Accueil > Altermondialisme > Altermondialisme / Internationalisme > Critiques, résistances et perspectives stratégiques > Distinction : Classisme et pauvrophobie Christian DELARUE

Distinction : Classisme et pauvrophobie Christian DELARUE

samedi 18 septembre 2021, par Amitié entre les peuples

Distinction : Classisme et pauvrophobie

Classisme systémique de masse et pauvrophobie contre le « tout-en-bas »

De retour de l’AG de Romeurope à Marseille (septembre 2021), une distinction s’est affirmée pour certain-es. Posons-là sommairement : le classisme frappe largement des non pauvres, la pauvrophobie frappe elle les seuls pauvres, les plus démunis d’une population, et ce sans donner la moindre solution pour la sortie de la misère matérielle (pour ne citer que celle-là), surtout si une forme de racisme ou de xénophobie s’y ajoute, alors que ce serait possible - contrairement au classisme - d’éradiquer la pauvreté sans menacer les fondamentaux du système capitaliste (sa logique de profit d’abord, son accumulation de richesse pour le 1%, la propriété privée des moyens de production, etc).

XX

On évoque ainsi, assez souvent, dans une certaine gauche « classisme, racisme, sexisme  » comme trois grandes formes d’oppression et de domination. On ne manque d’ailleurs pas d’en ajouter à cette liste incomplète. Mais classisme n’est pas qu’une oppression d’un groupe minoritaire (1) car il s’agit d’une domination systémique de masse !

Ce sont donc les besoins de faire « court » dans le discours militant qui ont crée le mot « classisme » pour le mettre à côté de racisme et sexisme. C’est un besoin lié à l’évocation d’un titre sous forme de triptyque à combattre qui est à l’origine du mot « classisme ».

Enjeu :

Le classisme comme domination large et systémique (liée au capitalisme) n’est pas seulement un mépris des pauvres, un maintien des pauvres dans la pauvreté, une pauvrophobie. C’est plus large que cela puisqu’il s’agit d’un lien avec la « guerre des classes » (gagnée par les très riches dans le 1%) qui frappe quasiment tout le peuple-classe, soit grosso modo les 99%.

Les classes dominantes (le 1% d’en-haut pour faire court) peuvent ou pourraient lutter contre la pauvrophobie - sans menacer le capitalisme - qui frappe les résidant-es les plus pauvres de la population. Il leur suffit d’en avoir la volonté de mettre en place les dispositifs adaptés et de les perfectionner. Par contre, elles ne sauraient jamais abandonner d’elles-même sans rapport des force le classisme, comprenez toute la politique de domination de classe dont l’exploitation de la force de travail du salariat des 99%, surtout des 90%. Là, il peut y avoir des divergences secondaires entre aile droite et aile gauche mais il y a un accord de béton sur le socle pour maintenir le noyau dur capitaliste et sa logique de profit d’abord.

Le classisme frappe y compris les cadres mais certes moins que les groupes sociaux à statut précaire et moins bien payés,

Cela a évidemment d’énormes conséquences qui frappent le peuple-classe en termes de Service public, sécurité sociale, pouvoir d’achat du peuple-classe, etc...

Distinction : Classisme et pauvrophobie

Le classisme, comme notion, déborde la vielle division inclus-exclus qui pose les inclus comme « ne devant pas se plaindre » et les exclus comme les seuls à aider par des politiques publiques ciblées.

 On peut lire utilement (sur le Figaro) cette suite de mots assez proches du point de vue du sens : « Classisme », « paupérophobie », « Pauvrophobie », « pauvrisme », « ptochophobie », « misérophobie »…

Cette liste - incomplète - a le mérite de mettre à jour des mots reflétant la domination de classe. Mais cette dernière s’exerce de façon différente et ne porte pas sur les même groupes sociaux. Dans cette liste, à l’exception du terme « classisme » - qui pour nous évoque le plus nettement la domination de classe contre un groupe large - tous les autres termes portent sur des groupes humains plus restreints : les pauvres, les fragiles, les miséreux, les précaires. Il manque, depuis l’irruption des gilets jaunes, les insolvables - mot manquant de la liste - qui ont des fins de mois difficiles car ces derniers ne sont pas forcément pauvres.

 La question récente de la discrimination sociale .

Il importe de prendre en compte la discrimination du chef de la vulnérabilité puisqu’il s’agit désormais d’un critère légal mais on ne saurait en rester au combat - nécessaire - contre la pauvrophobie. Ce combat est nécessaire mais insuffisant d’autant plus qu’il peut être instrumentalisé par les riches du 1% qui peuvent vouloir faire payer les classes moyennes pour délester la misère des pauvres afin de pouvoir rester riches. Les riches sont obsédés de leur richesse . Ils n’en ont jamais assez. Ce n’est pas une histoire de pathologie individuelle mais une affaire de logique sociale et économique liée au capitalisme contemporain.

