tous les pays il y a une classe dominante à réduire (Etat social sous capitalisme) ou détruire (Socialisme). Cela se voit moins pour les pays ou les bourgeoisies sont faibles et très soumises au capital étranger. Dans un pays comme la France la classe dominante est très puissante. Qu’elle le soit moins que les USA, lla Chine et quelques autres pays impérialistes ne change rien rien à sa puissance. Et si elle ne profite pas plus de sa puissance pour détruire les conquêtes sociales, c’est que le mouvement ouvrier puis le mouvement social de façon général continu de s’imposer comme force de résistance. Cette force est déclinante. Elle a peur d’enclencher un rapport de force central et de réelles conquêtes contre la classe dominante. Mais la classe dominante ne fait pas tout ce qu’elle veut. Pas encore. L’expérience de la Grèce risque de changer les choses.

2 - Détour par la Hongrie pour comprendre la différence de perspective.

Cette façon de voir me vient d’une discussion avec une camarade du CADTM de Hongrie. La Hongrie a vu en quelques années, des firmes multinationales occidentales s’implanter massivement sur le territoire en profitant du vent de libéralisation de l’Union européenne et de l’OMC ainsi que du mouvement interne de privatisation et de marchandisation issu de la chute du « socialisme de caserne ». Du fait de l’apparence des choses – les firmes s’affichent -, on comprend qu’une majorité de hongrois pensent que le capital est totalement extérieur donc impérial ou impérialiste. En fait il existe bien une bourgeoisie nationale dont une fraction est compradores et une autre nationale. Mais cette classe dominante nationale est plus faible que dans les pays développéS. Mais elle entend bien se renforcer tout en subissant l’impérium des transnationales occidentales. Dans ce cadre, si la compréhension est juste, le peuple-classe hongrois - travailleurs salariés du privé et du public et petits travailleurs indépendants - doit alors combattre tout à la fois contre le capital impérial et le capital national. Le rôle des syndicats de travailleurs salariés est essentiel mais celui des partis d’émancipation du peuple-classe aussi. On se trouve alors dans une situation ambiguë ou le peuple-nation est aussi mobilisé que le peuple-classe.

3 – De la longue montée en puissance à la « rupture franche à effet cliquet ».

Les grands changements de situation ne se font que rarement « à bas bruit » sans un affrontement majeur avec les grands possédants, la classe dominante et/ou l’oligarchie. Il ne s’agit évidemment pas de nier l’importance des conquêtes partielles dès lors qu’elles s’accumulent dans le sens d’une transformation sociale ou socialiste. Le sens des affrontements d’une moindre importance est un élément déterminant de l’analyse stratégique. Simplement, à un moment donné il y a besoin d’une rupture franche avec « effet cliquet » pour basculer dans une autre dynamique sociale. Je renvois ici aux thèses de Daniel Bensaid par exemple . Mais d’autres auteurs peuvent être convoqués et ce sans qu’il s’agisse de négliger une montée « gramscienne » des luttes, à savoir une montée de l’autogestion et une convergence des luttes des couches sociales du peuple-classe.

Notons que bien souvent on est en présence d’une lutte de classe intra-systèmique car en résistance et faite d’avancées très modestes et de reculs variables mais souvent eux conséquents. Ainsi on peut gagner une année sur la feuille de paye mais perdre bien plus la même année par une lame de fond qui par exemple casse la retraite par répartition.

4 – Une pincée de Lénine : L’hypothèse du saut qualitatif est sérieuse.

La réponse du revers de main de « l’expérience révolutionnaire comme hypothèse toute théorique » n’est pas sérieuse. Un tel mépris montre surtout l’ignorance volontaire portée sur les changements révolutionnaires. Dire que c’est ensuite, bien longtemps après les « révolutions » que l’on voit ou et quand la ou les ruptures ont été réelles n’est pas plus satisfaisant. Le moment subjectif – le ressenti populaire de la rupture – peut être en décalage avec le constat objectif des historiens mais peu importe. Ce qui importe, pour parodier ici Lénine, c’est que ceux d’en-haut - une petite minorité - ne veulent plus dominer et que ceux d’en-bas s’imposent pour les remplacer et fonder une autre société sans domination ce qui n’est pas sans conflits. Ceux d’en-bas c’est le peuple-classe. soit 92 à 98 % de la population d’un pays selon les compréhensions et les situations.

6 - L’hypothèse de la « transcroissance des luttes ».

Elle a été portée par le mouvement trostkyste pour mettre en avant le fait qu’il est rare qu’un mouvement de lutte massif reste durablement interne à un Etat (Etat Nation ou Etat plurinational) . Il y a souvent transcroissance d’un pays à un autre voire plusieurs. Cela se constate aujourd’hui pour les « révolutions arabes » en cours ou les « luttes des indignés » en Europe. Une lutte d’un peuple-classe se déploie en luttes des peuples-classe. De ces luttes peuvent naître des expériences de transformations sociales dont certaines peuvent avoir une portée socialiste. Mais il est extrêmement rare que deux pays accèdent en même temps à un haut niveau de démocratisation et de socialisation.

7 - Une expérience révolutionnaire est nationale et internationale.

Si un gouvernement porté par un peuple-classe en convergence des luttes casse la domination de la classe jadis dominante alors cela signifie que des mesures drastiques ont été prises et sont prises tant au plan national qu’au plan international dans un temps court d’abord puis dans la durée (seconde phase). On imagine mal un gouvernement « vraiment à gauche » ne pas nationaliser les banques et en même temps exiger que la BCE soit profondément transformée. On peut très bien penser que ce mouvement interne soit soutenu dans les pays voisins quoique de façon moins massive. Une dialectique s’instaure et rien ne peut être écrit d’avance.

Christian DELARUE - ATTAC Fce.

Démondialisation et altermondialisme : L’essentiel des débats de juin 2011.

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1729