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Décommunautariser ou Réduire l’affirmation passionnelle des identités culturelles. Ch Delarue

mercredi 12 octobre 2016, par Amitié entre les peuples

Décommunautariser ou Réduire l’affirmation passionnelle des identités culturelles.

Il ne s’agit pas d’écraser les différences culturelles mais de réduire l’affirmation passionnelle des étendards identitaires pour aller vers la paix.

« Je me suis demandé, écrit Pierre Fougeyrollas (1) si l’affirmation passionnelle des identités culturelles, telle qu’elle s’est développée depuis un quart de siècle, n’avait pas finalement contribué, d’une certaine manière, à la recrudescence présente du racisme. » Il ouvre ainsi un livre de 275 pages sur la culture, les cultures et les sociétés.

La culture est un mélange de vécu culturel et d’idéologie (2). La culture n’est pas, comme vécu, qu’une façon - durablement inscrite dans les traditions - de manger (salé, poivré, halal, casher, avec viande ou non, avec ou sans alcool, etc), ou une façon de s’habiller long, court, coloré ou non, souvent les femmes différemment des hommes, c’est aussi un système de représentations idéologiques, ou la religion intervient aussi. Mettre de beaux vêtements pour séduire (ou non) ou au contraire mettre des vêtement sombres et moches qui cachent le corps des femmes n’est pas neutre au plan idéologique. La culture, vue comme « seconde nature » tellement elle semble traverser le temps à l’identique, bouge sous l’effet des discussions idéologiques admises ou refusées.

Pierre Fougeyrollas insiste beaucoup sur la présence forte de l’idéologie au sein de la culture, des cultures. Et l’idéologie dominante est elle-même un mélange de diverses idéologies, certaines anciennes qui répètent le même depuis des siècles et d’autres plus récentes qui tiennent compte des découvertes scientifiques par exemple. On peut parler, s’agissant de la modernité, d’une idéologie des droits humains ou d’une idéologie républicaine ou d’une idéologie d’égalité hommes-femmes mais aussi d’une cristallisation du racisme, etc, etc,... mélange qui féconde, de façon diverse selon les équilibres opérés dans le détail et dans le réel, la société et la culture. Il y a donc des sous-cultures avec des sous-idéologies en mélange au sein de chaque formation sociale (nation ou ensemble multi-national).

Il peut y avoir par exemple mélange d’idéologie économique (de contenu fort divers selon les lieux et les époques) avec des croyances religieuses - une idéologie donc - et avec de l’idéologie coloniale qui elle-même va être mélange de sexisme ou de racisme. Cela va former un ensemble culturel ayant une certaine teinte idéologique qui va avoir ses contradictions internes selon que certaines composantes pèsent plus que d’autres. Par exemple, des sous-cultures internes seront plus lourdes en préjugés inégalitaires et d’autres beaucoup moins, portant plus des logiques d’égalité . Ces différences internes peuvent être des points commun avec l’extérieur et permettre ainsi des rencontres interculturelles par delà les frontières.

L’interculturel c’est un vecteur de casse du multiculturel « côte à côte », sans contact, chacun dans son quartier. Mais l’interculturel n’est pas aisé. Ce qui facilite les choses, c’est la maîtrise d’une ou plusieurs langues internationales et le gout des cultures différentes. Un certain sécularisme favorise aussi l’interculturel. Ce qui bloque l’interculturel ce sont souvent les logiques inégalitaires qui subsistent et qui maintiennent durement les hiérarchies au sein des cultures ou sous-cultures.

Ailleurs - autre exemple - on perdra la composante coloniale pour avoir une composante nationaliste qui pourra avoir soit un très fort contenu xénophobe ou au contraire une forte ouverture au monde, mais avec un monde vu comme différent et nécessairement extérieur. Pourtant il n’y a pas de culture strictement homogène, d’identité culturelle bien figée même si l’on trouve des dominantes fortes qu’il ne faut pas nier dans la mesure ou elles forgent des communautarismes guerriers.

Ces dominantes culturelles fortes subissent dans le monde contemporain - cf le rouleau compresseur de la marchandisation et des standards de consommation - la tendance à l’aplatissement et l’écrasement des différences culturelles. Notons qu’il y a un point commun fort entre les publicitaires de marchandises et les religions c’est le souci de s’afficher partout, de laisser des traces, de la visibilité. Pour l’un et l’autre il y a le souci impérialiste d’occuper l’espace.

Christian Delarue

1) in « Les métamorphoses de la crise - Racismes et révolutions au XXe siècle » de Pierre FOUGEYROLLAS - Ed Hachette 1985 (Livre acheté à Rennes le 23 janvier 1986 ( il y venait dans le cadre des Régionales de mars 1986 ) .

Note sur le livre avec « LA PLURALITE ET L’INTERPENETRATION DES CULTURES »
de Christian DELARUE le mardi 10 juillet 2007 sur Bellaciao
http://www.bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=50628

2) Pour Pierre FOUGEYROLLAS, « la culture, comme vécu du social, subit inévitablement l’influence de l’idéologie, tant comme ensemble de systèmes affectivo-intellectuels exprimant les divers milieux de la société que comme représentation renversée, dans la conscience des individus, de leur vie collective. Cette influence, pour ne pas dire cette domination, l’idéologie l’exerce de l’intérieur, car elle est immanente à la culture. En réalité, il n’est pas facile de distinguer ce qui est culturel et ce qui est idéologique. Car le vécu qui est, par excellence, culturel enveloppe des représentations inhérentes à l’idéologie. Par ailleurs, l’idéologique, inséparablement affectif et conceptuel, fait partie du vécu, donc du culturel. » « Selon notre hypothèse, la culture consiste en pratiques, en sentiments et en idées qui sont structurés au niveau des divers milieux sociaux et, plus profondément, au niveau des rapports constitutifs de la société, par une puissance qui est celle de l’idéologie. Il n’y a donc pas lieu de chercher des zones ou des instances qui seraient celles de la culture et celles de l’idéologie. Tout ce qui est culturel est idéologique et tout ce qui est idéologique est culturel. Cependant, le culturel réside dans le vécu social par les individus ; son unité est celle de la société ou d’un milieu social tandis que sa pluralité est celle des individus qui, en l’éprouvant et en le jouant, le font être. L’idéologique est avant tout commun à ceux qui le subissent ; il vient, pour ainsi dire d’en haut, comme le prouve sa puissance structurante. Il ne faut pas réduire la culture à l’idéologie, ni méconnaître pour autant la présence et la puissance de la seconde à l’intérieur de la première. »