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Cinq ans après, retour sur le rapport de 2003 de la CNCDH (Islam en France)

samedi 16 août 2008, par Amitié entre les peuples

Cinq ans après, retour sur le rapport de 2003 de la CNCDH (33 pages) intitulé « Intolérance et violences à l’égard de l’islam dans la société française »

http://www.cncdh.fr/IMG/pdf/Etude_Intolerance_a_l_islam_2003.pdf

Ce Ce rapport est venu compléter celui du HCI : « L’islam dans la République » paru en 2001 . Il est « sorti un an après le haineux livre »La rage et l’orgueil« d’Oriana Falaci (2002). L’islamophobie est sortie de son cercle scientifique qu’après le 11 septembre 2001 qui a vu la montée des slogans »l’islam dehors !« remplacer les propos racistes du type »les Arabes dehors !". Cinq après ce rapport un bilan exhaustif et sérieux montrerait que cette forme de racisme perdure mais que son combat à également eu des effets pervers. On n’a pas encore trouvé un équilibre permettant de combattre le racisme islamophobique sans dans la foulée stigmatiser aussi une islamophobie légitime.

I - RACISME ISLAMOPHOBIQUE ET ISLAMOPHOBIE LEGITIME

Ce rapport a été rédigé peu de temps après la parution de l’ouvrage de Vincent GEISSER (La nouvelle islamophobie en septembre 2003) et la même année que le colloque du MRAP sur l’islamophobie, colloque qui a introduit, non sans débats houleux et suspension provisoire d’usage de la notion, une nouvelle forme du racisme dans les luttes contre toutes les formes de racisme du MRAP. Car l’islamophobie est ambivalente : selon le MRAP (rapporté page 5 dans le document) elle est « une peur illégitime de l’islam » , ce qui signifie bien qu’il puisse exister une aversion légitime et une crainte illégitime issue le plus souvent d’une essentialisation de l’islam. Le racisme islamophobique refuse de voir la diversité de l’islam qui n’est pas que réactionnaire, loin de là. Il n’est pas un tout monolithique et immuable dans le temps et dans l’espace . Il existe un islam moderne, laïc et féministe .

Par contre le document critique déjà en 2003 la stratégie de silence acritique de l’intégrisme ou même des simples excès du religieux (port du voile notamment) sous prétexte de « faire le jeu de l’islamophobie raciste ». Aujourd’hui on peut juger cette stratégie comme nuisible à la pédagogie et à la clarification de la problématique antiraciste.

Ce rapport évoque, au-delà de la question d’une terminologie problématique, des faits indéniablement constitutifs d’un racisme islamophobique ce qui ne signifie nullement là encore que toute islamophobie soit raciste. La critique de l’islam tant dans sa version ordinaire qu’intégriste est toujours autorisée pour peu qu’elle ne débouche pas sur une stigmatisation de tous les musulmans sans distinction (cf affaire REDEKER ou celle du clip FITNA ) . La forme
blasphématoire de la critique est elle aussi autorisée même si au plan mondial la construction onusienne de la notion d’injure à la religion ou de diffamation de la religion ne lui donne que peu de temps d’existence à vivre légalement ! (1).

La question des discriminations est plus problématique et complexe. Il n’y a qu’à se rapporter au procès F.Truchelut / H.Diamiati dans l’affaire du voile islamique du gîte vosgien de Julienrupt pour voir qu’il n’est pas aisé de faire accepter l’idée et la pratique que l’on accepte bien les musulmans ou musulmanes mais pas les aspects qui symbolisent l’oppression des femmes ou l’excès du religieux ostensible. Je renvoie aux débats sur internet notamment sur le site Bellaciao mais sans citer ici les liens nombreux sur cette affaire. Pour ma part j’estime que Mme Truchelut a été de plus très sévèrement sanctionné. Trop, je trouve cela choquant.

II - ISLAM ET LAICITE.

Islam et mentalité moderne laïque

Ce rapport est aussi antérieur à la loi sur l’interdiction des signes religieux ostensibles (SRO) qui a pour pendant l’autorisation des signes religieux discrets (SRD) . Le volet « autorisation » est toujours à rappeler en complément du volet « interdiction » pour qui veut défendre la tolérance mutuelle et non pas celle unilatérale bénéficiant souvent aux
formes excessives, agressives et non pacifiques du religieux. Cette distinction de la loi de mars 2004 concernant le milieu scolaire a une portée universelle en terme non nécessairement législative mais de promotion de la mentalité laïque et pacifique. La mentalité laïque est aussi différente de la laïcité

La mentalité laïque n’est pas la laïcité.

