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De l’homme économique au sujet néolibéral - Christian Laval

vendredi 4 juin 2021, par Amitié entre les peuples

De l’homme économique au sujet néolibéral

Christian Laval

Conférence faite à Cerisy le 3 juin 2010

Origine : Conférence à Cerisy

http://questionmarx.typepad.fr/files/conf%C3%A9rence-de-cerisy.pdf

Source :

http://1libertaire.free.fr/DardotLaval08.html

Comment penser la « production de l’homme » ? Comment, plus précisément penser la genèse des formes subjectives dans l’histoire, c’est-à-dire la transformation des manières de se rapporter à soi-même, et comment, plus précisément encore, les penser à partir des processus d’objectivation dont sont porteurs les discours à prétention scientifique, ce que l’on nomme les « sciences de l’homme ». Sur ces questions Foucault a proposé un certain nombre d’aperçus qui méritent d’être rappelés et discutés.

Ces rappels par lesquels je commencerai me serviront d’introduction à une question que je voudrais vous présenter évidemment très succinctement et donc aussi trop schématiquement et qui peut se formuler ainsi : l’homme économique qui s’invente à partir du XVIIe , peut-être un peu avant, et qui va trouver dans l’utilitarisme classique et l’économie politique sa formule quasi canonique, est-il bien encore la figure de l’homme qui domine aujourd’hui dans l’ensemble des discours sociaux, dans les dispositifs qui modèlent les pratiques et façonnent les rapports des individus entre eux ? Ou bien ne sommes-nous pas en face de nouvelles formes subjectives qui laissent derrière nous la figure de l’homme économique comme une forme déjà dépassée de la subjectivité ?

Cette question, c’est l’actualité qui la pose, qui l’impose, et en particulier la conjoncture des réflexions et des mobilisations de ces derniers mois.

Je ne mentionnerai ici que le débat qui a lieu aujourd’hui dans le milieu de la psychanalyse sur la question des nouvelles formes de subjectivité, sur la question du « néosujet » dont parlent certains psychanalystes et qui serait affecté de pathologies inédites. Je me garderai bien d’entrer dans des considérations cliniques et théoriques dont je ne maîtrise ni les données ni les termes, mais ce débat est pour moi le témoignage ou l’écho d’un problème qui est celui de ce que l’on peut appeler la question ou le problème de la subjectivité néolibérale.

Ne sommes-nous pas face à de nouvelles formes subjectives qui sont étroitement liées aux transformations des rapports de pouvoir, aux nouveaux systèmes de normes, à de nouvelles techniques d’assujettissement , en particulièrement dans le monde du travail ?

I - L’homme produit l’homme

Mais d’abord, il me semble que l’on pourrait utilement prendre notre départ, puisqu’il s’agit des transformations de l’homme, de ce socle de réflexions et de problématiques que nous a légués un certain ensemble de travaux théoriques entre les années 1950 et 1970 et que l’on a très improprement qualifié de « structuralisme ». Très improprement car ce terme était conçu et employé pour désigner une opposition de la « structure » à « l’histoire ». Or c’est très précisément dans ce moment des « sciences humaines », que le sujet comme histoire a pu commencer à être pensé contre les philosophies du sujet et contre les vestiges d’un humanisme traditionnel au sein des sciences de l’homme.

Depuis lors, on sait que l’histoire humaine n’est pas l’histoire de l’Homme identique à luimême dans un monde changeant, elle n’est pas non plus l’histoire d’une réalisation ou d’une émancipation liée à une origine et à une essence, c’est l’histoire des transformations, des mutations de l’homme. C’est sans doute Michel Foucault qui a le mieux exprimé ce virage dans de nombreux textes et en particulier dans un entretien de 1978 où il revient sur son parcours et celui de sa génération théorique :

« Au cours de leur histoire, les hommes n’ont jamais cessé de se construire eux-mêmes, c’est-à-dire de déplacer continuellement leur subjectivité, de se constituer dans une série infinie et multiple de subjectivités différentes et qui n’auront jamais de fin et ne nous placeront jamais face à quelque chose qui serait l’homme »1.

Cette idée telle qu’elle est formulée par Foucault est partagée par nombre de chercheurs et d’auteurs qui remettent en question le caractère supposée intouchable du sujet ou, comme le dit ailleurs Foucault, son caractère à la fois fondateur, fondamental et originaire. La grande question qui a traversé alors la philosophie et la théorie sociale dans son ensemble a porté sur les processus multiples, historiques, langagiers, pulsionnels qui produisent le sujet, ou tout 1 Michel Foucault, « entretien avec Michel Foucault, (1978 ) publié dans Il Contributo, 4e année, n°1, janvier-mars 1980, repris in Dits et Écrits, II, 1976-1988, Quarto, pp.860-914.

au moins les différentes formes de subjectivités dans l’histoire comme à l’intérieur d’un même ensemble social. L’homme s’écrit au pluriel, sans doute, parce qu’il se transforme, parce qu’il se produit.