Quand on évoque la discrimination, le droit intervient. Il peut y avoir analyse sociologique du phénomène discriminatoire qui va scientifiquement derrière l’apparence des chose (ex : l’insulte comme sommet de l’iceberg) en étudiant la face cachée des discriminations, soit la partie immergée de l’iceberg.

 Le classisme comme domination de classe contre le peuple-classe.

Le « classisme » comme domination de classe ou politique de classe ne se contente pas de viser les « tout-en-bas » ou le décile d’en-bas voir plus bas encore (les pauvres ou les miséreux ou les exclus). Elle frappe aussi les classes moyennes. Le classisme d’en-haut peut certes donner dans la pauvrophobie , que ce soit sur leur apparence (mal habillé ou sale ou..., ) ou sur leur défauts réels ou supposés (pas assez travailleurs , « bras cassés » (1994), etc) mais ce n’est pas sa spécificité. Des membres des classes moyennes peuvent le faire aussi. Le classisme comme domination de la classe dominante ne se contente pas non plus de les discriminer. Certes le classisme peut faire cela si nécessaire mais il est plus que cela ! Il fait plus que çà ! Il faut alors parler d’un processus de destruction sociale plus offensif nommé déclassement, fragilisation des stables.

Le déclassement social au sein des classes moyennes (fin relative du mécanisme ascendant de la carrière) participe d’un classisme qui ne vise pas les classes populaires modestes.

 Le CLASSISME

Le classisme c’est l’ensemble de la politique de la classe dominante (bicéphale) avec sa production idéologique incluse, pas que ses actes, ses lois, règlements et mesures de détail qui frappe les classes dominées moyennes et basses, le peuple-classe pour résumer .

Le classisme est un dispositif d’ensemble, un dispositif lourd de domination de la classe dominante - le 1% d’en-haut - lié au fait qu’elle est classe en soi et classe pour soi ; un dispositif lourd pesant sur le peuple-classe 99% et plus encore sur le peuple d’en-bas (tel que théorisé avec l’apparition des gilets jaunes qui appartiennent aux classes populaires modestes (de 0 à 2 smic voir un peu plus pour certain.es).

Le classisme génère du mépris de classe et de la pauvrophobie mais ne se réduit ni à l’un ni à l’autre.

 ANTI-CLASSISME

Quand à l’anti-classisme, elle ne se réduit ni à une politique fiscale anti 1% (ce qu’elle peut être) ni de la « richophophie » car ce sont tous les mécanismes producteurs d’inégalités sociales qui sont ciblés, dans tout type de société, capitaliste ou autre type (Etat-parti et caste avec marchés).

 Haine et amour

La richophobie est une haine d’en-bas, des dominés contre les dominants mais elle ne vise pas nettement le processus d’accumulation des fortunes des riches. La richophobie est réactive et primaire. Elle se comprend face à l’arrogance des riches, notamment depuis les présidences de N Sarkozy puis, plus encore, de E Macron. La richophobie dans sa dynamique profonde vise plus d’égalité . Cela va donc dans le bon sens.

Il est à noter que l’on trouve, à l’inverse des discours fondé béatement sur l’amour mais qui reste platement conservateur de l’ordre du monde. C’est qu’il y a un usage hypocrite de l’amour , un usage religieux qui vise le bonheur ailleurs dans l’au-delà. Ou pire un bonheur dans la misère. Une logique d’acceptation de la misère et des inégalités sociale. Cette conception de l’amour est odieuse et à combattre fermement. Elle se fonde souvent sur un obscurantisme et un fatalisme.

 Jalousie et justice sociale

Les références ordinaires à la jalousie (un pseudo-désir d’avoir tout ce que possèdent les grands possédants) ou à l’utilité des riches (créateurs d’emplois) sont de peu d’effet face à la forte logique d’égalisation des conditions de vie qui préside au profond désir de justice sociale et fiscale (pas que chez les gilets jaunes).

Derrière la « richophobie » - qui se comprend fort bien eu égard aux écarts énormes de richesses entre le 1% d’en-haut et les smicard.es et autres allocataires de bas revenus- il s’agit en fait plus de combattre des abus du capitalisme financiarisé, de combattre un mécanisme d’accumulation de richesse et de prédation sociale et écologique .

Il s’agit donc derrière la richophobie de vouloir simplement rendre les riches moins riches pour que les pauvres et modestes soient moins pauvres. Plus pour en-bas (disons : moins de 2000 euros par mois), moins pour en-haut, le 1% , puis le 5% et en descente progressive, telle est la formule de justice sociale et fiscale .

Et au lieu de hurler contre la fraude sociale qui ne représente pas grand chose il vaut mieux lutter contre la grande fraude fiscale d’en-haut !

Christian DELARUE

Dire « lutter contre inégalités contribue à un appauvrissement moyen de la société » n’est pas une réponse car nombre gilets jaunes se moquent de « l’appauvrissement moyen » dans un pays comme la France (5 ème rang mondial ) mais pas de la pauvreté des pauvres et la faiblesse des revenus des classes modestes .

1) le sexisme non plus, le racisme c’est selon les formations sociales .