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Des luttes « à la Polanyi » et « à la Marx ». Christian DELARUE

mardi 15 décembre 2020, par Amitié entre les peuples

Pandémie printemps 2020 :

Des luttes « à la Polanyi » et « à la Marx » !

Cedric Durand a repris en 2009 une distinction de Beverly Silver (in Forces of labor - 2003) entre les luttes « à la Marx » et les luttes « à la Polanyi ». Ces dernières « renvoient à un autre registre de conflits qui interviennent lorsque la survie des sociétés est en jeu. » ... « Les luttes pour les droits sociaux, pour les services publics, pour la protection de l’environnement, pour la définition de biens communs ou contre la guerre s’inscrivent dans ce cadre » (in Le dépassement du capitalisme page 124 - Ed Textuel) .

La situation de pandémie du printemps 2020 a mis à l’ordre du jour les luttes « à la Polanyi » dans la mesure ou les gouvernements ont enclenché diverses politiques publiques spécifiques et les sociétés civiles ont adopté des pratiques sociales spécifiques globalement orientées, avec plus ou moins de succès selon les pays, vers la survie des peuples, notamment en matière de services publics de santé, d’alimentation, de financement des populations mises au chômage du fait du confinement des personnes dans de nombreux pays, etc. L’économie a du se mettre au ralenti voire à l’arrêt dans nombre de secteurs, sauf pour les travailleurs et travailleuses « de l’essentiel ».

Citons ce passage (1) qui évoque ces spécificités et ses enjeux via le débat sur le néolibéralisme : "La spécificité de la situation a été que les gouvernements ont dû mettre les économies à l’arrêt pour enrayer la crise sanitaire. Ils ont cherché à pallier dans l’urgence l’insuffisance des ressources hospitalières et ils ont fourni des liquidités pour préserver un minimum de vie économique. Mais, comme l’explique Michel Aglietta, « le sur-activisme actuel des pouvoirs publics s’explique d’abord par l’absence totale de prévention contre une crise pandémique, en dépit de plusieurs avertissements, dont le SARS en 2003 et l’épidémie d’Ebola en 2013. Les pays dits avancés considéraient que cela ne les concernait pas... Plus fondamentalement, ajoute-t-il, l’impréparation aux événements extrêmes résulte de la disparition du sens du bien commun dans des sociétés capturées par l’idéologie néolibérale qui domine depuis les années 1980. »

Avec cette « mise à l’arrêt des économies », les luttes de classe « à la Marx » - à formes diverses - n’ont pas disparues pour autant pendant la période de confinement mais sont devenues plus cachées . Ces luttes dites « à la Marx » et « à la Polanyi » peuvent évidemment se recouper. Les luttes « à la Polanyi », hors pandémie, contre le productivisme, l’extractivisme, le carnisme, le souci de l’empreinte écologique (puisqu’en Chine la pollution redémarre plus fort qu’avant -2 ), pour minoritaires qu’elles soient à ce jour, peuvent se recouper avec les luttes « à la Marx » pour et dans une perspective écosocialiste (à ce jour incertaine) qui les combinent explicitement. Ce n’est qu’un début pour cette combinaison de luttes .

Il y a eu reprise des luttes « à la Marx » à la mi-mai en France lors de la fin du confinement avec le retour d’exigences propres à un « turbo-capitalisme » post-confinement (3) passant notamment par plus de travail pour les salariés et des bas salaires maintenus afin de recouvrer un haut niveau de profit pour les entreprises . Au plan environnemental, il y a eu demande de rabaissement des exigences requises en terme de pollution venant des constructeurs de véhicules automobiles ou d’avions . Les usines à viande impactées par des soupçons de zoonose sont reparties dans la production de masse.

On voit que ces deux types de luttes sociales et environnementales peuvent se recouper pour dégager des espaces plus vastes hors logiques de profit d’abord, de marchandisation d’abord, de financiarisation, etc au profit des biens publics et des biens communs. Le souci de réhabiliter les services publics contre les privatisations et les marchandisations de ces trente dernières années de « thatchérisation du monde » (4) est un enjeu ou ces deux types de luttes, « à la Marx » et « à la Polanyi » se recoupent.

A poursuivre...

Christian DELARUE

1) Austérité salariale : la fausse sortie de Patrick Artus - regards.fr
http://www.regards.fr/economie/les-choses-lues-par-monsieur-marx/article/austerite-salariale-la-fausse-sortie-de-patrick-artus

2) Sur le problème de l’empreinte écologique lire :
Pour la première fois depuis 50 ans, le jour du dépassement recule, et pas qu’un peu
https://positivr.fr/coronavirus-cette-annee-le-jour-du-depassement-de-la-terre-recule-de-trois-semaines/
puis :
En Chine, la pollution est plus forte qu’avant le confinement
https://reporterre.net/En-Chine-la-pollution-est-plus-forte-qu-avant-le-confinement ?

3) Turbo-capitalisme post-confinement
http://amitie-entre-les-peuples.org/Turbo-capitalisme-post-confinement-Christian-DELARUE

4) La thatchérisation du monde et l’extrême-droite économique : un trajet vers la ploutocratisation du monde. Christian DELARUE - Amitié entre les peuples
http://amitie-entre-les-peuples.org/La-thatcherisation-du-monde-et-l-extreme-droite-economique