Foucault a, comme l’on sait, beaucoup choqué avec sa formule qui conclut Les mots et les choses sur la « mort de l’homme » en 1966. Formule qui est parfois retenue devenue comme le résumé de ces années-là. Cette formule a semblé mieux qu’une autre exprimer à la fois la réfutation de l’humanisme et une nouvelle manière de concevoir l’homme comme un a priori historique, constitué à une certaine époque, un a priori historique qui serait d’ailleurs en voie de disparition du fait de l’émergence tout aussi historique de ces « contre sciences » que sont pour Foucault l’ethnologie et la psychanalyse pour autant qu’elles font apparaître les processus et les structures inconscientes qui constituent les figures subjectives variables d’une société à une autre, d’une époque à l’autre. La « mort de l’homme », c’est donc très précisément la mise en question de l’a priori historique de l’homme des sciences de l’homme.

Il y aurait beaucoup à dire et à redire naturellement sur la « naissance de l’homme » à la charnière du XVIIIe et du XIXe siècle telle que l’analyse Foucault dans on livre de 1966, mais l’important est l’affirmation bruyante et brillante de l’historicité radicale du sujet humain.

Foucault est revenu plus tard sur cette formule de « la mort de l’homme » dans l’entretien que je citais à l’instant de 1978. Ce n’est pas tant de « mort de l’homme » dont il aurait fallu parler, dit en substance Foucault, que de « production de l’homme ». Parler de « mort de l’homme » c’était contester aux sciences humaines la prétention et l’illusion de considérer l’homme comme le grand oublié des sciences, ou pour reprendre le titre d’Alexis Carrel, comme l’« inconnu » dont on découvrirait tous les jours un peu plus les secrets cachés2. Le retour critique de Foucault sur sa formule est précieuse. En parlant de « mort de l’homme », il voulait dire qu’au bout des sciences de l’homme, on ne constate pas la découverte d’une essence de l’homme, au terme du parcours, on ne trouve jamais l’homme originaire, l’homme essentiel, on ne trouve jamais que ce que l’on y a mis, on n’y découvre jamais que l’a priori historique que l’on ne cesse de construire en faisant semblant de le découvrir. C’est par cette objectivation continue que se constitue le sujet historique, que procède la subjectivation.

2 A.Carrel, L’homme cet inconnu, Livre de poche, (première édition 1935).

C’est sans doute là que Foucault rejoint Marx, et c’est bien là qu’il reconnaît d’ailleurs son accord profond avec l’inspiration de Marx pour qui « l’homme produit l’homme ».3 Marx n’a certainement pas été le premier a pensé que l’homme se faisait en agissant. On trouverait dans la filiation des empiristes et des sensualistes un nombre d’assertions qui disent que l’homme est fait et se fait par son expérience corporelle et sensorielle, qu’il se produit par ses rencontres, par l’expérience des objets du monde, par son éducation, par la vie comme la grande éducatrice des hommes. Et je ne citerai ici qu’Adam Ferguson, dans son Histoire de la société civile : « l’homme est jusqu’à un certain point l’artisan de ses façons d’être aussi bien que de sa fortune ». C’est bien de cela que Marx a hérité, et ce que Foucault à sa manière a retrouvé. Parmi les circonstances dans lesquelles nous agissons il y a ce qui pèse dit Marx au début du 18 Brumaire sur le cerveau des vivants. Il y a même plus encore : les hommes agissent depuis ce qu’ils sont, en tant que sujets qui n’ont pas choisi ce qu’ils sont, leur façon qu’ils ont de se rapporter à eux-mêmes et aux autres, mais qui en agissant comme acteurs historiques travaillent à leur propre transformation sans savoir par avance ce qu’ils deviendront du fait de leur action, ce que leur propre action fera d’eux-mêmes.

D’où l’importance de revenir sur l’histoire non pas des mentalités mais des subjectivités , des manières dont les hommes se conçoivent, de leurs pratiques et de leurs rapports qui sont liés à ses conceptions. D’où l’importance surtout des normes de pensée et de conduite qui façonnent les subjectivités historiques de l’homme.

II - La naissance de l’homme économique

J’en viens maintenant à ce qui constitue le fond de notre expérience historique en Occident, à ce qui est, je crois, une « mutation anthropologique » très profonde, pour reprendre une formule de Marcel Gauchet. Cette mutation consiste non pas en quelques variations dans les représentations que l’homme a de lui-même mais dans un changement dans le fondement même du système des normes de pensée et de conduite. Cette mutation renvoie à la naissance de l’homme économique.

