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Du "marqueur de féminité » au marqueur d’infamie . Christian Delarue

vendredi 6 avril 2018, par Amitié entre les peuples

Du "marqueur de féminité » au marqueur d’infamie . Christian Delarue

Un " marqueur de féminité » est un signe ou un vêtement destiné aux femmes et pas aux hommes. Il marque donc une différence culturelle de sexe.

I - Des féministes sont en général critiques de cette différenciation car elles plaident pour une relative uniformisation qui plaiderait pour plus de dignité et de considération de la personne . Mais toutes les féministes ne défendent pas l’uniformisation qui consisterait concrètement à ne pas mettre de jupe - courte ou longue - ni de chaussures à talons hauts, ni de bijoux, ni de soutien-gorge (même si forte poitrine ?) . Que faire lorsque les seins sont de bonne taille et sont trop visibles ? En Afrique on trouve une pratique d’écrasement des seins . C’est considéré comme une mutilation sexuelle. Question de visibilité et de pudeur.

Cet exemple montre - me semble-t-il - qu’il convient en société d’accepter les différences sexuelles artificielles (vêtement) ou naturelles (seins) mais de continuer à respecter la personne . J’ai appelé cette façon de considérer un individu « marqué » le « double regard » car il s’agit, dans une perspective de respect humain, de voire tout à la fois, le signe différentiel d’appartenance sexué (positif ou négatif) et continuer à voir la personne, autrement dit sa dignité, son humanité. Le « double regard » est bien une avancée en terme de respect humain .

Indiquant incidemment qu’un signe sexué peut être positif ou négatif je renvoie à un registre d’interprétation, à deux modèles types, l’un plus libéral que l’autre. On sait que certains marqueurs embellissent la femme de façon variable selon l’époque et les cultures et que d’autres ont un objet contraire : faire en sorte que la femme ne soit nullement attirante . Dans le premier sens le capitalo-patriarcat a produit et marchandisé divers marqueurs d’embellissement pour les femmes alors que l’hyperpatriarcat voulu par les intégristes religieux ont produit l’inverse et ce par une sexyphobie . La femme ne doit absolument pas être attirante . Pour eux, la féminité et l’attirance sexuée est la racine du mal et l’imposition de l’hypertextile (voile plus tunique cache-fesses ou jupe ras-du-bitume) en est la solution. Une solution très répressive contre les femmes au nom d’une interprétation réactionnaire de la religion. Les « campagnes d’hidjabisation » des islamistes et autres intégristes musulmans s’apparent à du crypto-fascisme à base religieuse et perspective hyperpatriarcale.

Les féministes qui critiquent la « femme objet » des magazines parlent - en principe - des représentations dans la publicité et les médias et pas des femmes réelles dans la rue. Ces dernières sont libres, libres et égales aux hommes. A ce stade on trouve néanmoins certaines féministes qui accusent d’autres femmes d’être « complices des stéréotypes » . Ici il faut peut-être se prononcer entre féminisme du « libre choix » et féminisme radical. Question en suspend.

Si l’on réfléchit en conservant l’idée de « complicité » , il y aurait alors des femmes complices du capitalo-patriarcat de la séduction et d’autres complices de l’hyper-patriarcat des intégristes religieux musulmans ou des juifs haredim. Et il faudrait alors - au plan pratique - se tenir dans une zone intermédiaire , un « entre deux correct ». Il ne s’agirait pas non plus de copier les hommes en tout point .