La laïcité est source de valeurs contrairement à ce que pensent ceux qui y voient que du juridique. D’ailleurs le droit certes différent de la morale n’est pas sans valeur puisque porteur de normativité, même si cette normativité est changeante dans le temps et dans l’espace. Néanmoins la mentalité laïque relève plutôt d’une exigence de justice et
de paix présente dans la société civile alors que la laïcité est institutionnalisée par l’Etat dans un but de stricte Séparation valant pour toutes les religions.

Olivier ROY (2) explicite cela ainsi : La loi de 1905, qui n’emploie pas le mot de laïcité, définit simplement les relations entre l’Etat et les religions (ou plus précisément les « cultes », ce qui vise la pratique de la religion et non les dogmes), sur la base de la séparation ; ce qui veut dire que la laïcité est un simple principe juridique et n’est
jamais définie comme une philosophie voire même un système de valeurs. Or aujourd’hui on déborde cette loi par les deux côtés : soit par l’interventionnisme de l’Etat dans le religieux, soit par la définition de la laïcité comme un ensemble de valeurs supposées être partagées par tous pour fonder le consensus républicain. Tantôt on se réfère à une laïcité maximale (expulsion de la religion de la sphère publique), tantôt on revendique une intervention de l’Etat dans le religieux (construction du CFCM, demande de réforme du dogme en particulier en ce qui concerne les « huddud » et l’apostasie). Il faut choisir : ou bien on est dans une laïcité purement juridique (la séparation), ou bien on est dans le césaro-papisme (l’Etat décide du vrai en matière de religieux et la laïcité devient une sorte d’idéologie d’Etat). On voit bien que la laïcité républicaine rêve d’un interventionnisme à la Napoléon.

Complémentarité et non ultra-laïcité ou laïcité maximale

Contrairement à Olivier ROY je pense que mentalité laïque et laïcité se complète mais de façon séparée et non sous la forme d’une laïcité maximale. Imaginons par exemple un homme respectueux des femmes (féministe) et de mentalité laïque travaillant dans un bureau ou un atelier avec constamment devant lui une ou plusieurs femmes voilées qui lui rappellent sans même avoir à parler de façon prosélyte que Dieu existe (comme un crucifix sur les murs mais ici juste devant lui) et que l’homme est foncièrement concupiscent et dangereux . Une « laïcité maximale » serait source de textes juridiques pour interdire le voile islamique dans les lieux de travail ou les travailleurs sont contraints de rester ensemble durablement. La mentalité laïque elle pousse à un conflit, à un rapport de force pour que le vivre ensemble soit possible tout en permettant la liberté de conscience. C’est ici que la distinction entre signes religieux discrets (SRD) et signes ostensibles (SRO) retrouve sa force de compromis, de tolérance mutuelle bien comprise plutôt que de tolérance unilatéralement exigée par l’un contre l’autre.


La laicité à géométrie variable doit être critiquée.

Quand le maire de Nice, Jacques PEYRAT, écrit que les mosquées ne peuvent se concevoir dans une République laïque (p14 du rapport) il pratique une conception très discriminatoire de la laïcité qui autorise les églises chrétiennes mais refusent les mosquées. C’est inadmissible. D’autant que dans la foulée ce sont des dégradations de mosquées ou de sépultures dans les carrés musulmans des cimetières qui sont mis en œuvre.

Christian DELARUE

Membre du BE et du CA du MRAP

1) Rapport récent « généraliste », non spécalisé sur ce thème
Le rapport de l’ONU sur les droits de l’homme ’cinglant pour la France’

http://www.legrandsoir.info/spip.php?article6957

2) CDH-ONU : DES RELIGIONS AUX CROYANTS : SITUER LE MEPRIS POUR PROTEGER

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article287 .

CNCDH - Avis sur la diffamation des religions
http://www.cncdh.fr/

3) Olivier Roy : « La critique de l’islam comme religion permet de reprendre un discours anti-immigration en le « déracialisant ». - Oumma.com

http://oumma.com/article.php3?id_article=1514

Lire aussi sur cet aspect :
La laïcité face au communautarisme et à l’ultra-laïcisme

Mes analyses sur REDEKER et FITNA :

 Robert REDEKER : Distinguons son méfait de la menace qu’il subit !

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article137

 FITNA, un film islamophobe, anti-musulmans

http://bellaciao.org/fr/spip.php?article64146

 Sur la sévérité de la sanction qui frappe Fanny Truchelut :

Affaire du voile du gîte vosgien de Julienrupt : Justice à plusieurs vitesses - Fanny TRUCHELUT trinque « plein pot », Horia DEMIATI prépare la poursuite de son combat religieux réactionnaire

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article299

L’islam et l’ordre public européen : quel est le « droit des religions » eu Europe ?

http://bellaciao.org/fr/spip.php?article70107#forum258808