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DISTINGUER ISLAMISME et INTEGRISME MUSULMAN - C Delarue

dimanche 18 octobre 2020, par Amitié entre les peuples

DISTINGUER ISLAMISME et INTEGRISME MUSULMAN

ou ISLAMISME : L’islam politique se réfère-t-il au Coran ou à la Charia ? | 20 nov 2016 Ch Delarue - Le Club de Mediapart

https://blogs.mediapart.fr/christian-delarue/blog/201116/islamisme-l-islam-politique-se-refere-t-il-au-coran-ou-la-charia

On peut aussi parler, de façon générale, DES intégrismes musulmans en pensant qu’il y a plusieurs types et plusieurs niveaux.

Certains - N Sarkozy notamment - à la suite de l’attentat de Nice ont amalgamé islam et islamisme et ignoré l’intégrisme musulman. Essai de clarification rapide.

 L’islam politique se réfère la Charia.

Que l’islamisme se réfère simplement au Coran est faux puisque tous les croyants musulmans prennent peu ou prou appui sur le Coran (et plus : traditions variables) et selon des interprétations diverses allant d’une vision tolérante, ouverte et progressiste à des visions conservatrices (souvent ) voire des positions très réactionnaires en matière de moeurs, positions qui définissent l’intégrisme musulman. Ce qui est dit islamique - relatif à l’islam - n’est donc pas nécessairement de l’islamisme.

L’islamisme se réfère surtout à la Charia - quelques éléments venus du Coran et interprétés - comme source unique du droit et du fonctionnement de la société entendue ici comme société politique (Etat) et société civile. Cette loi n’est pas sans référence religieuse certes mais elle est surtout politique. Elle englobe tout . La charia codifie à la fois les aspects publics et privés de la vie d’un musulman, ainsi que les interactions sociétales. Dans un Etat qui applique la charia les non musulmans (les autres croyants et les athèes) doivent donc respecter aussi un (plus ou moins grand) nombre de règles qui les privent de libertés et de droits. C’est très contraignant. De plus, cette loi supérieure ne peut être mise en oeuvre que par des religieux dans le cadre d’un Etat théocratique qui refuse la laïcité comme mode d’organisation de la société et la liberté de conscience (croyante ou non) qui lui est en principe associée. En ce sens l’islamisme est bien plus qu’un intégrisme religieux agissant dans la seule société civile car il est surtout un islam politique et à vocation totalitaire et pas d’un islam simplement religieux et pour les seuls croyants musulmans.

Niveaux : Derrière cette référence à la Charia il peut y avoir diversité de l’islamisme du fait de l’inscription variable dans l’histoire. Certains sont ultraviolents et de type terroriste (diversité là encore des modes et des parcours), d’autres sont de type théocratique (pouvant jouer parfois le jeu de la démocratie ou « démocrature »).

La charia est un code très restrictif dans certains pays, car elle autorise certains châtiments traditionnels (lapidation, flagellation, amputation). Mais on trouve des contenus « moins barbares » (et pas « modérés » ! ), tout en ayant toujours de très fortes contraintes dans divers domaines : alimentaire, vestimentaire (hypertextile), droit de la famille et héritage, le pénal et le judiciaire.

NB : Il faut être prêt à lire parfois des situations différentes et atypiques. Je pense à Mayotte jadis. J’y suis allé il y a 40 ans (en 1976) et j’ai pu voir là-bas le poids d’un droit musulman spécifique dit « cadial » (que je ne connais pas et qui d’ailleurs n’existe plus) .

 L’intégrisme musulman n’est pas à rapporter à la charia.

La nécessité de le définir l’intégrisme religieux vient du fait que l’on trouve, dans la société civile, dans les religions, des croyants progressistes, ouverts et tolérants en matière de moeurs, de sexualité. Pas de stigmatisation des personnes divorcèes, de celles pratiquant l’IVG, de celles en hypotextile (mini-jupe par exemple), des homosexuels, des athées mécréants, etc . Cette ouverture d’esprit est à l’opposé de la « droitisation » idéologico-culturelle des courants conservateurs ou même réactionnaires dits intégristes (que certains disent aussi fondamentalistes du point de vue du type d’interprétation de la religion).

Le terme « intégrisme religieux » désigne toute attitude doctrinale de conservatisme intransigeant, autoritaire et rigide en matière de moeurs. Son contenu très réactionnaire l’oppose frontalement aux conquêtes du féminisme contemporains (des 50 dernières annèes), notamment la liberté des femmes dans l’égalité et la laïcité. Les intégrismes religieux, porté principalement par des hommes mais aussi des femmes (qui ne sont pas moins actives et sévères), s’opposent donc à l’affaiblissement du patriarcat. Ils défendent en réaction un hyperpatriarcat.

