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Communauté, un englobant qui cache : masque de l’oligarchie, masque de l’intégrisme religieux. C Delarue

mardi 14 février 2017, par Amitié entre les peuples

Communauté, un englobant qui cache : masque de l’oligarchie, masque de l’intégrisme religieux

Contre un double ennemi.

Les communautés très englobantes sont la Nation, l’humanité, le peuple, l’entreprise, la communauté religieuse, etc. Parfois à raison, parfois à tort. C’est sur ce point qu’il convient de mener critique. Nous n’en sommes d’ailleurs pas aux premiers pas de cette critique : cf « Peuple, peuple, peuple » http://amitie-entre-les-peuples.org/Peuple-peuple-peuple . Et d’autres encore . Nous persévérons. Nous poursuivons le travail critique.

Pour une pensée scientifique-critique qui prend en charge les dominations et oppressions il faut se méfier de certains mots. Non pas qu’il faille les interdire - pas de police de la pensée - mais il importe de les préciser en vue d’une pensée affinée. On pourrait sans doute le faire avec des concepts critiques comme « voilement » (Verschleierung), « fétichisation » (Fetischismus), « contexte d’aveuglement » (Verblendungzusammenhang), « unidimensionnalité » (Eindimensionalität) mais on sera ici plus modeste.

Autre aspect à signaler : au plan de la solidarité internationale entre les peuples ou, pour le dire autrement, de la « raison solidaire » (Jean Ziegler) transfrontière et progressiste, la notion de peuple-classe apparait tout à fait pertinente. Elle évite par définition la solidarité avec une oligarchie. Elle évite aussi de se fourvoyer avec la « raison d’Etat ». C’est une notion qui facilite la construction d’un autre monde par en-bas, par les 99% comme on le dit ordinairement dans l’altermondialisme, bien que ce ne soit pas fondamentalement une question de chiffre. Il s’agira de ne pas oublier les autres formes de domination ou d’oppression.

XXX

I - Déconstruire le peuple en conservant le terme.

 Le peuple comme un englobant qui masque :

Le terme de PEUPLE, parfois assimilé à Nation, parfois à peuple ethnique (langue, culture, histoire partagée), le plus souvent à COMMUNAUTE ( légale ou non selon les auteurs) de citoyens sur un territoire donné fonctionne comme notion englobante qui, par définition , masque les dominants, autrement dit cache des rapports sociaux de domination, notamment celui en l’espèce de domination socio-économique et politique comme celui de capital-travail (moindrement) mais aussi et surtout celui oligarchie contre peuple-classe ou élites néolibérales contre peuple-classe ou classes dominantes contre peuple-classe.

On le voit ici, le principal et même énorme avantage de ce terme est de montrer cette double existence d’un petit groupe en-haut et d’un très grand en-bas et de montrer aussi le rapport induit entre les deux. On découvre là une fonction critique, un caractère ou un attribut d’une pensée scientifique-critique.

 Peuple hors décision, peuple assujetti. (P Tort)

Le peuple est l’ensemble des citoyens qui ne décident pas c’est là une toute première précision reprise à Patrick Tort (dans Etre marxiste aujourd’hui - Aubier 1986) qui a le mérite de pointer ce qu’on pourrait appeler une classe dirigeante, dirigeante au plan politique mais aussi économique et social (1). Il ne s’agit alors pas simplement d’opposer les citoyens (qui votent) aux seuls élus de la démocratie dite représentative , les élus étant eux-mêmes des citoyens bien particuliers, en position de surplomb structurel des autres citoyens. Retenons bien ce premier niveau de pensée critique posé il y a plus de trente ans mais guère reproduit.

Au niveau de l’humanité on pourrait nommer une humanité-classe ou « humanité sociale » objet des politiques de la caste d’en-haut ou de l’hyperclasse mondiale. Mais par souci de rigueur, restons dans le fil argumentatif lié au cadre d’un Etat avec un territoire.

 Peuple social au sens large (lato sensu)

Dans ce cadre de la configuration de l’Etat et de son territoire, évoquons pour être précis un peuple social au sens large, soit un peuple qui n’est donc pas un un peuple tout entier, un peuple 100% mais moins. Là on trouve deux façons de le penser.

 L’une voit un peuple social au sens strict, certes hétérogène mais surtout sans affrontement à une oligarchie, notamment celle issue du système capitaliste et de sa logique de profit et donc de mise en concurrence forcenée, et donc de tendance récurrente au travaillisme. Quand on évoque simplement un « peuple social » - au sens strict - on use d’une catégorie de pensée simplement descriptive sans pointer la moindre contradiction sociale interne à une communauté plus vaste.

