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Chávez antisémite ? Libération persiste et signe. H Maler ACRIMED

lundi 12 novembre 2012, par Amitié entre les peuples

Chávez antisémite ? Libération persiste et signe
par Henri Maler,

le 17 janvier 2006

http://www.acrimed.org/article2249.html

Après avoir rédigé « Le credo antisémite d’Hugo Chávez » (titre de l’article paru le 9 janvier 2006) en lieu et place de celui auquel ce « credo » est attribué, le quotidien Libération, continue à déformer toutes les informations qui lui parviennent pour tenter d’accréditer son interprétation initiale.

Libération persiste : acte I

Agissant en courtier du Centre Simon Wiesenthal et de quelques autres, Jean-Hébert Armengaud avait donc livré le fruit d’une enquête réalisée à domicile et dans les recoins de son cerveau, comme il le fait presque toujours, du moins quand il s’agit du Venezuela. (« voir Le journalisme d’imputation : Chávez accusé d’antisémitisme »)

L’accusation étant tout sauf une information, encore fallait-il pouvoir la maintenir en dépit de toutes les critiques. Ce que Libération, avant même qu’Hugo Chávez ne s’exprime, entreprit de faire à deux reprises.
Une première fois, dans une page « Courrier » dont le montage est un monument d’honnêteté déontologique.

On y trouve en effet un article compressé, présenté comme un courrier adressé à Libération, des réponses de Jean-Hébert Armengaud... ajustées à la compression et présentées comme une réponse de toute la rédaction de Libération, et, pour finir, une pétition d’intellectuels vénézuéliens dont on omet de dire qu’ils appartiennent à l’opposition politique à Chávez : une pétition que l’on présente, de surcroît, comme une lettre reçue par Libération... (voir, de Romain Migus, la « Lettre ouverte à Monsieur Serge July et à Madame Déontologie des journalistes de Libération .)

Une deuxième fois par l’entremise d’Annette Lévy-Willard, dans un article paru le 14 janvier 2006 (lien périmé).

La première phrase de l’article commence ainsi : « Antisémite ? Pas antisémite ? Les propos de Hugo Chávez, président du Venezuela [...] continuent d’alimenter une polémique internationale. ». Mais le sous titre (peut-être dû au secrétariat de rédaction) l« corrige » préventivement cette interrogation : « Les propos antisémites qu’a tenus le Président le 24 décembre divisent la communauté. » Pas de doute pour Libé, arbitre de la « polémique internationale » : il s’agissait de « propos antisémites ».

Quant à l’article proprement dit, faussement interrogatif, il reprend la citation fautive du premier article d’Armengaud, et la complète par un membre de phrase soigneusement choisi.

Ce que Chávez a dit : « Le monde dispose d’assez de richesses [1] pour tous, donc, mais dans les faits des minorités, les descendants de ceux qui crucifièrent le Christ, les descendants de ceux qui jetèrent Bolivar hors d’ici et aussi le crucifièrent à leur manière à Santa Marta en Colombie. Une minorité s’est appropriée les richesses du monde, une minorité s’est appropriée l’or de la planète, de l’argent, des minerais, des eaux, des bonnes terres, du pétrole, des richesses donc, et a concentré les richesses entre les mains de quelques-uns[...] »

Ce qu’Annette Lévy-Willard lui fait dire : « [Chávez dénonce] des « descendants de ceux qui crucifièrent le Christ, des descendants de ceux qui jetèrent Bolivar hors d’ici et le crucifièrent aussi à leur manière à Santa Marta en Colombie » et « une minorité qui s’est approprié les richesses du monde, une minorité qui s’est approprié l’or de la planète... » » (c’est nous qui soulignons). Le « et » est distinctement ajouté. Et l’interruption de la citation à la référence de l’appropriation de l’or en fait opportunément résonner des accents... antisémites.

La suite est un tissu d’informations sélectives, habilement triées.