3 Foucault,op.cit., p. 893.

L’homme économique est une invention historique qui s’est élaborée bien avant que l’expression n’ait été forgée sous sa forme latine d’homo oeconomicus par des auteurs allemands et italiens au XIXe siècle. Bien avant également l’utilitarisme classique d’un Jeremy Bentham, qui en a donné la formule la plus nette, et en a tiré des conséquences impressionnantes quant aux arrangements politiques, sociaux, philosophiques, linguistiques même qui lui correspondaient.

Que faut-il entendre par là ? Pour les uns, il faut y voir le postulat de l’économie politique, celui de l’homme calculateur et maximisateur, de cette petite « machine à calculer » dont parlait Marcel Mauss que supposent les raisonnements économiques ?

Mais ce n’est pas l’économie politique qui au XVIII ou au XIX e siècle a inventé cet homme.

L’homme économique n’est pas d’abord, il n’est pas seulement l’homme de la science économique, il le précède, il le déborde, il en est plutôt l’une des conditions historiques d’apparition et de développement.

Mais comment définir cet « homme économique » ? C’est le support individuel d’une économie humaine totale, complète et d’une grande simplicité, quand bien même elle a donné lieu à des élaborations les plus variées, les raffinées . Il est le corrélat d’une nouvelle anthropologie normative, la figure individuelle d’un nouveau régime de normativité dont le principe est l’intérêt. L’intérêt, c’est-à-dire un « principe d’action », une loi de la conduite humaine posée comme universelle, et pour cela même un moyen, le seul moyen d’influence de la conduite d’un sujet. Un intérêt à entendre de la manière la plus large et la plus diverse possible, un principe dont toute l’importance tient à sa valeur différentielle. L’intérêt peut prendre de multiples définitions, il peut être rapporté à l’égoïsme, aux passions, aux besoins, aux désirs de toute sorte. Mais sa valeur différentielle tient à son opposition aux catégories normatives alors en usage en Occident chrétien, aux vertus et aux devoirs, et surtout à ce qui en constituait l’horizon, le fondement : le péché et le salut. L’homme ne sera plus défini par le péché, mais par l’intérêt. Le but qu’il poursuit ne sera plus le salut de l’âme, mais le bienêtre du corps.

La morale et la politique auront pour corrélat un homme qui sera défini par la recherche de son intérêt, par la satisfaction de son amour-propre, par les motivations passionnées qui le font agir. Le nouvel homme est un être de désir, enchaîné à ses passions, mû par la recherche du gain ou les plaisirs de la vanité. L’intérêt, le besoin, le désir, la passion sont les moteurs de l’action. L’homme est un actif, un être d’action qui agit pour satisfaire son désir, qui travaille pour sa conservation, pour ses besoins, qui commerce avec autrui pour obtenir ce qu’il n’a pas contre ce qu’il n’utilise pas4.Cet homme désire, travaille et accumule les connaissances pour les mêmes raisons : toute connaissance vient de l’intérêt et le savoir humain n’est jamais que la science d’un être guidé par son intérêt.

Mais surtout l’homme économique, l’homme de l’intérêt est appelé à se gouverner lui-même, à se gouverner selon et à partir de son propre intérêt et non à partir d’une conformité vertueuse à un modèle d’excellence ou selon un chemin du salut que lui aurait enseigné la religion. Il ne peut même se gouverner et être gouverné que par le principe qui le fait agir. Le principe d’action est un principe de régulation interne à la conduite.

Comment reconstruire la normativité sur le principe de l’intérêt ? Par la considération des possibilités de contrainte, de discipline et de contrôle sur soi qu’impose la satisfaction elle-même.

Le devoir n’est rien d’autre qu’un intérêt bien compris, c’est-à-dire qu’un intérêt qui est calculé suffisamment bien pour prendre en compte l’ensemble du champ de forces dans lequel il cherche à se satisfaire. La poursuite de son intérêt est le moyen d’assurer un pouvoir sur soi-même, de se discipliner, de se policer pour atteindre la satisfaction raisonnable. Cette discipline de soi par la poursuite de l’intérêt et par l’industrie définit le basculement moderne du régime moral et politique. On ne doit plus rien attendre des préceptes de la religion, on doit se défier des caprices du souverain. La droite conduite personnelle et la bonne politique ne relèvent que de mécanismes humains naturels. L’intérêt est un principe d’action qui a sa propre régulation interne. Le gouvernement de soi consiste à réduire la douleur et accroître le plaisir selon un juste calcul des conséquences de son action. C’est cette faculté de calcul qui sera le premier régulateur de notre conduite, et non plus ces espérances de salut et ces craintes de l’enfer désormais regardées comme de moindre efficacité 5. C’est toute la problématique de « l’intérêt bien entendu », dont Tocqueville parle si bien dans sa seconde Démocratie en Amérique.

