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Césarisme et désir d’autorité : dans quel sens ? Christian Delarue

jeudi 19 août 2021, par Amitié entre les peuples

Césarisme et désir d’autorité : dans quel sens ?

Il apparait qu’il faille bien (re)poser la question : Autorité d’un César (ou d’un régime césariste) mais au profit de quelles classes sociales derrière l’idée mise en avant, de façon abusive, qu’il s’agit de « sauver la nation » !

 Césarisme ou bonapartisme : homme d’autorité s’appuyant directement sur le peuple (hors intermédiaires de la société civile et ses conflits de classe) pour sauver la nation, le tout sous capitalisme dominant

Pour dire ce qu’il n’est pas lire : "Jospin et le bonapartisme : l’aveugle et le paralytique" de Paul Alliès.

Citons ensuite Gramsci (wikipedia) : Antonio Gramsci nomme « césarisme » l’issue possible d’une crise organique ou conjoncturelle se concrétisant par l’irruption d’une « grande personnalité » revendiquant être le sauveur de la nation. A travers cette notion, il désigne d’abord Benito Mussolini avec ironie en raison de la comparaison souvent effectuée entre César et lui. Il insère également sous cette appellation Napoléon Ier, Napoléon III et Bismarck. Cela n’est pas sans rappeler le « bonapartisme » évoqué par Karl Marx dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte (1852).

Enfin si on veut aussi rapprocher bonapartisme et V ème République, ce passage en 1.

 Qu’est-ce qui est sauvé ?

Passons après ce préalable à la question de l’instrumentalisation au-delà de la question technico-juridique de l’usage du référendum : Le césarisme surgit en situation de crise pour sauver la nation, toutes classes sociales confondues. Et on évoque souvent à propos du césarisme ou du bonapartisme, une instrumentalisation du désir d’autorité du peuple-nation par une personnalité politique charismatique prête à l’assumer. Mais on parle alors fort peu du contenu de ce désir d’autorité au sein du peuple ni ensuite dans quel sens se fait cette prise en charge politique.

Est-ce pourtant suffisant de dire qu’il y a « plus d’autorité et moins de démocratie », la démocratie étant alors « en soi », sans discussion, socialement bonne pour le peuple-classe et les classes populaires. Pourtant, un césar (ou un césarisme sans César - Gramsci) qui combattrait (notez le conditionnel d’une hypothèse) la ploutocratie pour établir un Etat social ce ne serait pas la même chose que son inverse, bien qu’il y ait un usage de l’autorité. Nous renvoyons ici à une distinction ancienne (2). Se pose donc la question du sens.

Dans les périodes de chaos peut naître au sein du peuple, toute classe sociale confondue (pas que le peuple-classe), un désir d’autorité lié à un besoin de sécurité, plus la sécurité publique (dans la rue) que la sécurité sociale (le bien vivre). Il peut s’y mêler - c’est toute l’ambiguïté sociale - pour les classes sociales modestes un besoin de satisfaction des besoins sociaux et donc la reconnaissance d’un Etat social avec un appareil de satisfaction des besoins sociaux et une législation en ce sens.

La personnalité politique à profil césariste va alors prendre appui sur ces deux demandes sociales mais ce sera de façon très hypocrite pour la seconde - la satisfaction des besoins sociaux et l’Etat social - et de façon très réelle pour la première : la demande d’autorité afin d’établir un plus grand respect du droit de la loi dans la vie courante : moins de vol, moins de violences de rue, etc.
Il pourra y avoir donc plus de sanctions policières et pénales contre le vol, les dégradations publiques et même la corruption généralisée.

Mais combattre la corruption généralisée ne signifie pas atteindre la corruption de haut niveau des classes riches. Car le césarisme peut très bien accompagner la stabilisation d’un régime ploutocratique, qui conforte l’accumulation de richesse de la bourgeoisie. Et il peut s’agir aussi d’une classe dominante de type bureaucratique avec divers privilèges de « nomenklaturistes », si l’on accepte d’étendre le terme césarisme à d’autres type de régimes que le capitalisme.

Il y a quelques années, en 2014, au vu d’une évolution des institutions (cf soumission à l’oligarchie de l’UE à la suite du 29 mai 2005 non respecté) et de certaines prises de positions de certains élus de droite ( M Christian Estrosi, M Bernard Accoyer ), André Bellon proposait (3) de sortir du bonapartisme par une constituante, laquelle complète un mouvement social mais ne le remplace pas.

Christian Delarue

1) cf Ce passage de Vincent Présumey (Marine Le Pen présidente sur aplusoc) :

La V° République ne saurait se comprendre uniquement par sa constitution, qui en fait, selon les professeurs de droit constitutionnel, un régime « semi-présidentiel » (sic). Sa constitution doit elle-même être comprise dans le cadre de la dynamique historique de ce régime. En 1958, l’armée opère un coup d’État pour l’instaurer, en s’appuyant sur les colonialistes d’Algérie auxquels De Gaulle est alors allié. Il s’agit d’instaurer un État fort pour, premièrement, ne plus avoir à faire d’énormes concessions à la classe ouvrière comme les conquêtes sociales révolutionnaires de 1936 et de 1945 : Sécurité sociale, droit à la santé, droit à l’école publique, etc. Et, deuxièmement, pour maintenir et restaurer la « place de la France dans le monde » au moment où son empire colonial est en péril et où commence l’intégration économique européenne avec l’Allemagne renaissante.

De ces deux finalités, liées entre elles (la puissance impérialiste mondiale requiert que le prolétariat soit bridé à l’intérieur), s’ensuit la rupture avec la forme parlementaire de l’État, propre aux III° et IV° Républiques, et une réorganisation de l’État central autour de la figure clef, bonapartiste, du président. De plus, cette forme de l’État est beaucoup plus conforme à la structure conférée historiquement à l’appareil d’État, justement, par Napoléon, structurée par la pyramide des préfets nommés par le pouvoir central. Le législatif passe sous la coupe de l’exécutif.

https://aplutsoc.org/2021/06/14/marine-le-pen-presidente-quest-ce-que-le-rn-par-vincent-presumey/

2) Peux-ton accepter la distinction faite jadis par André & Francine DEMICHEL entre dictatures réactionnaires et dictatures révolutionnaires in
« Les dictatures européennes » . André & Francine DEMICHEL (plan) PUF 1973
http://amitie-entre-les-peuples.org/Les-dictatures-europeennes-A-F?var_mode=calcul

3) Bonapartisme ou constituante par André Bellon Monde diplomatique avril 2014
https://www.monde-diplomatique.fr/2014/04/BELLON/50294