Accueil > Antifascisme - Antiracisme > Populisme réactionnaire > Césarisme, une forme de populisme contre le peuple. C Delarue

Césarisme, une forme de populisme contre le peuple. C Delarue

samedi 13 novembre 2010, par Amitié entre les peuples

Césarisme, une forme de populisme contre le peuple.

publié en 2009 sur Agoravox sous le titre Césarisme, un populisme contre le peuple.

Article qui complète « Sarkozysme, déconstruire un césarisme démocratique »

****

La catégorie de populisme a des significations ambiguës et même contradictoires (Voir quelques repères en note n°1) ce qui rend son usage toujours difficile... du moins pour se faire bien comprendre. D’une certaine manière cet article est une défense du peuple-classe, donc d’une certaine manière une position populiste mais elle s’en distingue fortement car tout ce qui vient du peuple n’est pas jugé acceptable. Il faudrait dire ici que ce non acceptable provient souvent des élites et des médias. Ce point ne sera pas défendu pour mieux serrer le fil explicatif

****

Pour cette contribution le terme de populiste se rattache à la critique des courants conservateurs voire réactionnaires de la société mais sans s’y réduire. La référence à « ceux d’en-bas » y est chez eux de l’ordre de l’instrumentalisation et du mensonge partiel . Il ne s’agira pas d’évoquer l’idéologie du seul Front National. Aujourd’hui Sarkozy (2) développe pleinement une forme de populisme qui a été permise par les échecs de la gauche. D’ailleurs, ainsi que disent nombre de théoriciens s’évertuant à faire du populisme un concept politique, le populisme n’est pas uniquement l’apanage de la droite conservatrice : il sévit aussi dans un milieu qui n’est pas le sien et donc moindrement . On le repère parfois dans la gauche de soumission au capital et chez les écologistes modérés.

Le populisme étant une catégorie floue de la science politique, il importe donc, par souci de clarté, de préciser les traits de ce qui est mobilisé dans l’analyse sous couvert de ce terme. Deux formes sont repérables : soit on ne défendra pas réellement le peuple au plan économico-social (revenu, travail), soit on s’abstiendra des critiques à faire dans certains domaines tel le sexisme ou le racisme. Les acteurs politiques y sont donc différents. Ce texte porte une double critique du populisme pour la défense des citoyens du peuple-classe.

Comme premier trait à pointer figure l’usage de la répression comme une conséquence des positions courantes du populisme. C’est que le populisme mobilise fortement le discours sécuritaire qui sape l’Etat social et l’Etat démocratique au profit de l’Etat pénal, policier et xénophobe. C’est ce que l’on nomme sécuritarisme (3). En ce sens, le populisme fait le lit du fascisme. Le césarisme démocratique en serait une étape. Certains éléments communs du populisme et du fascisme préparent et permettent la transition vers le fascisme. Le fascisme comme les autres dictatures montées sur une infrastructure capitaliste (Portugal de Salazar, Espagne de Franco, Italie de Mussolini, Grèce des Colonels, France de Pétain, et les dictatures sud-américaines et africaines) possédaient et possèdent encore une dimension autoritaire forte qui réduit les libertés pour instaurer le pouvoir des militaires sur la société civile. Cet aspect n’est pas toujours franchement apparent dans le populisme émergent mais la crise actuelle va montrer de plus en plus cet aspect si une solution progressiste favorable au(x) peuple(s)-classe d’ici et d’ailleurs n’est pas trouvée.

I - Populisme et fascisme : quelques autres éléments liés à la question des revenus.

Le populisme se rapproche du fascisme sur au moins deux points complémentaires : il porte un regard stigmatisant sur des catégories spécifiques du « petit peuple » et un voile protecteur sur les dominants. Ici le populisme ne se définit donc pas par le regard favorable au peuple contre les élites ainsi qu’il est souvent dit. Ces catégories stigmatisées peuvent être tantôt les fonctionnaires de base (les grévistes et les fainéants) tantôt les chômeurs (ceux qui se complaisent dans une situation parasitaire), tantôt les immigrés (qui volent le travail des français). La liste est non exhaustive. Le discours populiste n’est pas nécessairement de droite extrême, il peut se nicher chez les roses et chez les verts car il peut porter son mépris plus sur telle ou telle catégorie que sur une autre en fonction de la situation. Et le mépris peut être appuyé (à droite) ou simplement dit de façon euphémisée (à gauche). Mais, très rarement le regard critique va porter sur les très hauts fonctionnaires, les grands PDG ou même le patronat ordinaire. Le motif invoqué en est toujours aussi faible : soit la relativisation (il sont peu nombreux), soit l’impuissance (on ne peut rien faire contre eux) . On retrouve ici le phénomène de la chape de plomb de la « fin de l’histoire » (F Fukuyama) asséné et pratiqué par la gauche d’accompagnement du capitalisme. Ce slogan a fonctionné comme une barre de conscience qui explique que l’on puisse aujourd’hui voir des personnes qui par ailleurs sur d’autres sujets font montre d’une argumentation assez développées se contenter ici d’une position faible. Ce qui pose un problème aujourd’hui du fait de la visibilité des méfaits du « capitalisme de casino » : les responsables réels commettent des actes tragiques pour les salariés mais sont néanmoins grassement remercier pour leur « sale boulot ». Du coup attaquer les dominants riches gêne visiblement les populistes. La discussion apparait comme inopportune. Il faut la faire taire et rabattre le regard sur son voisin. Tel est l’axe essentiel du populisme dont Sarkozy est le promoteur efficace.