« C’est le centre Simon-Wiesenthal (dont le QG est à Los Angeles) qui a donné un écho mondial à ce discours... ». Mondial, vraiment ? Le monde d’Annette Lévy-Willard est décidément très petit
« [...] les représentants de la petite communauté juive vénézuélienne (15 000 Juifs sur 22 millions d’habitants), qui ne semblent aujourd’hui pas d’accord avec ces accusations. ». Ne semblent pas ? En attendant l’enquête du correspondant permanent de Libération à Caracas, cette restriction est d’une rigueur ... inhabituelle. Surtout quand la phrase qui suit indique que le président de la Confederación de asociaciones israelitas de Venezuela (CAIV), a déclaré : « Nous pensons que le Président ne parlait pas des Juifs ». Le titre nous prévenait : « Des Juifs vénézuéliens défendent Chávez ». Mais le doute jeté sur la représentativité du Président des associations israélites en question n’est sans doute pas le produit d’un accès de rigueur. Il est renforcé par un commentaire insidieux des propos rapportés : « Un soutien qui a permis à Chávez de dénoncer vendredi l’ « offensive impérialiste » lancée contre lui. ». Faut-il comprendre que ce soutien a fait le jeu de l’ennemi ?
De la mise au point de Chávez, les lecteurs de Libération ne sauront pas plus ce jour-là... et ils ne sauront pas tout les jours suivants.

Le dernier paragraphe, enfin, est une merveille : « Enfin, la polémique n’aurait pas pris une telle ampleur si Chávez n’était un héros de la gauche radicale. Pour le défendre, ses supporteurs, comme en France le sénateur socialiste Jean-Luc Mélenchon (sur son blog), n’hésitent pas à accuser la presse et en particulier Libération de faire de la désinformation ¬ quand les journalistes citent dans le texte le discours publié sur le site du ministère de la communication vénézuélien. C’est au Venezuela que doit se tenir, dans dix jours, la sixième édition du Forum social mondial. « 

Certes, il n’y aurait guère eu de polémique s’il ne s’était trouvé aucune force - de la gauche radicale ou d’ailleurs - pour contester les trucages de Libération. Comme s’il suffisait de désigner l’origine d’une critique pour la discréditer... Quant à la présentation des critiques adressée à Libération, elle vaut son pesant de cynisme. Le quotidien aurait été accusé de « faire de la désinformation ¬ quand les journalistes citent dans le texte le discours publié sur le site du ministère de la communication vénézuélien ». Désinformation sur la désinformation, puisque c’est ce sont précisément l’inexactitude et l’instrumentalisation de la citation, et, surtout, l’édifice d’interprétation construit d’une citation mutilée qui étaient en question. Mais ne soyons pas naïfs : depuis quand pourrait-on lire dans Libé des articles sur le Venezuela et sur le mouvement altermondialiste dans lesquels l’interprétation ne dévore pas l’information ? Pour preuve, la référence finale au Forum social mondial, qui permet d’entretenir la polémique (par allusion) et la stigmatisation (par contagion) : des procédés inattendus dans un article de pure information... à moins qu’il ne s’agisse pas d’un article d’information.

Libération persiste : acte II

A peine mentionnée dans l’article précédent, la mise au point d’Hugo Chávez nous a valu un nouvel article - dernier avatar de la campagne menée par Libération - paru le 16 janvier et intitulé : « Hugo Chávez dément être « antisémite » - Le président vénézuélien veut mettre un terme à la polémique née à Noël » (16 janvier 2006) [2]. On y apprend, indirectement, qu’Hugo Chávez avait mis les choses au point... et donc que Libération s’est fourvoyé avec un empressement digne de la presse de pure propagande.
Annette Lévy-Willard présente ainsi ce qu’elle appelle un peu plus loin des « gestes de bonne volonté » :
« Antilibéral, je suis, anti-impérialiste, encore plus, mais antisémite, jamais », a déclaré Hugo Chávez, vendredi, au cours de son discours annuel devant les députés vénézuéliens. « C’est un mensonge. Et je suis certain que cela fait partie d’une campagne impérialiste. » Le président du Venezuela a profité de l’occasion pour envoyer en même temps ses vœux de rétablissement au Premier ministre israélien Ariel Sharon, toujours dans le coma à Jérusalem. »
Au « geste de bonne volonté » d’Annette Lévy-Willard, il manque cependant une précision (que l’on trouvera dans le compte-rendu cité en annexe) : Libération est expressément visé. C’est à la formule d’ouverture du premier article d’Armengaud - « Antinéolibéral, anti-impérialiste... et antisémite ? » (avec, il est vrai un point d’interrogation qu’annulent le titre et la suite) - que Chávez réplique quant il dit : « Antilibéral, je suis, anti-impérialiste, encore plus, mais antisémite, jamais ». De même, Annette Lévy-Willard ne dit rien de la mise au point de l’ambassade vénézuélienne à Paris, qui, parfaitement explicite sur la responsabilité de Libé et de son journaliste, réclame « des excuses » à celui-ci.