Le nouveau régime normatif ne suppose rien qui transcende le monde naturel dans lequel nous vivons et, étant donné notre constitution naturelle, nous sommes parfaitement capables de nous gouverner nous-mêmes. Et si nous devons quand même être gouvernés ce ne peut être que par notre intérêt.

4 Cf. Christian Laval, L’homme économique, Essai sur les racines du néolibéralisme, collection Essais, Gallimard, 2007.

5 Jeremy Bentham réduira la sanction religieuse à bien peu de choses dans la « déontologie » qui découle de cette nouvelle économie morale de l’homme.

On voit par là que cet homme de l’intérêt participe d’une normativité d’un nouveau genre qui ne repose plus sur la manière dont les sujets doivent accomplir un certain but fixé à l’avance, se conformer à certaines lois éternelles du monde, se plier au respect de commandements qui auraient un Auteur, qui formeraient une Nature donnée une fois pour toute, qui auraient à se racheter d’une faute commise à l’origine. Les règles à suivre ne sont pas des commandements, ne sont pas des modèles vertueux imposés, ce sont des principes d’action qui sont inscrits dans un corps individuel comme ils sont inscrits d’ailleurs dans le corps même de la société.

La norme n’est plus une loi préalable et extérieure à l’existence, elle n’est pas léguée par une tradition, elle n’est pas une parole qui répète une origine, elle n’est pas située dans un outre-monde, elle dépend d’un principe propre à l’espèce humaine implanté dans son fonctionnement individuel et collectif pour sa propre conservation.

Le fait décisif est qu’à partir de cette constitution, la morale et la politique s’ordonnent aux « lois naturelles », lesquelles expriment une nécessité inscrite dans les choses elles-mêmes.

Morale et politique accompagnent la nature, la respectent, en sont même une partie intégrante : l’éthique et l’action gouvernementale imposent même de ne pas brusquer « le cours naturel des choses », mais de l’orienter, de le guider6. Dans le fonctionnement de l’homme, il est un principe régulateur qui peut et qui doit servir de principe normatif, un mode de fonctionnement connaissable par la science aussi bien que le mouvement des planètes, et qui sera au principe de la loi, qui en sera le fondement, qui sera la norme scientifique de la loi positive. Renversement fondamental : il n’y a rien d’autre en l’homme comme boussole qu’un petit principe honni des moralistes et des religieux, l’intérêt. Et il ne s’agit rien de moins que de reconstruire autour de ce pivot, de ce principe subjectif élémentaire et jusque-là tout entièrement négatif, un nouveau monde, non seulement de nouvelles philosophies, mais une nouvelle morale, une nouvelle politique. En un mot, une nouvelle anthropologie aux multiples visages mais qui part d’un même et unique problème : comment penser cet homme, son gouvernement, son commerce, ses connaissances, à partir de ce principe qu’il a en lui, qui le constitue, le fait mouvoir et que l’on a tôt appelé son intérêt.

En d’autres termes, l’homme de l’intérêt intéresse les dites sciences humaines en tant qu’elles sont des « sciences morales et politiques », c’est-à-dire des sciences du gouvernement de l’homme. Si cet homme de l’intérêt est objet de science, cette science a d’abord été une science relative à la manière dont il faut le gouverner, la science relative à un art de le gouverner. Cela veut dire que les sciences de l’homme ont eu à jouer un rôle normatif essentiel, et surtout deux sciences , celle du corps individuel, celle du corps collectif , en tant que si l’on comprend comment un corps individuel ou collectif fonctionne, on sait du même pas comment il doit être gouverné. C’est dire la place que joue la science dans cette redéfinition de la normativité , et en particulier la médecine et l’économie.

6 Aussi est-ce à bon droit que M. Foucault parle à ce propos d’un « naturalisme gouvernemental », cf. Naissance de la biopolitique, Seuil-Gallimard, p. 63.

Le principe d’intérêt va s’appuyer sur une détermination physiologique sur le plan individuel de la conduite morale et sur une détermination économique (au sens de l’économie politique) au plan collectif. Le nouveau principe moral et politique va s’incarner doublement dans un corps individuel et dans un corps collectif. Dans un corps individuel ? Tout part de là, de ce plan élémentaire des vibrations nerveuses qui font éprouver plaisir et peine, qui attirent vers les objets de plaisir et font fuir les objets de peine. Toute la connaissance, toute la morale, et toute la politique s’enracine dans ce simple mécanisme du plaisir et de la peine à quoi l’on parvient lorsqu’on remonte jusqu’au principe le plus simple de l’action humaine et que l’on se débarrasse de toutes les fausses connaissances que l’on en avait jusque-là.

L’un des auteurs les plus significatifs de cette « fondation physiologique » de l’homme est David Hartley, dans ses Observations on Man, his Frame, his Duty, and his expectations, (1748), qui s’efforce de reconstruire l’ensemble du système normatif à partir de sa théorie des vibrations et de l’association. Tentative parmi d’autres, mais particulièrement significative, d’une refondation de la morale et de la politique à partir du corps humain, de sa constitution nerveuse.

