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Eléments de critique de la compassion sociale . C Delarue

jeudi 28 mai 2009, par Amitié entre les peuples

Eléments de critique de la compassion sociale .

Critique sélective de la compassion sociale .

La compassion « de classe » ne se réduit pas à une action affective . Pour cette raison, elle se nomme solidarité et unité du peuple-classe. Mais la compassion peut se mettre au service de plusieurs causes, certaines justes d’autres moins. La compassion c’est un peu comme le populisme, il faut aller derrière l’étiquette pour y comprendre sa signification. Il ne s’agit pas pour autant de critiquer en soi les sentiments compassionnels qui incident à l’aide et à la protection au profit d’une attitude froide et cynique qui fait le jeu de l’abandon au marché et au dénuement. Le propos qui suit n’est pas un plaidoyer pour ce qu’Eric Fromm nommait « durcissement du coeur » ni a fortiori pour un « darwinisme social » . Il est ici entendu qu’il faille agir . Simplement le compassionnel social - au-delà donc du compassionnel relationnel agissant à la vue du visage de l’autre en détresse - ne saurait aboutir à un ramollissement de la raison critique. La boussole demeure de savoir qui elle épargne et qui elle sollicite pour sa mise en oeuvre. En somme la compassion ramenée à la thèmatique républicaine de la fraternité ne prend sa pleine valeur que tendue vers l’égalité, la liberté et la laïcité. Or trop souvent le « bouclier compassionnel » est si étroit qu’il ne protège mal que les plus démunis pour laisser au jeu féroce de la concurrence libérale les autres couches sociales modestes. Deux sortes « d’objet compassionnel » permettent d’éclairer le propos.

1 - La compassion pour les pauvres.

Cette compassion peut s’inscrire dans deux types de solidarité soit être « compréhensive » et émancipatrice en s’inscrivant dans un cercle plus large de protection comme celle du bouclier social pour les moins de 3000 euros (1) ou de type misérabiliste et populiste. Dans cette dernière version elle s’appuie aisément sur une sub-culture chrétienne soucieuse de lutter contre la pauvreté et les exclusions mais en faisant payer les autres couches modestes. Cette générosité de cœur est réduite et instrumentalisée par les dominants afin que l’on déshabille Pierre (salarié prolétaire) pour mal habiller Paul (RMIste ou sans) . Cette compassion sociale est plus sacrificielle que libératrice. C’est plus le modèle de la Mère Thérésa que celui de la théologie de la libération. Dans le premier cas le compatissant descend vers les pauvres pour les secourir dans l’autre cas il s’agit de s’élever ensemble contre un « péché social » le capitalisme ou l’impérialisme .

En fait, la solidarité misérabiliste ou minimaliste n’est sensible qu’aux très pauvres et ne se préoccupe pas de savoir si le « Picsou sur son tas d’or » participe à une juste répartition des richesse et encore moins si le système global est juste. Enfin les évolutions repérées par un spécialiste Serge Paugam (1) montre que la compassion a laissé la place à la culpabilisation. Et la culpabilisation pousse au contrôle et à la répression. Il existe une autre version plus sociologique et à l’usage de l’intervention publique qui s’appuie sur la distinction assez peu dynamique opérée jadis entre les exclus (dont il faut s’occuper) et des inclus (qui n’ont pas à se plaindre puisqu’il ont un travail et un salaire). Cette version ne se fait plus guère entendre depuis la montée en force des situations précaires.

La compassion conservatrice, protectrice de la bourgeoisie est plus caritative que solidaire . Elle ne vise nullement à bousculer l’ordre hiérarchique national ou mondial. Elle ne résonne pas en terme dynamique montrant les processus de désaffiliation sociale issue de la précarité massive . Elle se situe dans la logique du « sparadrap sur le mal » sans s’attaquer aux causes sociales de ce mal . Elle est évidemment à critiquer. Elle fait le jeu du populisme montant.

Contre le populisme montant. ou L’affermissement d’une politique pro-bourgeoise contre le peuple-classe .

2 - La compassion pour les migrants.

Elle peut évidemment s’appuyer sur la même problématique et donc s’inscrire dans l’un des deux cadres précités, soit par humanité soit par perspective d’émancipation. Mais les migrants en général pauvres subissent encore plus le rejet que les pauvres nationaux . On ne s’étonnera donc pas que le souci compassionnel fasse l’objet de précision à ce sujet par ceux qui en font leur « objet social ». Ainsi Jean-François MATTEI : A la question de Pascale LE GARREC (2) Les lois sur l’immigration menacent-elles l’action des bénévoles ? le président de la Croix Rouge française répond dans Ouest France : « Mes consignes sont très nettes. Nous avons pour mission d’accueillir tout migrant, sauf s’il est en situation de flagrant délit, s’il est recherché par la police pour délit. La police ne rentre pas dans nos centres d’accueil pour demandeurs d’asile. Nous mettons en œuvre des principes d’humanité. Nous sommes là pour protéger ceux qui souffrent. Nous n’avons pas à savoir si une personne a des papiers ou pas, si sa situation est légale ou pas. On s’occupe d’elle, naturellement ! » Mais beaucoup de migrants sont recherchés par la police pour délit.

A côté de ces actions de protection sans perspective revendicative (si ce n’est que sous l’effet du néo-libéralisme montant qui renforce l’Etat policier en réduisant l’Etat social) on trouve dans plusieurs villes de France des militant(e)s qui agissent en faveur des migrants sans papiers, sans logement, sans argent avec compassion certes mais aussi en revendiquant des droits, droit de libre circulation, droit d’établissement avec un logement correct et des moyens d’accès à la Sécurité sociale. Ces militant(e)s devraient susciter l’admiration (qu’il ne réclament pas). Bien au contraire ils subissent les tracasseries de la police et les attaques des identitaires nationalistes qui usent du terme compassion sous une forme péjorative pour stigmatiser les militant(e)s solidaires des migrants . Lire (3) Quand Riposte laïque surfe sur le populisme xénophobe.

Christian Delarue

qui rajoute ici le commentaire de Michel Mengneau sur Bellaciao
« Dans la morale chrétienne c’est plus un sentiment de culpabilité qui est exacerbé pour faire donner à celui qui tend la main, ainsi est réglé le problème de la mauvaise conscience. On rentre aussi dans le dogme sans apporter de solution en profondeur. En fait réaliser ce que préconise le dogme ne sert pour celui qui donne qu’à le mettre en paix avec sa conscience du fait d’avoir suivit les concepts de la religion. »

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1) De la compassion à la culpabilisation Entretien avec Serge Paugam

2) Protéger ceux qui souffrent avec ou sans papiers

http://www.ouest-france.fr/actu/actuDet_-Proteger-ceux-qui-souffrent-avec-ou-sans-papiers-_3635-943849_actu.Htm3) Quand Riposte laïque surfe sur le populisme xénophobe