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De gauche, antiraciste et féministe, pour la loi du 15 mars 2004.

vendredi 23 septembre 2022, par Amitié entre les peuples

De gauche, antiraciste et féministe, pour la loi du 15 mars 2004.

Nous sommes de gauche, gauche sociale et environnementale.
Nous sommes de gauche, gauche antiraciste et féministe
Nous sommes de gauche et pour toutes les émancipations
Nous sommes aussi syndicalistes contre le fascisme

XX

Nous défendons la laïcité telle qu’elle s’est développée juridiquement pour faire face à une résurgence du religieux, notamment sous sa forme intégriste.
Nous défendons, au cas présent, la loi du 15 mars 2004 contre les signes religieux ostensibles (à l’école publique).
Nous demandons sa pleine application face à la résurgence de l’intransigeantisme religieux, de toute religion, de tout intégrisme religieux, sans préférence aucune.

Concernant plus particulièrement le foulard ou le voile avec la tenue vestimentaire très couvrante de certaines musulmanes nous reprenons ci-dessous la position spécifique du texte des féministes d’ATTAC qui porte lui sur un enjeu théorique et pratique plus général : les rapports entre intersectionnalité et féminisme universaliste (qui sont certes plus complexes mais des formations ou conférences-débats sont possibles sur ce sujet important).

Sur cet aspect particulier - le voile - le texte ici reproduit explique que « le débat n’est pas entre entre défendre le port du voile ou souhaiter sa disparition ».

https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-32-ete-2022/dossier-au-croisement-des-differents-rapports-d-exploitation-et-de-domination/article/depasser-le-clivage-entre-feminisme-intersectionnel-et-feminisme-universaliste#

Christian Delarue (contact groupe)

par Catherine Bloch-London, Christiane Marty, Josette Trat

Le voile : le débat n’est pas entre défendre le port du voile ou souhaiter sa disparition

La question du foulard, rebaptisé voile, est un objet récurrent de débats dans la société française, bien au-delà des courants féministes. Pour s’en tenir à ces derniers, le clivage se polarise aujourd’hui entre deux positions. Notons qu’il y a eu aussi l’expression d’une position intermédiaire en 2004 « Contre le racisme et pour les femmes ».

La première position se base sur l’idée que le voile est un signe d’oppression des femmes, il symbolise leur soumission, voire c’est un outil de l’islamisme politique. Il est incompatible avec le féminisme, il faut le combattre. De l’autre côté, on estime que l’impératif du féminisme est de défendre la liberté individuelle et l’autonomie pour les femmes, en particulier de s’habiller à leur guise, en soulignant que ces prétendues normes ne pèsent que sur les femmes.

Sur cette question du voile, il est nécessaire d’entrer dans la discussion pour interpeller la conviction de certain·es pour qui une femme voilée ne peut pas être féministe puisqu’elle se soumet sans les contester aux préceptes de l’islam et/ou accepte la pression de sa famille ou des religieux : de ce fait elle n’aurait pas sa place dans les collectifs féministes.

Éléments de discussion

Rappelons d’abord que le contexte géographique et politique est important et que le voile n’a pas la même signification ici que dans les pays où il est imposé, comme en Afghanistan, en Iran, etc. Il y a unanimité, bien sûr, parmi les féministes pour soutenir les femmes de ces pays qui refusent l’obligation de porter le voile et pour assurer une solidarité avec toutes les femmes qui luttent pour leur liberté.

Le contexte en France est très différent, et il est nécessaire d’entendre avant tout la parole des premières concernées. Des enquêtes ont montré que les femmes musulmanes qui portent le foulard le font pour quatre différentes raisons. L’une d’elles est la prescription religieuse [25]. Certes l’islam attribue un statut inférieur aux femmes, mais c’est le cas de toutes les religions monothéistes, ce qu’on doit évidemment critiquer. Mais critiquer les religions n’est pas contester la liberté de croyances, ni réprouver ou repousser leurs adeptes hors des luttes féministes.

La deuxième raison avancée par certaines femmes musulmanes mérite attention. C’est le désir de se sentir en sécurité lorsqu’elles sortent dans l’espace public. Pour lutter contre le sentiment d’insécurité qui conduit une femme à porter le voile, il y a certes beaucoup à faire au niveau de la lutte contre les stéréotypes, notamment ceux qui assimilent les femmes non voilées à des impudiques, ce qui autoriserait à les harceler ou à les agresser. Beaucoup à faire donc dans l’éducation, en particulier faire en sorte que chacun apprenne à respecter toutes les femmes, quel que soit leur habillement. Mais en parallèle, il faut reconnaître aux femmes musulmanes leur capacité à décider de porter ou non le voile pour des raisons de sécurité dont elles sont seules juges.