Cette économie humaine fonde l’action politique, elle lui fournit les fins générales :

l’amélioration du bien-être ; la mesure : l’utilité des lois ; le moyen d’action : le matériau plastique des sensations transformées par l’imagination. C’est en s’adressant directement ou indirectement aux ressorts premiers de l’action humaine que l’on aura prise sur les hommes et non en s’adressant à leur piété ou à leur honneur.

Mais l’essentiel avec ces « lois de l’action » est sans doute l’affirmation de l’indépendance relative de l’individu dans ses échanges avec autrui, dans la conception de son intérêt, dans ses jugements moraux sur lui et sur les autres. La limite du pouvoir souverain réside dans la capacité de calcul par chacun de son propre intérêt, des moyens de le satisfaire, des conséquences à en attendre. Cette capacité de jugement, on se doute qu’elle ne s’arrête pas aux seuls intérêts personnels et qu’elle s’étend aux intérêts d’autrui et de toute la société. de Smith comme la logique panoptique de Bentham en sont des formulations particulières.

Cette limitation de la souveraineté se retrouvera dans l’idée que le système des intérêts constitue un mécanisme qui a ses propres lois de fonctionnement qu’il ne faut pas déranger par des interférences politiques, des caprices et des coups de force arbitraires. L’action gouvernementale se trouve normée par l’économie politique dans la considération du corps de la société conçue comme un espace d’interdépendance des intérêts doué de certaines

qualités d’équilibre, de mouvement, d’enrichissement, de moralisation, etc Un corps individuel doté d’un mécanisme régulateur, un corps collectif doté lui aussi d’un mécanisme régulateur, voilà ce qui constituera le socle du libéralisme classique, ou plus exactement l’un des socles, l’autre étant le jusnaturalisme.

Une invention morale et politique

D’où est venu cet homme économique ? Il n’est pas venu de la science économique. Il ne vient pas d’une science qui aurait enfin découvert l’homme dans sa vérité nue. Il est né d’un problème moral et politique posé aux gouvernants confrontés à des transformations économiques et sociales du capitalisme, et pris dans les logiques politiques de rivalité de puissances. Ce ne sont pas les économistes qui ont imposé leur vision du monde. Ce sont plutôt les gouvernants, les moralistes, le théologiens, tous ceux qui étaient en prise avec la question du gouvernement des hommes qui ont mis en question la manière ancienne de penser l’ordre moral et politique.

L’homme de l’intérêt est d’abord une maxime pratique, un principe de conduite et de gouvernement, relevant d’un registre moral et politique. Comme l’ont montré de nombreux travaux sur la « raison d’état », sur les « politiques de l’intérêt » au XVI et XVIIe , la réflexion sur les « arts de gouverner » a joué en ce domaine un rôle crucial. Ce gouvernement par l’intérêt individuel n’est en rien séparable de l’utilité de l’État, de sa prospérité, du bien-être de la population. C’est bien un complexe moral et politique, une structure de pensée cohérente qui se met en place en Europe dès l’époque de la Renaissance, celle précisément que les historiens situent comme la grande période de l’Humanisme. Cet homme de l’intérêt apparaît comme un problème moral et politique : comment gouverner un tel homme ?

Comment peut-il être conduit par un gouvernement s’il se conduit selon son seul intérêt ?

Toutes les formes de pouvoir dont on a jusqu’alors usé pour le discipliner, le réprimer, le conduire, doivent être repensées.

Ce sont également les discours théologico-politiques de la souveraineté qui se sont mêlés de considérations d’utilité et qui vont penser le rapport du souverain aux sujets comme des rapports d’intérêt réciproques ; ce sont les morales qui vont se naturalisent et vont chercher dans l’anatomie et dans la physiologie, le principe et les règles des forces qui peuvent orienter les individus. Et ce sont bien entendu ces grands et ces petits moralistes du XVIIe siècle qui vont rapporter les vertus à leur fausseté foncière et analyser les rapports humains, tous les rapports humains comme faits d’une seule texture, celle de l’intérêt. C’est ce que dit si bien Jacques Esprit, l’ami et rival de La Rocherfoucault : « Tout le monde admire cette prodigieuse diversité des marchands qu’on voit dans toutes les grandes villes, et l’on ne peut assez s’étonner que le désir du gain ait mis dans le commerce non seulement ce qui est nécessaire à la conservation et à la commodité de la vie, mais aussi ce qui sert au luxe et à la volupté.

Mais il y a peu de gens qui prennent garde que tous les hommes sont des marchands, qu’ils exposent tous quelque chose en vente (…)( La Fausseté des vertus humaines, 1678). Et pour ces moralistes, ce n’est pas seulement que tous les hommes, quelles que soient leur occupation, aient quelque chose à vendre, c’est que, quoiqu’ils fassent, toutes leurs activités et toutes leurs relations aux autres sont des rapports marchands, ou peuvent être interprétés comme tels.