La volonté d’appliquer le sexoséparatisme (hard ou soft) de certains (juifs haredim, intégristes musulmans, catholiques jadis) est à mettre en lien avec ce renforcement du patriarcat opposé aux conquêtes féministes des 50 dernières années.

 Charia et droit européen : pas de « démocrature »

Démocrature : apparence de démocratie, réalité d’un régime politique autoritaire voire dictatorial. Nom d’un ouvrage de Max Liniger-Goumaz : La démocrature, dictature camouflée, démocratie truquée (1992)

La CEDH a, dans un arrêt du 31 juillet 2001 Refah Partisi c. Turquie, fait observer l’incompatibilité du régime démocratique avec les règles de la charia.

http://hudoc.echr.coe.int/eng#{« dmdocnumber » :[« 702044 »],« itemid » :[« 001-64174 »]}

« À l’instar de la Cour constitutionnelle, la Cour reconnaît que la charia, reflétant fidèlement les dogmes et les règles divines édictées par la religion, présente un caractère stable et invariable. Lui sont étrangers des principes tels que le pluralisme dans la participation politique ou l’évolution incessante des libertés publiques. La Cour relève que, lues conjointement, les déclarations en question qui contiennent des références explicites à l’instauration de la charia sont difficilement compatibles avec les principes fondamentaux de la démocratie, tels qu’ils résultent de la Convention, comprise comme un tout. Il est difficile à la fois de se déclarer respectueux de la démocratie et des droits de l’Homme, et de soutenir un régime fondé sur la charia, qui se démarque nettement des valeurs de la Convention, notamment eu égard à ses règles de droit pénal et de procédure pénale, à la place qu’il réserve aux femmes dans l’ordre juridique, et à son intervention dans tous les domaines de la vie privée et publique conformément aux normes religieuses. »

Extraits des faits relatés concernant le RP ou « Parti de la prospérité » en Turquie :

‑ Le président et les autres dirigeants du R.P. soutenaient, dans toutes leurs interventions publiques, le port du foulard islamique dans les écoles publiques et dans les locaux d’administrations publiques, alors que la Cour constitutionnelle avait déjà déclaré que cela allait à l’encontre du principe de laïcité inscrit dans la Constitution.

‑ Lors d’une réunion relative à la révision constitutionnelle, le président du R.P., Necmettin Erbakan, avait formulé des propositions tendant à abolir le système laïque de la République. Il avait suggéré que les fidèles de chaque mouvement religieux suivent les règles propres à leur organisation et non plus les règles de droit de la République.

‑ Le 13 avril 1994, Necmettin Erbakan avait posé devant le groupe parlementaire du R.P. à l’Assemblée nationale la question de savoir si le changement de l’ordre social dans le sens prévu par son parti allait être « pacifique ou violent, et se faire en douceur ou dans le sang ».

‑ Lors d’un séminaire tenu en janvier 1991 à Sivas, Necmettin Erbakan avait invité les musulmans à adhérer au sein du R.P. Selon M. Erbakan, seul son parti pouvait instaurer la suprématie du Coran à l’issue d’une guerre sainte (djihad) et pour cette raison, les musulmans devaient verser leurs dons au R.P. au lieu de les distribuer à des tiers.

‑ Pendant la période de Ramadan, Necmettin Erbakan avait accueilli les chefs des mouvements islamistes dans la résidence réservée au Premier ministre et leur avait ainsi manifesté son soutien.

‑ Plusieurs membres du R.P., y compris ceux qui remplissaient des fonctions officielles importantes, avaient prôné, dans leurs discours publics, le remplacement du système politique laïque par un régime théocratique. Ces personnes avaient également plaidé pour l’élimination des opposants de ce projet, si nécessaire par la force. Le R.P., en se refusant à engager des procédures disciplinaires contre ces membres et même, dans certains cas, en facilitant la diffusion de leurs discours, avait tacitement adopté ces points de vue.

‑ Un député du R.P., İbrahim Halil Çelik, avait indiqué le 8 mai 1997, devant les journalistes dans les couloirs du parlement, que le sang allait couler si on tentait de fermer les écoles religieuses İmam-Hatip (écoles formant les futurs fonctionnaires religieux), que la situation pourrait être pire qu’en Algérie, que personnellement il désirait que le sang coule pour que la démocratie s’installe dans le pays et qu’il répliquerait à celui qui le frapperait, et enfin qu’il se battrait jusqu’au bout pour l’instauration de la Charia (la loi islamique).

Christian DELARUE