A ces omissions, il faut ajouter - si l’on peut dire - les atténuations. L’acte d’accusation du Centre Simon Wiesenthal ne se bornait pas à invoquer les résonances d’une citation (tronquée) et à demander une mise au point. Il condamnait des déclarations tenues pour expressément antisémites, exigeait des excuses publiques et invitaient un certains nombre de pays à interdire au Venezuela l’accès au Mercosur. Voici ce qui en reste dans la version épurée proposée par Annette Lévy-Willard, après qu’elle ait rappelé sa version des propos de Chávez : « Des expressions qui rappelaient les accusations de peuple « déicide », fondement de l’antisémitisme au cours des âges, avait aussitôt souligné le centre pour la mémoire Simon Wiesenthal à Los Angeles. Le centre avait d’ailleurs demandé au président vénézuélien de démentir toute intention antisémite. »

A des informations, Libération préfère, en outre, les insinuations. L’auteure de l’article poursuit en effet : « Ce qui devrait rassurer , pour l’instant, les représentants de la petite communauté juive du Venezuela (15 000 juifs sur 22 millions d’habitants) qui avaient refusé de déceler des accents antisémites dans le discours de Chavez. ». Ainsi, si ses représentants s’étaient indignés... contre l’accusation, c’est que la communauté avait besoin d’être rassurée. Mieux, selon Annette Lévy-Willard, ils n’auraient pas démenti cette accusation, mais ils auraient, « refusé de déceler des accents antisémites dans le discours de Chávez ». Autant dire que - par lâcheté ? - ils n’avaient pas entendu la leçon de vérité du Centre Simon Wisenthal et de Jean-Hébert Armengaud !
Dans un élan de sympathie, socialement et politiquement très significatif, Libération relaie une fois de plus la pétition des protagonistes qu’il préfère : « [L]es intellectuels et artistes vénézuéliens (...) » qui « ont signé une pétition pour exprimer leur inquiétude » dont on masque une fois encore » qu’ils appartiennent à l’opposition, engagée dans un combat politique (dont l’histoire vénézuélienne récente montre toute la violence [3]).
Et pour finir, la journalise de Libération tente piteusement de grimer sa déception... en information. Les propos de Chávez devraient ainsi « éviter au Forum social mondial, qui se déroule à Caracas à partir du 24 janvier, d’être phagocyté par ce débat. »

Les accès de militantisme de Libération sont touchants... Mais pas nouveaux.
C’est signé ... Libération
Libération a toujours mis un point d’honneur à « briser les tabous ». Après avoir tenté pendant quelques année de briser les tabous du journalisme dominants, le quotidien - parvenu au terme du trajet qui l’a amené de Sartre à Rothschild [4] - brise désormais les tabous du journalisme le plus élémentaire. Du maoïsme au reaganisme, ce journal d’opinion avait déjà accompli une notable évolution. En 1998, Noam Chomsky relevait - au sujet de la campagne du président Reagan en soutien aux « contras » du Nicaragua -, qu’une étude de quatorze quotidiens européens avait montré que « le pire de tous était le quotidien parisien Libération, super-reaganien à l’époque, allant au-delà des pires journaux des Etats-Unis dans son adhésion à la propagande du gouvernement américain. » [5]. Parallèlement, de libertaire, Libération devenait de plus en plus libéral. Quelques hirondelles résistent encore dans les colonnes du journal. Mais elles ne font pas son orientation éditoriale...
... Que l’on peut contester sans contester à ce journal le droit de l’adopter. Mais quand ce quotidien de parti pris tente de dissimuler ses prises de parti à grand renfort de contorsions pseudo-journalistiques, c’est la rigueur et l’honnêteté de l’information qui sont en cause. Tromperie sur la marchandise et marchandise avariée : c’est trop ! Surtout quand on constate que, sur le Venezuela notamment, c’est moins souvent le cas dans les colonnes du Figaro...
Et pourtant face au tandem July-Rothschild, il y a encore des journalistes à défendre à Libération.

Henri Maler

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