 L’autre est la notion de peuple-classe qui met l’accent sur un rapport - de type rapport socio-politique - soit d’assujettissement (comme P Tort) ou sur l’idée dynamique de rapport de domination. Il y a aussi le rapport de prédation face à la nature dans lequel les firmes multinationales sont à l’offensive.

II - Rapport d’assujettissement

Patrick Tort met l’accent sur le fait que le peuple est principalement assujetti à des décisions sur lequel il n’a pas prise - sauf en des circonstances très exceptionnelles de réussite d’une action collective. Pour lui, le peuple est exploité économiquement, dominé politiquement et influencé idéologiquement. Il faudrait ajouter (écrit-il p 92) : conditionné dans sa vie quotidienne, ce qui est une résultante des trois premiers points. Ce peuple de Patrick Tort est ici plus un peuple-classe - car on y lit nettement le rapport des forces - qu’un simple peuple social ou l’on disserte des caractéristiques sociologiques ou culturelles de ses composantes, comprises soit comme classes sociales (dans la production) soit comme « couches sociales » ( dans la distribution, face aux marchés et en rapport aux capacités de solvabilité).

La pensée englobante est donc a-critique et potentiellement sinon intrinsèquement une pensée de droite, soit un paradigme qui privilégie tôt ou tard dans le discours la subordination des intérêts populaires aux intérêts de la classe ou des classes dominantes. Ce discours masque aussi les possibles solidarité avec les autres peuples-classe subissant des politiques similaires de la part des dominants internes à la Nation comme externes à elle .

Le terme de peuple-classe est moins la référence à un chiffre très approximatif - les 99% d’en-bas - qu’à une opposition frontale intra-communautaire nationale contre sa propre oligarchie. Là la fonction englobante de peuple 100% crée un obstacle épistémologique à la saisie critique d’un rapport de domination et à la perspective progressiste d’une possible libération.

III - Penser au capitalo-patriarcat existant et à l’hyperpatriarcat projeté

Nous n’avons pas intégré le « capitalo-patriarcat » dans cet exposé par souci de clarté, pour faciliter sa compréhension. Mais pour éviter un populisme, fatalement réactionnaire s’il n’intègre pas d’autres perspectives progressistes, il convient de ne pas lâcher la perspective antiraciste mais aussi celle féministe de lutte pour l’égalité hommes-femmes et la liberté des femmes, à une heure ou des menaces de retour en arrière pointent soit du fait du capitalo-patriarcat existant (risque de régression du fait de la crise) , soit du fait des intégrismes religieux voulant un hyperpatriarcat, le patriarcat rabaissé actuel étant pour eux insupportable.

Remarquons à ce propos concernant les intégrismes religieux que le terme communauté et ici COMMUNAUTE RELIGIEUSE fonctionne lui aussi à l’oblitération, au masque d’un fraction nuisible, à l’intégration cachée des intégristes religieux.

Dans un cercle de croyant-es en Dieu d’une religion donnée, il y a toujours à distinguer à minima les progressistes qui veulent avancer, des conservateurs de l’existant, des réactionnaires. Ces derniers militent à l’établissement d’un hyperpatriarcat ou les femmes sont soumises aux hommes dans un rapport d’inégalité et de non liberté . Ils ne supportent pas les fragiles conquêtes féministes de la « seconde modernité » (De Singly) et veulent un très net retour en arrière.

Que le découpage ne soit pas toujours net entre les intégristes et les autres ne constitue pas un empêchement majeur à distinguer. Ne pas le faire serait faire impasse sur un nécessaire combat laïque et féministe.

Christian DELARUE

1) Patrick TORT précise sa conception particulière du peuple comme « effet de représentation » ou comme « corrélat éventuel et non fixe d’un projet d’assujettissement qui existe dans l’esprit des classes dirigeantes » page 93 en ces termes : « L’essentiel tient dans la proposition suivante : Est peuple ce qui se représente dans la cervelle des classes dirigeantes comme cible des trois principaux modes de dominations : économiques, politique et idéologique. »

Cela est écrit en 1986 et semble conforme au projet néolibéral. Néolibéralisme qui a usé on le sait de la doctrine de Spencer dont Patrick Tort a diffusé la critique de sa pensée organiciste et hiérarchisante en différence avec celle de Darwin.