Ce n’est pas tout . Comme le fascisme, le populisme ne reconnait pas les conflits de classe qui traversent la société, un clivage qui est à l’œuvre au sein de la société civile mais qui implique l’Etat loin d’être neutre en la matière. Ce qu’il ne voit évidemment pas puisqu’ils les défendent ce sont les attaques contre les travailleurs sous prétexte de « valeur travail » qui remplace la solidarité par le mérite et la réduction du temps de travail sans perte de salaire par « travailler plus » . Ce qui est ignoré et ne peut être entendu c’est la théorie de la « valeur-travail » qui explique à l’inverse l’exploitation des travailleurs salariés (4). Même ceux qui la connaissent bien la refoule. Dans la foulée, comme le fascisme le populisme voudra s’attaquer aux organisations ouvrières et aux droits conquis, notamment le droit de se syndiquer, le droit de s’exprimer de façon critique et non simplement pour approuver les chefs, le droit de grève.

*

II - L’exemple décisif des salariés modestes : En défense des prolétaires.

Les couches moyennes font l’objet avec le césarisme républicain d’un intérêt particulier car elles sont à la fois une base d’appui à protéger verbalement mais aussi des couches sociales à prélever par taxes et impôts. Par contre le « déclassement social » des riches n’est jamais à l’ordre du jour. Universités, successions, paquet fiscal... Les couches supérieures ne tendent pas ici au déclassement. Enrichissez-vous !

Du fait des difficultés de remboursement de prêts immobilier, ceux qui gagnent entre 1600 et 2600 euros et même plus jusqu’à 3000 euros par mois peinent à terminer le mois. Cette tranche là, peu importe qu’elle soit nommée « couche moyenne » car ce qui importe surtout c’est de voir qu’il s’agit de prolétaires. Les prolétaires, ce sont les travailleurs salariés qui certes vendent force de travail pour vivre à un patron mais de plus épuisent ce revenu pour la reproduction de sa force de travail et l’entretien de sa famille. Pour être relativement dégagé des affres du prolétariat en pouvant mettre de façon régulière et systématique au moins 200 euros par mois il faut gagner 3000 euros par mois. Alors on peut s’acheter une maison sans souci. Autant dire qu’il faut être grosso modo professeur agrégé de fin de carrière ! Ce ne sont que des salariés devenus aisés, rien à voir avec les super « cadres » qui gagnent 5 ou 6 fois plus qu’eux ! Ces professeurs agrégés font parti du peuple classe pas les seconds.

Pour encore être plus précis, on trouvera des individus forts satisfaits de gagner moins de 3000 euros par mois mais bien souvent ils sont à deux salariés dans le couple ou possèdent des immeubles de rapport qui font que gagner 2000 euros sur un temps partiel pour l’un des deux suffit à leur assurer une vie confortable. Cela se comprend. Mais on ne peut raisonner et généraliser à partir de ce type de situation car le risque instrumentalisation misérabiliste et populiste est trop grand.

* Quid aussi de l’émancipation humaine sous ses formes diverses ?

La question des revenus est un indice pour savoir qui défend le peuple et quelles couches sociales sont plus particulièrement défendues. Mais ce n’est pas le seul aspect. Il y a un populisme qui s’abstient sur le question de droits des femmes, de racisme, de laïcité, de xénophobie anti-migrants, de moindre démocratie. Défendre le peuple-classe au plan des revenus ce n’est pas s’abstenir des autres tâches d’émancipation humaine.

*

III - Quelques propositions d’orientation à débattre.

*

*1 - Défense bec et ongles les moins de 3000 euros par mois !

Il faut défendre bec et ongles ceux et celles qui gagnent moins de 3000 euros par mois. C’est la base sociale du combat du peuple-classe, français ou non.

*2 - Ne pas jeter en enfer les plus de 3000 euros.

Le peuple-classe s’étend au-delà de 3000 euros car le peuple-classe ne réduit pas à un niveau de revenu, il faut prendre en compte les positions de classe, les positions de pouvoir et l’usage qui en est fait. Il faut donc avoir un regard plus circonstancié sur les tranches immédiatement supérieures à 3000 euros car ils font aussi parti du peuple-classe à gagner dans le combat face à la bourgeoisie prédatrice. C’est la bourgeoisie qu’il faut combattre. Là, ce n’est pas uniquement en terme de revenu mensuel ou annuel qu’il convient de raisonner pour définir la classe dominante.