En ce cas tous les « marqueurs de féminité » aurait bien le même statut et Rokhaya Diallo aurait alors raison de dire : « Je ne vois pas en quoi le fait de marquer la féminité par un voile c’est plus sexiste que de le marquer par des talons aiguilles ou par une mini-jupe. (…) Il n’y a pas de raisons d’isoler le voile du reste des attributs qu’on associe à la féminité. »

On a là une thèse relativiste qui plaide formellement (reste à évoquer le réel) pour le libre choix (dès lors qu’il n’y a pas stricte imposition comme dans les campagnes d’hidjabisation) ce qui ne signifie pas absence de perspectives d’émancipations mais sur un mode plus individuel que collectif . La voie vers l’émancipation s’accommodera alors, selon les individus, peu ou prou d’éléments du capitalo-patriarcat et-ou d’éléments de l’hyperpatriarcat sans abonder totalement dans ces deux voies aliénantes et oppressives. S’accommoder d’éléments consiste à prendre librement un voile ou prendre librement une mini-jupe ou des talons hauts mais avec une certaine distance qui marque une « non adhésion » au modèle proposé (capitalo-patriarcat consumériste) ou imposé (hyperpatriarcat intégriste religieux). Ce qui veut dire en pratique une certaine souplesse comportemental du type un jour avec et un jour sans.

II - La question n’est pas encore épuisée puisqu’il reste encore celle de la pudeur. Le voile relève plus d’une volonté de cacher le corps (aussi bien aux fillettes qu’aux adolescentes, qu’aux femmes adultes) que d’imposer un marqueur de féminité. Cela a déjà été dit par Naëm Bestandji .

Le problème non évoqué (ni par R Diallo ni par N Bestandji) est qu’on a pas le droit de se dénuder en ville mais seulement sur les plages et encore pas totalement . Les femmes ont droit au string seins nus et pas au nu complet (hommes pareillement en hypotextile). Pourquoi alors faudrait-il accepter de voir partout des femmes quasiment intégralement couvertes (hypertextile) à l’exception du visage, parfois seulement de l’ovale du visage, les oreilles et le cou étant caché ?

Le principe de libre habillement comprend certes des exceptions mais là on voit que le principe hypotextile est très réduit alors que le principe hypertextile est envahissant ! Et d’ailleurs, pour les islamistes - avec la « stratégie de banalisation » (même auteur : Naëm Bestandji) - la chose est entendue. Toutes les femmes doivent être couvertes, pas que les musulmanes. Il faut alors résister à l’imposition totalitaire de l’hypertextile partout par les islamistes !

La souplesse de la liberté est dite ici par Naëm Bestandji dont je reprends plusieurs paragraphes de « Le voile, un « marqueur de féminité » comme la mini-jupe et les talons aiguilles ? » :

"La mini-jupe et les talons aiguilles sont portés par féminité. Une femme peut porter des talons aiguilles pour sortir entre amis, porter des baskets le lendemain et être pieds nus la semaine suivante sur la plage. Elle peut également porter une mini-jupe un jour et un pantalon plus pratique pour telle activité le lendemain ou pour se protéger du froid l’hiver. Elle peut porter l’un ou l’autre simplement par l’envie du moment. Une autre femme peut ne pas mettre de mini-jupes parce qu’elle ne serait pas à l’aise ou parce que ce n’est pas son style, et ne jamais porter de talons aiguilles pour les mêmes raisons.

En faisant du voile leur équivalent, une femme voilée pourrait porter son hijab ou son niqab le lundi, sortir tête nue le mardi s’il y a canicule, mettre un hijab transparent un autre jour par féminité ou tout simplement ne pas le porter tel jour par manque d’envie. Nous savons que non. Le voile ne doit rien laisser transparaître et doit se porter tout le temps, quelles que soient la météo, la période de l’année ou les circonstances. Tout du moins quand la femme voilée « risque » de croiser un homme… Le voile n’a pas été créé pour marquer la féminité. Il a été créé pour la dissimuler. Mini-jupes et talons aiguilles sont portés par des femmes de toutes cultures et toutes religions. Le voile « islamique » n’est porté que par les intégristes musulmanes. Il ne viendrait à l’idée d’aucune autre femme de porter le hijab ou le niqab par "féminité ».

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https://naembestandji.blogspot.fr/2017/12/le-voile-un-marqueur-de-feminite-comme_49.html

Christian DELARUE