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De la problématique notion de « discrimination raciale » à celle, préférable, de discrimination raciste.

dimanche 11 mars 2012, par Amitié entre les peuples

L’idée lancée par F Hollande ce 10 mars 2012 d’ôter le mot race de la Constitution (discutable) m’incite à republier (avec des ajouts) cette note rédigée en 2007 à la demande d’un Conseil d’administration du MRAP :

DE LA PROBLEMATIQUE NOTION DE « DISCRIMINATION RACIALE » A CELLE DE DISCRIMINATION RACISTE.
 

Bellaciao samedi 28 juillet 2007 (16h33)

La législation nationale sur les discriminations et la plupart des textes internationaux évoquent la « race » (sans guillemets souvent) y compris quand il s’agit de combattre les discriminations. De nombreux sociologues qui cherchent à comprendre les processus discriminatoires existants parlent eux de discriminations racistes tout comme les associations de lutte contre le racisme . Ils combattent les discriminations racistes et non les discriminations « raciales » comme le font bien souvent les juristes. Pourquoi cette différence ?

Il s’agit pour l’essentiel et pour le dire rapidement de combattre l’effet de reconnaissance du langage. Un double effet, faux et nuisible.

 LES EFFETS DU LANGAGE ORDINAIRE.

Parler de « discrimination raciale » inciter à reconnaître l’existence des races au sein de l’espèce humaine, (quitte à refuser ensuite de les hiérarchiser, ce qui n’est pas acceptable et dangereux). La science contemporaine refuse d’admettre l’existence de « races » car aucune recherche scientifique n’a pu aboutir à une distinction valide de « races » au sein de l’espèce humaine.

Reconnaitre des races est donc totalement inacceptable. Le faire pour refuser ensuite une hiérarchisation raciale ou, comme aux USA, pour pratiquer une discrimination positive c’est mettre le doigt dans un engrenage funeste. Encourager une lecture « raciale » - dite raciste - de la société est condamnable au plan éthique et scientifique.

Les humains n’appartiennent pas à une race comme ils appartiennent nécessairement à un sexe . Déjà la notion d’appartenance religieuse doit être distinguée de l’appartenance à un sexe car les humains peuvent changer de religion ou, ce qui arrive plus souvent, ne plus embrasser aucune religion.

 LES EFFETS DU LANGAGE JURIDIQUE .

Inscrire la « discrimination raciale » dans le droit n’est pas neutre . Cela emporte des effets de reconnaissance dommageables, effets renforcés par le fait que les textes ne mettent pas le terme entre guillemets pour marquer une distance critique avec le terme employé.

C’est la législation coloniale et la législation antisémite de Vichy qui a généralisé cette terminologie que les juristes ont repris. Mais aucun des textes juridiques ne s’aventure à définir le contenu des termes utilisés qu’il s’agisse de race ou d’ethnie.

Christian DELARUE

Je me suis inspiré de l’étude bien documentée de Danièle Lochak :
La *race* : une catégorie juridique ?

http://www.anti-rev.org/textes/Lochak92a/

1. LA *RACE* OBJET DE REGLEMENTATION POSITIVE

A. La *race*, référent implicite des catégories du droit positif : la législation coloniale

1. Le code noir
2. De la législation coloniale au régime des territoires d’outre-mer

B. La *race«  » érigée en catégorie juridique explicite : la législation antisémite de Vichy

2. LA *RACE*, REFERENCE AMBIGUE DE LA LEGISLATION ANTI-RACISTE

1. La mise hors la loi des discriminations raciales
2. La pénalisation des actes et propos racistes
3. La *race*, donnée « sensible »

Il semble d’après Danièle Lochak (1) que l’on puisse faire remonter la première apparition du terme race dans la législation française au décret-loi Marchandeau, du 21 avril 1939, qui réprimait la diffamation commise par voie de presse envers « un groupe de personnes appartenant par leur origine à une »race« ou à une religion déterminée » dans le but d’exciter à la haine entre les citoyens ou les habitants.

En toute rigueur, prohiber et punir les discriminations fondées sur la « race » revient logiquement à postuler que de telles discriminations sont concevables, et donc, par voie de conséquence, que les races existent reconnait D Lochak.

Le Code Noir, promulgué en 1685, a pour objet de « régler ce qui concerne l’état et la qualité des esclaves » dans les Antilles françaises et en Guyane. Malgré son nom et malgré son objet, on y chercherait en vain le mot /race/. Il est vrai que ce mot, appliqué aux groupes humains, n’est pas encore d’usage courant, puisque, selon le Robert, il ne serait apparu dans cet emploi qu’en 1684. Une autre distinction apparaît en fonction de la couleur de peau entre Blancs et Noirs : « Défendons à nos sujets blancs de contracter mariage avec les Noirs »,
Le droit d’outre-mer ne peut ignorer le pluralisme ethnique des sociétés locales, de sorte que de fréquentes références à l’origine ou à l’appartenance ethnique par exemple pour « tenir compte des coutumes et genres de vie des divers groupements ethniques »

L’ambiguïté de la référence aux « origines raciales » est surtout apparue en pleine lumière lors de la publication au Journal Officiel de deux décrets : le premier, en date du 2 février 1990, autorisant les juridictions à mettre en mémoire les données nominatives nécessaires à l’accomplissement de leur mission et faisant notamment apparaître les origines raciales des parties au litige ; le second, en date du 27 février 1990, autorisant le service des renseignements généraux à collecter des informations nominatives faisant apparaître « l’origine ethnique [des personnes fichées] en tant qu’élément de signalement »