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De la démocratie d’autorisation à la démocratie d’exercice, soit l’autre démocratie.

lundi 28 novembre 2016, par Amitié entre les peuples

De la démocratie d’autorisation à la démocratie d’exercice, soit l’autre démocratie.

Pierre Rosanvallon, dans Philosophie magazine n°104, souhaite, lui aussi, que la démocratie soit plus continue - formule qui semble provenir de Dominique Rousseau - et il distingue à cette occasion la « démocratie d’autorisation » de la « démocratie d’exercice », soit l’autre démocratie, l’alterdémocratie. Il y a bien sur processus pour aller de l’une à l’autre et d’ailleurs Pierre Rosanvallon développe à raison des passages dans son article. Reste qu’il s’agit bien de deux façons fort différentes de concevoir la démocratie, une d’abandon de pouvoir, ou le citoyen vote et autorise un représentant à agir sans plus rien contrôler, l’autre de pleine implication, ou il s’investit, délibère et participe à la décision et continue d’en suivre la réalisation.

 Distinction.

La « démocratie d’AUTORISATION » relève de la « démocratie réellement existante », d’ici ou d’ailleurs, fondée sur la délégation du pouvoir citoyen à des représentants qui en disposent sans rendre des comptes. On peut ici renvoyer à Montesquieu pour la théorisation. Mais ce type de démocratie est de plus en plus critiqué du fait de la forte professionnalisation des politiciens. Cela suscite plus que des critiques, de vrais refus ! Ces derniers politiciens - plus rarement des femmes mais elles aussi peuvent « faire carrière » avec les mêmes défauts - cumulent en effet trop souvent, malgré les quelques limitations juridiques construites peu à peu, les mandats horizontaux (ici et là et encore là) et surtout des mandats verticaux (5 ans + 5ans + x ans ) et de ce fait, certains élus sont des « politiciens à vie » avec 40 ans de mandats reconduits (1). Il y a oligarchisation de ce fait. Ils sont aussi devenus en plus - c’est une autre critique - très proches des grands dirigeants de firmes multinationales, des grandes banques, etc... et cela a fatalement des conséquences.

L’autre démocratie posée comme alternative est la « démocratie d’EXERCICE » qui est nommée ailleurs (chez les altermondialistes - Nuits debout - Occupy - Indignés) « démocratie participative » ou « démocratie délibérative ». Dans ce modèle démocratique plus horizontal il s’agit de faire circuler la parole les informations et de parvenir à la décision après le débat. C’est un modèle conforme à l’idéal démocratique mais qui est faible en terme de réalisation effective. Dans un amphi, sur une place, dans un atelier en grève ou une AG çà marche relativement mais à une plus large échelle c’est plus difficile.

 Difficultés

On peut se consoler avec JJ Rousseau en répétant : « Il n’a jamais existé de véritable démocratie et il n’en existera jamais ». Cela ne doit pas conduire au cynisme et à l’adoption du modèle de gouvernance mélangeant autorisation et autoritarisme, nommé au premier semestre 2016 « démocratie 49-3 » soit une démocratie au rabais ou le Parlement ne corrige plus, ne contrôle plus . Il convient d’aller vers une alterdémocratie orientée vers le changement social par en-bas ou les « corps intermédiaires » sont entendus.

Quid de la parole informée de ceux et celles d’en-bas ? A propos des citoyens du peuple-classe (un « en-bas large » à 99%), notons que les débats du moment sur le « populisme de gauche » qui nous vient de Chantal Mouffe pour la légitimation « science politique » et moindrement de JL Mélanchon pour le projet d’alternative à gauche permettent de distinguer « eux » et « nous » sur une base de progrès social, et de « construire le peuple » (formule de C Mouffe) au sens de peuple social ou de peuple-classe (le « nous » objet des politiques de l’oligarchie) mais pas ou peu de peuple ethnique ou ethno-national avec sa charge xénophobe.

Reste les critiques altermondialistes du populisme, y compris celui de gauche. L’exercice démocratique passe trop par la personne du leader charismatique, ce qui peut certes se comprendre en l’état de la démocratie rabougrie, notamment à l’issue des primaires de la droite, mais cette concentration sur un leader reste doit rester objet de critiques renouvelées. En effet, le « populisme de gauche » va de paire avec l’émergence d’un personnage central ayant la forte capacité de bien fédérer les aspirations et revendications du peuple-classe dans toute sa diversité et ce contre l’oligarchie pour l’essentiel, (puisque le gros des attaques (anti)sociales et sociétales viennent des branches de l’oligarchie). Il y a là une logique d’efficacité et de concentration du pouvoir qui séduit pour la nécessaire riposte mais qui n’est pas celle de la dispersion ou dissolution horizontale du pouvoir dans et par la « démocratie délibérative » telle que défendue par sphère de la réappropriation démocratique.

Remarquons, au passage, que la démocratie délibérative a elle aussi le pouvoir de donner vie au peuple d’en-bas, de le « construire » notamment de par ses formulations plurielles issue de ses projets mais c’est forcément plus long et plus laborieux.

Christian DELARUE

1) Fillon et Juppé, quarante ans de carrière politique
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/11/26/fillon-et-juppe-quarante-ans-de-carriere-politique_5038767_4355770.html