Avec Jacques Esprit on aura reconnu l’écho du coup de tonnerre du jansénisme, par trop négligé par les historiens et sociologues, en particulier par Max Weber, dans cette extraordinaire mise à jour et mise à l’ordre du jour de la façon dont une société capitaliste tournée vers l’enrichissement, le profit, le bien-être, donc par l’égoïsme peut tenir, et non seulement peut tenir mais même « mimer la charité » selon la parole de Pierre Nicole. Un ordre de la concupiscence est possible, et non seulement il est possible mais il entraîne la prospérité. C’est avec la boue que l’on construit l’édifice humain, ce sont les vices qui trament les rapports sociaux, et non point les vertus. C’est avec le mal qu’on peut faire le bien. On a là une proposition majeure, d’abord négative, d’abord critique qui sape l’ordre normatif ancien, et qui vient le miner de l’intérieur. L’augustinisme janséniste et calviniste se conjoindront dans cet extraordinaire provocation de Mandeville en 1714 dans sa Fable des abeilles : les vices privés font la vertu publique.

Le retournement du principe normatif est ici parfaitement formulé sous forme scandaleuse :

ce qui était vice, l’enrichissement pour lui-même, l’égoïsme, la vanité, enfin tout ce qui relève de ce principe de l’intérêt devient le principe de l’action individuelle et le moyen de la régulation collective. Comme l’a souligné le juriste janséniste Jean Domat, c’est le poison du péché qui est le remède dans la cité terrestre, c’est l’égoïsme qui fonde le lien social.

Avec ce nouveau régime normatif on entre progressivement dans un ensemble de problèmes pratiques, institutionnels, qui sont liés à un certain nombre d’exigences : quelle politique, quelle législation, quelle action gouvernementale sont nécessaires pour gouverner un tel homme économique ? Si nous avions plus de temps il faudrait évidemment présenter un peu longuement un moment charnière, un moment essentiel qui est le « moment benthamien ».

Bentham comprend que si l’homme est un être gouverné par le plaisir et la peine, c’est tout le système normatif qui doit être changé de fond en comble. Il saisit que depuis longtemps déjà, dans la pratique des gouvernements, il était question d’une politique qui cherchait non à imposer des modèles de conduite vertueuse, qui ne visait plus au « salut de l’âme », mais à influencer les intérêts, qui cherchait à les éduquer, les canaliser, les modérer, qui cherchait surtout à fixer les termes et les chiffres du calcul individuel par lequel chacun déterminait sa conduite. Pour le dire autrement, Bentham essaie de penser le mode de gouvernement moderne comme « conduite des conduites », comme « conduction » : si l’homme doit se gouverner lui-même, le gouvernement des hommes n’est pas tant un commandement direct qu’un guidage indirect, un pilotage à distance, un ensemble de dispositifs incitatifs et dissuasifs, éducatifs et rééducatifs qui favorisent l’individualisation maximale de la conduite souhaitable selon « l’intérêt bien entendu ».

Cette présentation est évidemment scandaleusement rapide. Il faudrait dire toutes les complexités, toutes les contradictions, tous les refus qu’elle a impliqués. Il faudrait dire combien la modernité morale et politique est aussi celle des droits de l’homme, de la sympathie, de la solidarité, de la reconnaissance, et l’on pourrait faire aussi bien l’histoire de toutes les oppositions et de toutes les tensions que cette anthropologie a rencontrées.

Je voudrais terminer cette brève présentation de l’homme économique en soulignant la profonde ambivalence de ce nouveau régime de l’intérêt, une ambivalence qui trouve justement en Bentham sa meilleure illustration. Si le principe de l’intérêt est un principe de limitation de l’exercice de la souveraineté sur les individus et sur les sociétés, précisément en ce qu’ils sont régis par des mécanismes, il invite aussi à un gouvernement indéfini des intérêts eux-mêmes. Autrement dit, puisque l’homme est gouverné par l’intérêt, cet intérêt est ce par quoi il est possible de conduire l’homme partout en tout instant, sans même qu’ils s’en aperçoivent. Et cet intérêt dépendant bien sûr de tous les objets, conditions, circonstances dont l’individu fait l’expérience, il y a là un champ immense à la « gouvernementalité », c’est-à-dire à la conduite des individus et des sociétés. A commencer par l’éducation. Il suffit, dit Bentham, de savoir utiliser le registre de l’intérêt, de comprendre les ressorts de l’action, pour être pleinement maître des hommes. Principe de limite qui arrête le souverain, principe de gouvernement sans limites des intérêts. Ce qui nous amène à une question centrale aujourd’hui. Sommes-nous confrontés à « un monde sans limites » , à des subjectivités sans limites, ou encore, à une norme de l’illimitation aux effets subjectifs originaux. Cette question, c’est celle du néolibéralisme.