*3 - Stop aux très gros revenus ! Imposons un plafond.

Ce texte n’est en rien une critique des élites à l’exception de leur propension à s’accaparer une forte part du gâteau produit.

http://amitie-entre-les-peuples.org...

*4 - Pas de protection acritique du peuple qui serait précisément une forme du populisme .

Autrement dit, tout ce qui vient du peuple-classe n’est pas en soi acceptable au prétexte qu’il faille le défendre. En l’espèce, défense les moins de 3000 euros par mois ne préjuge pas des autres combats internes à mener contre le sexisme, le racisme, pour la laïcité, la démocratie améliorée, la promotion des services publics, de l’alter-développement, du syndicalisme de classe et des droits y afférents, et la défense d’une juste fiscalité contre le retour insidieux d’un néo-poujadisme qui refuse l’impôt progressif sur le revenu au profit des taxes « indolores ».

Jacques Julliard signale que « deux chancres rivaux se nourrissent aujourd’hui l’un l’autre : l’élitisme, c’est à dire la démocratie sans le peuple ; le populisme, c’est à dire le peuple sans la démocratie ». En réponse à ces deux chancres, on dira qu’il faut d’une part ajouter les mobilisation sociales fortes à la généralisation du fait démocratique et qu’il faut d’autre part une élite soutenant les intérêts du peuple-classe contre les dominants mais sans approuver ses dérives racistes ou sexistes. Dans les deux cas nous sommes loin du compte : faiblesse des mobilisation sociales , apologie de la démocratie « modeste », élites gagnées à la thèse de « la fin de l’histoire » et de l’aménagement du capitalisme aux marge et même « élites » diffusant le racisme ( 5) et le mépris des peuples africains. Sans parler de la constitution d’un Etat xénophobe (6).

Christian Delarue

1) Ambiguïté du mot populisme : une trame pour s’y retrouver.

* Pour les uns, le terme recouvre l’attitude des mouvements politiques de gauche qui veulent le gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple dont ils font partie . Tout le peuple y compris les couches les plus modestes. Y compris, pour certains les résidents étrangers extracommunautaires. On pourrait parler ici de peuple-classe comme catégorie de mobilisation citoyenne. L’idéologie déployé est démocratique et égalitariste : justice sociale et justice fiscale. La critique du capitalisme y est courante mais avec des variations et donc des courants divers.

* Pour les autres, à l’extrême-droite, le populisme est une critique des élites politiques et médiatiques mais pas de la classe dominante. Il ne s’agit pas d’abaisser les pouvoirs de la bourgeoisie mais de remplacer les élites qui font le jeux de l’étranger, qui sont trop tournées vers l’extérieur. Ce populisme nationaliste débouche très souvent sur une xénophobie et un racisme mal cachés.

* Enfin, le terme est utilisé en science politique pour englober l’un et l’autre des usages. Il donne lieu à de multiples débats de repositionnement avec des variations historiques. Ce terme est donc a manier avec précaution pour qui entend être bien compris.

Faut-il avoir peur du populisme ?

2) Le populisme c’est aussi « un peuple uni autour d’un leader ». Il suppose des leaders jouant à la fois de l’idéalisation du peuple et de la démagogie nationaliste. On parle alors de « national-populisme » et de démagogie remplaçant l’appel à l’esprit critique. La xénophobie aujourd’hui déployée par les élites élargie notablement le champ des leaders populistes. A tel point que l’actuel Président de la République serait le premier leader populiste de France, battant Le Pen sur la critique de l’immigration en usant notamment du terme de communautarisme comme stigmatisation de l’immigration post-coloniale. On trouve aussi des leaders populistes à gauche qui prennent appui sur certains intellectuels nationalistes proche de Chevènement, tel Max Gallo par exemple. Cela ne concerne pas Olivier Besancenot qui pourtant bénéficie d’un charisme certain et d’une aura médiatique relativement soutenue car ce leader peut se montrer fort critique sur des points précisément ignorés du populisme : droit des femmes, droit des homosexuels, droit des migrants, etc.

3) La sécurité n’est pas le sécuritarisme

http://www.france.attac.org/spip.php?article9982

4 ) Quand le sage montre la lune, le fou regarde le doigt.
Quelques propositions pour contribuer au débat sur la richesse.

http://harribey.u-bordeaux4.fr/travaux/valeur/lune.pdf

Le Président Sarkozy, apprenti économiste

http://alternatives-economiques.fr/blogs/harribey/

5) STOP AU RACISME PRESIDENTIEL

6) XENOPHOBIE D’ETAT / XENOPHOBIE DE GOUVERNEMENT

Réunion des PST du MRAP du 7 juin 2008. (PST : Présidents, secrétaires et trésoriers des comités locaux)

* Version courte (I et II) dans Différences n°268 Octobre-Novembre-Décembre 2008

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article399