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Egalité et liberté des femmes : pour toutes, pour tout, partout

dimanche 18 décembre 2016, par Amitié entre les peuples

Egalité et liberté des femmes : pour toutes, pour tout, partout

par Laurence Rossignol Ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des Femmes

La diffusion d’un reportage (1) tourné dans deux communes des agglomérations parisienne et lyonnaise a mis des mots et des images sur une réalité anachronique : les femmes ne sont pas les bienvenues dans certains lieux publics.

le 16 12 2016 sur :

http://www.huffingtonpost.fr/laurence-rossignol/egalite-liberte-femmes-pour-toutes-pour-tout-partout/?utm_hp_ref=fr-homepage

La diffusion d’un reportage (1) tourné dans deux communes des agglomérations parisienne et lyonnaise a mis des mots et des images sur une réalité anachronique : les femmes ne sont pas les bienvenues dans certains lieux publics, en l’occurrence des cafés. En tant que femme, je suis évidemment indignée ; en tant que ministre, je ne peux tolérer qu’aujourd’hui, dans notre pays, certains endroits soient interdits aux femmes.

Une analyse rigoureuse des faits impose d’abord deux observations.

Premier constat, les entraves à la liberté d’aller et venir, et à la liberté vestimentaire des femmes ne sont pas circonscrites à certains quartiers. L’enquête nationale réalisée en août dernier, à l’occasion du lancement de la mobilisation « Sexisme, pas notre genre ! », révélait que les deux tiers des jeunes filles de 15 à 20 ans avaient déjà renoncé à fréquenter certains lieux ou à porter certains vêtements pour ne pas s’exposer à des manifestations sexistes.

Deuxième constat, là où la mixité sociale, culturelle et ethnique a disparu, il n’y a pas davantage de mixité femmes-hommes.

Ces deux observations nourrissent une inquiétude légitime et grandissante : les droits des femmes reculeraient-ils ? « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. » La fameuse phrase de Simone de Beauvoir résonne juste aujourd’hui. Les débats sur l’IVG en France, les menaces en Pologne ou aux Etats-Unis nous mettent en alerte.

Dans certains quartiers populaires se concentrent les trois facteurs identifiés par Simone de Beauvoir. La crise politique, avec un abstentionnisme important et une citoyenneté distendue. La crise économique, avec un taux de chômage élevé et une précarité spécifique, aggravés par la persistance des discriminations racistes à l’embauche. La crise religieuse, avec la multiplication des interdits qui pèsent tout particulièrement sur les femmes, leur corps et leur sexualité.

Pour les femmes qui vivent dans des quartiers où se cumulent exclusion sociale et emprise religieuse, c’est la double peine. Les responsables politiques doivent donc porter une double exigence : à la fois traiter les difficultés sociales et protéger les femmes des dérives radicales, dont elles sont toujours les premières victimes.

Cet objectif impose de regarder avec lucidité les effets des politiques de la ville conduites depuis plus de trente ans, leurs tâtonnements et les résistances qu’elles ont rencontrées. On peut d’ailleurs s’étonner que des élus qui, depuis près de vingt ans, refusent d’appliquer la loi SRU sur les logements sociaux et organisent délibérément la ségrégation territoriale, versent aujourd’hui des larmes de crocodile sur le sort des femmes et des familles dont ils ne veulent pas dans leurs communes. Regardons la réalité en face : alors qu’on louait la réussite scolaire des filles, c’est aux garçons qu’on a, de fait, donné les clefs de l’organisation des quartiers et c’est pour eux qu’on a agi –« grands frères », équipements socio-culturels et sportifs préemptés par les garçons, prévention de la délinquance (majoritairement masculine)... Point aveugle de l’action publique, les filles sont devenues invisibles dans l’espace public. Il y a maintenant urgence à inverser cette tendance : il s’agit non seulement de penser des politiques publiques ambitieuses au service de l’émancipation des filles et des femmes, mais aussi et surtout d’en faire les principales actrices de la transformation sociale des quartiers populaires.

Mener cette bataille, c’est évidemment défendre les femmes qui résistent à la pression des hommes quand elles investissent les terrasses des bars où on ne veut pas les voir, et toutes celles qui, dans leur quartier, se battent pour exercer les droits que la République leur reconnaît. Nous les y aidons. Les « marches exploratoires » que nous avons lancées avec le ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports dans de nombreuses communes, permettent ainsi aux femmes de se réapproprier l’espace public et de le changer. Celles qui y ont participé ont gagné en estime de soi, respect de leurs familles et de leurs voisins, et considération des élus.

Mener cette bataille, c’est aussi soutenir les élus locaux et les responsables associatifs qui s’engagent sur le terrain pour promouvoir l’autonomie des femmes. En effet, les femmes les plus précaires et les plus fragiles doivent bénéficier de dispositifs spécifiques d’accès à la formation et à l’emploi, qui seuls garantissent une véritable indépendance. Nous travaillons ainsi étroitement avec les structures socio-éducatives qui accompagnent les mères dans leur insertion professionnelle, notamment en facilitant la garde de leurs enfants. C’est dans cet esprit que mon ministère vient de mettre en place un réseau d’entraide des familles monoparentales et lancé un nouveau dispositif de crèches à vocation d’insertion professionnelle. Les jeunes filles, elles, sont encouragées à continuer de fréquenter des espaces mixtes d’éducation, de loisirs et de convivialité. Les critères de mixité filles-garçons et d’égalité femmes-hommes, introduits récemment dans la politique de la ville, imposent désormais aux associations sportives et culturelles de proposer des activités ouvertes aux filles, puisqu’on observe qu’à l’adolescence, elles disparaissent des structures qu’elles fréquentaient auparavant.

Mener cette bataille, c’est enfin promouvoir la laïcité, qui demeure le premier rempart à la pression religieuse donc au contrôle social du corps des femmes, à l’enfermement dans la sphère domestique ou à la ségrégation dans l’espace public. Partout en France, chaque femme doit être convaincue qu’elle n’a pas de meilleures armes que les valeurs républicaines –égalité, mixité, laïcité– pour lutter contre toutes les formes de régression qui la menacent.

La gauche du XIXe siècle s’est forgée dans l’affirmation et la défense de la République. La gauche du XXe siècle s’est construite autour des progrès et des droits sociaux. Celle du XXIe siècle se régénérera par son engagement total pour l’égalité des sexes et l’émancipation des femmes. C’est en soi un projet de transformation de la société. Un projet subversif et rassembleur.

1) VIDEO. Quand les femmes deviennent indésirables dans les lieux publics
http://www.francetvinfo.fr/societe/societe-quand-les-femmes-sont-indesirables-dans-les-lieux-publics_1958225.html