III - Y a-t-il un sujet néolibéral ?

En quoi le néolibéralisme se distingue–t-il de la figure de l’homme économique ? en quoi le prolonge-t-il, en quoi le modifie-t-il ?

La question est complexe et dépend de ce que l’on entend par néolibéralisme. Si, comme nous le faisons avec Pierre Dardot, nous le définissons comme une logique normative qui fait de la concurrence généralisée le principe d’action et l’entreprise le modèle de conduite, on peut percevoir des éléments de continuité et des éléments d’inflexion.

Plus précisément, le néolibéralisme doit être compris comme un ensemble de discours, de dispositifs, de disciplines conduisant à la transformation du mode de gouvernement des hommes, des relations sociales et des subjectivités avec pour norme la concurrence généralisée. Le néolibéralisme, c’est pour le dire en bref, la construction d’un individu-entreprise, autocentré, maximisateur, cherchant à capitaliser les ressources pour accroître son pouvoir et ses biens personnels.

La rationalité néolibérale a pour originalité d’étendre la logique du marché à toutes les sphères de l’existence humaine, y compris la sphère politique. Une telle extension affecte profondément la relative autonomie jusque là reconnue à la sphère politique. Or la démocratie libérale reposait sur une séparation plus ou moins nette entre le politique et l’économique.

Soumettre l’action de l’Etat aux impératifs de la « performance » et du « résultat » ainsi qu’à la logique comptable qu’ils imposent, c’est justement effacer cette séparation. Tout découle de là. La démocratie libérale faisait prévaloir dans le champ de l’action étatique la norme du droit public, la rationalité néolibérale tend à transformer l’Etat en une entreprise soumise comme toutes les autres aux règles du droit privé. L’exigence d’une universalisation de la norme de la concurrence excède largement les frontières de l’État, elle atteint directement jusqu’aux individus considérés dans le rapport qu’ils entretiennent avec eux-mêmes. La « gouvernementalité entrepreunariale » qui doit prévaloir au plan de l’action de l’État trouve en effet une manière de prolongement dans le gouvernement de soi de l’« individuentreprise », ou, plus exactement, l’État entrepreneur doit conduire indirectement les individus à se conduire eux-mêmes comme des entrepreneurs. Le mode de gouvernementalité propre au néolibéralisme recouvre donc l’« ensemble des techniques de gouvernement qui excèdent la stricte action étatique et orchestrent la façon dont les sujets se conduisent pour eux-mêmes7 ». L’entreprise est bien promue au rang de modèle de subjectivation.

Quelle inflexion peut-on repérer par rapport à l’homme économique « classique ? Si l’intérêt permettait une totalisation de l’action et de la conduite, comme on le voit bien dans la doctrine benthamienne, dans les faits, les démocraties libérales ont fonctionné selon un principe de séparation effective des sphères et des univers sociaux et politiques. Avec le néolibéralisme, et en particulier avec la redéfinition de l’action publique ordonnée au principe de compétitivité, on assiste à une nouvelle forme de totalisation autour de la pression à la performance et du modèle de l’entreprise comme forme d’expérience, d’activité et de vie généralisable.

Mais ce qui est beaucoup plus nouveau, c’est la manière dont le néolibéralisme n’est plus comme le libéralisme classique un principe de limitation, mais un principe d’illimitation. Le principe d’action du néolibéralisme n’est plus fondé sur un postulat d’équilibre. La petite machine homéostatique des plaisirs et des peines inscrits dans le corps humain déterminait une conduite guidée par « l’intérêt bien entendu ». La rationalité consistait à s’arrêter quand le mal excédait le plaisir. De la même manière, le gouvernement s’arrêtait quand son intervention créait plus de problèmes qu’elle n’en résolvait, quand son interférence gênait l’action spontanée des individus. Le grand problème moral et politique du libéralisme était celui de la limite.

Cette problématique de la limite, que l’on retrouvait dans le libéralisme comme réflexion sur la séparation des sphères, comme équilibre des pouvoirs, était en particulier fondé « naturellement » dans le fonctionnement des machines physiologiques du corps humain, et dans le fonctionnement de la machine économique du marché, c’est-à-dire dans le système des intérêts interdépendants, du fait de la division du travail. L’homme économique avait un cadre corporel fixe, un ancrage dans un corps de même que le monde économique était d’abord la production d’objets plaisants ou déplaisants. Nous étions alors dans un capitalisme matériel qui pouvait se décrire très naïvement comme la production par un individu sensible, habile et actif d’objets satisfaisant des besoins. Un monde de marchandises qui avaient , comme chez Marx encore une valeur d’usage.

