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Coexistence difficile de deux courants de l’antiracisme. Christian DELARUE

samedi 23 juin 2018, par Amitié entre les peuples

Coexistence difficile de deux courants de l’antiracisme.

Elément de débat du groupe « Culture et société » du CS d’ATTACRetour ligne automatique
cf - Réponse antiraciste multicolore des quartiers populaires.
http://amitie-entre-les-peuples.org/Reponse-antiraciste-multicolore-des-quartiers-populaires-Christian-DELARUE

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L’expression même de « deux courants de l’antiracisme » est très problématique. Il y a les rapprochements pratiques de façon très occasionnelle d’une part et les discours souvent en contradiction d’autre part. Les premiers - les rapprochements - se font plus ou moins difficilement (selon les bases proposées) mais les décalages dans le discours continuent de heurter.

L’ouvrage collectif « Urgence antiraciste- Pour une démocratie inclusive  » (1) est parvenu, grâce à Martine Boudet, animatrice, à créer une coexistence difficile voir conflictuelle (mais dans le respect maintenu) entre deux expressions de l’antiracisme : l’antiracisme universaliste du MRAP (d’origine franco-française mais qui existe aussi en Belgique et qui est mondialisé depuis 60 ans) et l’antiracisme politique d’associations de quartiers populaires ou de minorités ethniques. Ce livre a réussi a donner une légitimité à ces deux formes relativement contradictoires d’antiracisme en faisant - de part la proximité des contributions - comme si elles se complétaient.
Pour Martine Boudet, « les deux antiracisme sont légitimes et se complètent, le premier étant surtout à base citoyenne/individuelle et le second répondant à des mécanismes d’institutionnalisation du racisme. »

N’y a-t-il que cela ? Cette distinction qui euphémise le propos masque l’ampleur des différences et oppositions. Au plan théorique, il y a plutôt des contradictions, puisque l’un évite d’évoquer des « races », fussent-elles des « races sociales » ou des « races construites » et pas l’autre. Et dans la pratique il y a parfois - mais pas toujours (loin de là) - complémentarité. Antisémitisme oublié. Oppression des intégristes en sourdine. Etc.

Pour ma part, venu de l’antiracisme universaliste « sans couleur » j’ai évoqué à Marseilles en 2015 (Université d’été d’ATTAC) un « peuple-classe multicolore  ». Le terme multicolore constitue une avancée, un pas de fait. Mais j’évite d’opposer constamment les Noirs contre les Blancs, ou les non-Blancs contre les Blancs ou l’inverse (refus de la majuscule qui essentialise). Par contre je cherche - comme d’autres antiracistes - à avancer vers un « tous ensemble multicolore égalitaire » (sans sexo-séparatisme) dans un cadre ou le « combat social » s’articule au « combat laïque ».

« L’intégrisme islamiste est, dit-elle, effectivement un problème important dans les quartiers populaires ». Oui et l’ouvrage cité reconnait - avec ma contribution - l’intégrisme religieux sexo-séparatiste comme forme de nuisance crypto-fasciste contre les femmes. Il importe de lutter contre et de le dire. Surtout si « l’autre antiracisme » se tait sur ce plan . Ce qui crée une forme de campisme. L’antiracisme politique est un antiracisme avec des silences. Tout comme l’antiracisme institutionnel d’ailleurs !

Il y a aussi, depuis lors, pour employer une formule ancienne, venue de l’intégrisme catholique, « l’intransigeantisme » des musulmanes identitaires qui sont jusqu’au-boutiste quand au port du voile ostensiblement porté y compris quand il y a discordance remarquée massivement entre l’affichage et le discours syndical. Ici ce n’est pas le port du voile en soi qui est critiqué c’est le fait de ne pas savoir l’enlever momentanément, pour respecter d’autres valeurs et d’autres personnes, comme d’autres enlèvent un badge identitaire d’une autre catégorie.

Christian Delarue

Addendum

Lors de son dernier congrès de juin 2018 (cf communiqué) le MRAP affirme qu’il « s’appuiera sur les forces vives qui aspirent à promouvoir le « vivre ensemble » et la solidarité citoyenne avec les migrants, objectifs fondamentaux du combat antiraciste ». Ce « vivre ensemble » suppose certes plus d’inclusivité mais dans l’interculturel ou l’interculturalité. Un « vivre ensemble » authentique n’est pas la formation de communautés mise côte à côte et chacune arcqueboutée sur des différences qui font clivage dans la société. C’est là que la laïcité a son importance. Si certaines différences enrichissent d’autres suscitent la réprobation générale. Notamment celles instrumentalisées par les intégrismes religieux . Il convient donc de tenir une position équilibrée qui donne des libertés à tous et toutes sans accroître les oppressions bien au contraire. Sur ce point, le « MRAP réaffirme avec force son engagement aux côtés de celles et ceux qui construisent un avenir plus humain et participent à l’émancipation de notre société ».