Une autre raison pour le port du voile est de témoigner de sa religion. Il n’est pas très difficile d’en comprendre le ressort. Au lieu d’accueillir avec reconnaissance les travailleurs et leurs familles venus au fil des siècles construire et reconstruire la France, les gouvernements successifs n’ont pas cessé de discriminer les personnes originaires du Maghreb ou de l’Afrique subtropicale et leurs enfants, alimentant un racisme anti-musulman depuis plusieurs décennies, désigné par le terme islamophobie. Devant ce constat, comme l’analysait Christine Delphy, cette population semble avoir fait son deuil de l’impossible égalité. « Étant exclue de l’universel, elle se met à revendiquer une spécificité [26] ». Une partie de cette génération a choisi l’islam pour se retrouver dans une identité et la positiver. Évidemment, on doit regretter que cette évolution ne remette pas en question la hiérarchie entre les femmes et les hommes. Raison de plus alors pour lutter ensemble contre toutes les discriminations, envers les femmes et envers les immigré·es.

Dernière raison mentionnée, la contrainte. Elle n’est mise en avant que par une très faible minorité de femmes, ce qui ne signifie pas qu’elle doive être négligée. Il serait en effet irréaliste de nier que les partisans de l’islam politique, tout comme les intégristes islamistes, font de l’extension du port du voile une stratégie. On regrette que certains courants politiques de la gauche radicale aient considéré, dans les années 1990, le développement du fondamentalisme islamique comme une réponse à l’impérialisme et donc comme un allié utile. L’islam étant en France la religion d’une minorité discriminée, toute critique de l’islam était alors proscrite et dénoncée comme de l’islamophobie. Ces courants de gauche ont occulté la nature réactionnaire des islamistes fondamentalistes et des intégristes par rapport aux libertés démocratiques, à l’égalité entre femmes et hommes et au respect dû aux personnes LGBTI. Il faut donc rester attentives et attentifs pour pouvoir lutter contre les intégrismes de toutes les religions, et notamment contre l’instrumentalisation du voile.

En conclusion, le voile est un signe d’inégalité, bien sûr. Mais ce n’est pas le seul. Est-ce que le fait pour une femme d’accepter une situation d’inégalité (en l’occurrence porter le voile) justifie d’être écartée en étant cataloguée non féministe ? Le tort du voile serait-il simplement d’être une inégalité visible dans la vie publique, contrairement à d’autres qui prennent place dans la vie privée ? Car les féministes, y compris militantes, sont loin d’avoir toutes refusé, par exemple, l’inégal partage des tâches domestiques au sein de leur couple. Le féminisme ne devrait-il pas d’abord être validé par l’engagement dans les luttes ?

La position suivante peut-elle alors réunir ?

Défendre le droit des femmes de se vêtir comme elles le souhaitent dans l’espace public [27]. Soutenir leur autonomie contre toute injonction exercée par les religions, les courants intégristes, les familles ou les pressions conservatrices et réactionnaires de la société. Condamner les discriminations et agressions contre toutes les femmes, voilées ou non.

Revendiquer bien sûr la liberté de conscience et de croyance pour toute personne et en même temps le droit de critiquer toute religion, y compris celle dite « des opprimés », et d’en dénoncer les aspects réactionnaires, sexisme, homophobie, etc. Rester vigilant·es par rapport à toute offensive religieuse fondamentaliste.

L’autonomie de toute personne est certes toujours limitée dans un contexte où existent de forts rapports de domination. Notre objectif en tant que féministes est d’aider à ce que l’autonomie des femmes devienne une réalité et de favoriser leur émancipation ; nous acceptons toute personne souhaitant agir avec nous dans ce sens. C’est sur le terrain des luttes et de l’action, en associant les femmes voilées ou non qui le souhaitent, que nous serons plus efficaces pour faire avancer l’émancipation féminine, notamment contre toutes les prescriptions conservatrices des religions ou, de manière symétrique, contre les modèles promus par la société marchande qui transforment les corps humains, et en particulier ceux des femmes, en marchandises.