7 W. Brown, Les habits neufs de la politique mondiale, Néolibéralisme et néo- conservatisme, Les prairies ordinaires, 2007, p. 56.

Si toutes les institutions, à commencer par l’État, sont des entreprises, si toutes les lois ne se réfèrent ultimement qu’à la loi de la concurrence, la subjectivité en ce qu’elle dépend d’un système de normes n’en peut être qu’affecté.

Il semble que nous soyons passés à autre chose. Non plus le monde des limites inscrites dans des fonctionnements corporels, matériels, mais un monde de l’illimitation, qui correspond d’ailleurs assez bien à la logique d’accumulation indéfinie du capital sous sa forme financière.

Un monde non d’équilibre, mais un monde de performance indéfinie pressée par la concurrence sans repos et sans fin. En un certain sens, un univers social et mental beaucoup plus en phase avec la logique du « toujours plus » du capital qu’avec les lois supposées de la complémentarité et de l’harmonie, fût elle artificielle, des marchés.

De ce point de vue, la norme sociale de l’entrepreneunariat en dit long sur les nouveaux modes subjectifs . La question morale et politique telle que l’utilitarisme la posait restait dans les termes anciens du bonheur. Il n’en est plus question car elle supposait la référence à un équilibre, à un repos. La question est celle de la performance, de l’intensification, de la marche forcée. En d’autres termes, le système normatif dominant obéit à un principe de dépassement continu des limites. Toujours plus loin, plus haut, plus vite, plus fort, comme dans le sport de « haute compétition ».

Le néolibéralisme se donne un principe de dépassement des possibilités de corps, un principe qui oblige à faire toujours plus, à être toujours plus. Dépassement indéfini, dans la jouissance et la performance, ce que nous avons appelé l’ultrasubjectivation, soit un mode de formation de la subjectivité fondée sur le principe du dépassement indéfini des résultats, des bénéfices, de la productivité, et surtout un dépassement de soi-même. La subjectivité néolibérale c’est un rapport à soi comme dépassement indéfini de soi-même.

La normativité prend alors un nouveau tour : celle de l’absence de limite, ou plutôt du déni de toute limite. Toute norme ne peut être que moyen de performance supplémentaire. Si l’on suppose, en sociologue classique ou en freudien, que les institutions ont pour principe de distribuer et de fixer des places, de fixer des identités, de limiter des pulsions, on doit s’interroger sur les effets que peut avoir la transformation de toutes les institutions en entreprises soumises au principe suprême de la compétitivité, l’injonction faite à chacun de devenir une entreprise, de fonctionner comme une entreprise toujours en quête de performance accrue. Peut-on donc se faire les sujets de cette course à la performance et de ses récompenses imaginaires et avec quelles conséquences ? Le « nouvel homme » est-il en mesure de s’imposer longtemps à lui-même les contraintes de la performance, dans l’espérance de la « réussite » ?

En tout cas, la question de l’homme se pose aujourd’hui de manière bien différente que dans les années 1950 ou 1960. Nous ne sommes plus en train de combattre les idéologies humanistes et les philosophies du sujet. Le néolibéralisme s’affranchit allègrement de l’origine, de la nature, du corps, ou plus exactement , et de façon risquée, suppose que tout dans l’homme est transformable. Il assume en quelque sorte à sa façon, et de façon radicale, l’historicité du sujet, sa malléabilité, sa modélisation, sa normalisation. Il suffit de le mettre dans les conditions de compétition, de l’exposer aux risques, de le soumettre aux menaces « objectives » du marché pour obtenir de lui ce « toujours plus » nécessaire à la plus-value généralisée.

La réflexion sur l’homme prend nécessairement un tour nouveau quand se profilent les perspectives de la transhumanisation dans la figure fantasmatique du cyborg, du posthumain biotech ayant dépassé les limites de son corps, ayant aboli ses limitations biologiques. Nous ne sommes plus à l’heure où il s’agirait de combattre les vieilles philosophies humanistes faisant de l’homme un point fixe, mais plutôt au moment où l’on peut constater que le sujet est conduit par les dispositifs du pouvoir à une nouvelle forme de subjectivation ordonnée au principe de l’illimitation. Il n’est peut-être plus temps de s’en prendre à l’homme fixe de l’humanisme, à l’homme et à la société des homéostases et des équilibres. Avec le néolibéralisme, nous avons affaire au système des excès obligés, du sans limite contraint. Ce n’est plus le calcul qui est autodisciplinant, c’est la pression de la concurrence, l’exigence du toujours plus. Si la nouvelle norme néolibérale ne se réduit donc pas à l’utilitarisme classique, il ne suffit pas à la science sociale de se poser comme un anti-utilitarisme. Il convient, qu’avec la psychanalyse, elle s’interroge sur le devenir de l’homme dans le régime normatif mutant qui porte le nom de néolibéralisme.